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Culture - Littérature

« Sitt Émilie » entre, en toute discrétion, à la BO

L'auteure de « Oiseaux de septembre » confie ses articles inédits à l'Université Saint-Joseph.

Émilie Nasrallah entourée du P. Daccache, recteur de l’USJ, et d’Henri Awaïss, doyen de sa faculté des langues. Photo Michel Sayegh

Écolière, elle «chipait» des livres de la bibliothèque du Collège national de Choueifate. Émilie Nasrallah a choisi aujourd'hui la Bibliothèque orientale (BO) de l'Université Saint-Joseph pour abriter ses inédits, textes en prose, articles de journaux et essais amassés au cours de sa longue vie.
Née à Kfeir (Liban-Sud) en 1931, Émilie Nasrallah publie en 1962 Oiseaux de septembre, un livre imprégné de la nostalgie d'une famille qui émigre et s'éparpille aux quatre coins du monde. Le succès est immédiat. Le roman reçoit le Prix Saïd Akl et sera traduit en plusieurs langues (anglais, allemand, hollandais et thaï). Avec les œuvres d'Alexandre Dumas, il a été choisi récemment par l'Unesco pour paraître en braille (dans sa version originale).


«Je ne suis qu'une paysanne qui écrit»? lance Émilie Nasrallah à la chaleureuse assemblée massée dans l'amphithéâtre Leila Turqui, à la BO, pour la cérémonie marquant son legs littéraire. Entourée de son frère et de ses deux filles, elle sourit à l'hommage que lui rendent le recteur de l'USJ, Salim Daccache, et le doyen de la faculté des langues, Henri Awaïss, ses yeux se plissent, s'embrument, on dirait qu'une larme va couler.
Si Émilie Nasrallah a choisi la Bibliothèque orientale c'est, dit-elle, par gratitude, pour remercier une institution dont les professeurs ont recommandé à la lecture plusieurs de ses ouvrages et parce qu'un certain nombre de ses étudiants ont choisi de consacrer leurs mémoires ou thèses à son œuvre.
Les archives d'Émilie Nasrallah seront mises en ligne, a précisé le recteur Daccache, à la disposition des chercheurs. Libre consultation qui ne manquera pas de faire des heureux, puisque le succès des romans en partie autobiographiques d'Émilie Nasrallah ne s'est jamais démenti et que plusieurs de ses ouvrages figurent aux programmes officiels de l'enseignement complémentaire et secondaire.
«Écrite avec des larmes autant qu'avec de l'encre », pour reprendre l'une de ses images, l'œuvre d'Émilie Nasrallah est aussi bien profondément ancrée dans la vie rurale libanaise, avec ses traditions, ses valeurs, sa «fortitude», que dans l'ouverture à un monde qui disperse les familles, avec l'étonnante capacité de ces dernières à recréer, là où l'aventure les porte, un Liban aux innombrables strates culturelles, tout à la fois fragile, coloré, parfois même vénal, mais apparemment indestructible.

 

Zico le chat
Cette passionnée de littérature, dont les grands s'appellent Gibran, Hemingway et Faulkner, a été également une journaliste chevronnée dont les articles paraissaient dans l'hebdomadaire as-Sayyad de Saïd Freiha, qui la couvait comme un père. «Plus de la journaliste, moins de la femme de lettres», lui répétait ce dernier quand il la voyait écrire. Dilemme éternel des écrivains qui s'essaient au journalisme.
On pourrait croire qu'Émilie Nasrallah est une femme frileuse attachée aux conventions. Erreur. Cette auteure a porté depuis toujours le flambeau de l'émancipation de la femme des cloisons où souhaite l'enfermer le machisme oriental. Elle se défend pourtant d'être féministe. Pour elle, c'est l'être humain intégral qu'il faut protéger, pas seulement la femme, bien que cette dernière soit plus vulnérable. Les textes marquant ce combat ont paru dans un ouvrage en six volumes consacrés à des femmes pionnières dans leurs domaines, comme cette Julie Tohmé qui a été la première femme à être directrice d'une école des Makassed et à épouser un musulman.


Enfin, et ce n'est pas l'une des moindres cordes à son arc, Émilie Nasrallah a écrit des contes pour enfants d'une étonnante délicatesse de sentiment, doublée d'une imagination débordante. Journal d'un chat (Yaoumiyat Herr) reste l'un des plus connus, et nombreux sont les lecteurs (et lectrices) qui ne peuvent reprendre ce livre sans pleurer. Il conte l'histoire de Zico le chat, dans les rues et décombres d'un Beyrouth en guerre. L'histoire est, au départ, véridique. Zico est en effet le chat des Nasrallah, qu'un éclat d'obus tombé dans le quartier de Aïn el-Tiné, à Beyrouth, où la famille habitait, avait tué. Pour ne pas peiner ses filles, Mona et Maha, leur mère leur raconte que Zico est tout simplement parti à la découverte du monde. En secret, elle imagine ses aventures, qui se terminent par la mort. Le livre restera quinze ans dans le tiroir de son secrétaire, avant d'être montré à sa fille devenue étudiante. Succès immédiat là aussi.
Paysanne, Émilie Nasrallah ? Certes, elle parle avec le « qaf » de la Montagne, et son cœur est bien ancré dans des souvenirs indélébiles. Sa modestie est aussi une marque de fabrique. Voilà une femme dont la réputation littéraire n'a pas dégénéré dans les mondanités. Toujours égale à elle-même, c'est une « sitt » telle que la conçoivent les Libanais. C'est-à-dire une femme de dignité, de discrétion. C'est en ces termes que devait s'adresser à elle Henri Awaïss, dans l'hommage qu'il a rendu à son œuvre et à sa personne. Rien à ajouter.

Écolière, elle «chipait» des livres de la bibliothèque du Collège national de Choueifate. Émilie Nasrallah a choisi aujourd'hui la Bibliothèque orientale (BO) de l'Université Saint-Joseph pour abriter ses inédits, textes en prose, articles de journaux et essais amassés au cours de sa longue vie.Née à Kfeir (Liban-Sud) en 1931, Émilie Nasrallah publie en 1962 Oiseaux de septembre, un...

commentaires (3)

HOMMAGE A CETTE DAME !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 02, le 07 octobre 2015

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Commentaires (3)

  • HOMMAGE A CETTE DAME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 02, le 07 octobre 2015

  • "Je ne suis qu'une paysanne qui écrit"!! Quelle authenticité, quelle profondeur dans la simplicité, la sincérité et la générosité! Sitt Emilie se caractérise par toutes ces qualités exceptionnelles! Une façon de prouver que la femme libanaise participe autant que les hommes de bonne volonté si rares en ce moment au Liban, à la vraie résistance contre toutes sortes d'ennemis du Liban! Sitt Emilie Nasrallah vous êtes un exemple à suivre par toutes les femmes de talent!!

    Zaarour Beatriz

    22 h 27, le 06 octobre 2015

  • C'est avec une grande joie que nous lisons cet article sur Emilie Nasrallah, cette dame libanaise qui sait si bien conter un monde rural simple et enchanteur et des créatures evoluant dans la campagne libanaise. Merci Emilie Nasrallah.

    Dounia Mansour Abdelnour

    16 h 29, le 06 octobre 2015

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