« Nous n'élirons pas Michel Aoun », a répondu sèchement Fouad Siniora à la dernière conférence de dialogue. On se rappelle des poses fougueuses de Michel Aoun à la veille du 13 octobre 1990. « Ils peuvent m'éliminer, mais ils n'auront pas mon blanc-seing », disait-il, quelques jours avant que l'armée et l'aviation syriennes ne le délogent de Baabda. On sait à quel gâchis militaire, à quelles morts inutiles, à quel exil et à quelles souffrances cette obstination a conduit. C'est sur le même modèle que le Fouad Siniora sunnite résiste aujourd'hui à la déferlante chiite.
Pourtant, les sunnites du Liban devraient réfléchir au 13 octobre 1990 et en tirer les leçons. Sans renier leur dignité, ni leur combat, ils devraient se montrer plus souples, composer, ne pas faire de la résistance pour la résistance, réserver leur place dans le nouvel ordre qui se dessine.
En même temps, Michel Aoun devrait mieux apprécier la position des sunnites, la raison fort justifiée de leur réticence à voir un homme comme lui être élu président. En bon renard, Hassan Nasrallah peut bien les flatter en le leur décrivant comme un homme indépendant d'esprit auquel personne ne peut dicter de positions, c'est bien le fromage du « oui » qu'il convoite. Le « oui » à un Liban sous influence iranienne. Le « oui » à ses armes.
Et Hassan Nasrallah aura beau mettre en évidence que le courant du Futur a dépensé 1,2 milliard de dollars pour remporter les élections de 2009, et qu'il a gagné son pari, en dépit des « armes », son bluff est évident. D'abord, 1,2 milliard de dollars équivaut au « poids » des armes dans l'équation politique. Tous deux sont illégitimes. Ensuite, dans la feuille de route qu'il propose, en même temps que son allié chrétien, la loi électorale de 1960, qui a rendu possible l'équilibre armes/dollars, est appelée à disparaître. Elle sera remplacée par une loi basée sur la proportionnelle qui affaiblira sa représentation en favorisant l'émergence de députés sunnites d'autres obédiences, mais ce phénomène ne s'appliquera pas à la communauté chiite, dont on sait comment les indépendants sont traités.
Car on a vu le grand cas que les partisans de Nabih Berry font de la démocratie, lorsque quelqu'un ose associer en public le nom de leur chef à la corruption. On a vu aussi la démocratie opérer jusqu'au meurtre, indifférente aux objectifs des photographes, devant l'ambassade d'Iran. Dans la Békaa, on a vu des rançonneurs bien connus agir en toute impunité. On a entendu les habitants chrétiens de Btedii réclamer justice contre les Jaafar à partir du siège patriarcal maronite. Et comment oublier le TSL ?
C'est à ce Liban de l'impunité, de voyous en liberté et d'intouchables, à ce Liban inféodé et brimé que résiste le courant du Futur, en refusant la présidence à Michel Aoun. Ce dernier continuera-t-il à vouloir la conquérir de force ou comprendra-t-il ces raisons et en tiendra-t-il compte ? Acceptera-t-il que le courant du Futur plie, mais ne casse pas, comme il a lui-même été cassé le 13 octobre 1990, pour ne pas radicaliser davantage une rue sunnite déjà meurtrie et humiliée ? Acceptera-t-il de dénoncer l'impunité partout où elle se trouve, y compris dans ses propres rangs, et non seulement du côté du Futur ? Ouvrira-t-il les yeux sur un impérialisme iranien qui radicalise tous les jours un empire sunnite bien plus archaïque que son rival ?
Enfin, armes contre dollars ou armes contre armes, les chrétiens du Liban sauront-ils briser ce cercle vicieux ? Sauront-ils, comme le recommandent beaucoup, et hier encore Samy Gemayel, être des traits d'union plutôt que les accélérateurs d'une rivalité sunnito-chiite à l'échelle régionale qui a permis à quelques groupes de vider une région entière du Moyen-Orient de toute présence chrétienne. Sommes-nous aveuglés à ce point que nous ne savons plus faire le lien entre un événement et un autre ? Ni voir où se trouve notre intérêt de Libanais ?
Liban - En toute liberté
Les sunnites, Michel Aoun et les leçons du 13 octobre
OLJ / Par Fady NOUN, le 05 octobre 2015 à 00h00
commentaires (12)
Pourquoi je suis un ex aouniste Parce que Aoun nous a engagés dans une guerre perdue d'avance contre la Syrie en 1990, Parce que le 13 octobre 1990 il a pris la fuite en laissant ses officiers être exécutés dans le dos alors qu'il nous rebattait les oreilles avec son leitmotiv: la Mort ou la Liberté, Parce qu'il s'était mis pour objectif de réformer le système politique dynastique du pays alors que le népotisme est devenu son style de gestion en imposant deux gendres et un neveu sur la scène politique, Parce qu'il est irascible et n'a aucune maîtrise de lui-même, Parce qu'il est impulsif et trivial, Parce qu'il est mégalomane et paranoïaque, Parce qu'une de ses priorités était le désarmement du Hezbollah et qu'il a trahi ses principes en s'alliant à ce dernier, Parce qu'il avait promis d'œuvrer pour la souveraineté libanaise et qu'il s'est assujetti au camp syro-iranien, Parce qu'il a oublié les assassinats commis par le régime syrien contre l'armée libanaise alors qu'il était lui le commandant en chef de l'armée libanaise, Par ce que son discours est haineux et semeur de discorde, Parce que son seul et unique objectif est l'accession à la présidence de la république et qu'il vendrait son âme et son pays pour atteindre cet objectif.
Dounia Mansour Abdelnour
19 h 51, le 05 octobre 2015