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À La Une - Violence

Afghanistan : un hôpital de MSF visé par un raid aérien, un acte "inexcusable" pour l'ONU

Cette frappe a coûté la vie à 19 personnes, 12 employés, et sept patients, parmi lesquels trois enfants.

Un employé de Médecins Sans Frontières en pleurs après le raid qui a visé un hôpital à Kunduz. MSF/AFP

Le bombardement de l'hôpital de Médecins sans Frontières (MSF) dans la ville afghane de Kunduz, qui a fait 19 morts et pourrait être dû à un raid américain, a été qualifié par l'ONU d'"inexcusable" et de "potentiellement criminel".

Cette frappe aérienne pourrait relever du "crime de guerre" si elle était jugée "délibérée par la justice", a déclaré le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme Zeid Ra'ad Al Hussein, qui a appelé à une enquête approfondie et transparente. Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a d'ailleurs indiqué qu'une "enquête exhaustive" était en cours sur cet incident traité comme une "bavure".

Pour preuve, à Kaboul, le palais présidentiel a assuré que le général américain John Campbell, chef de la mission de l'Otan en Afghanistan, avait "présenté ses excuses" au président Ashraf Ghani dans une conversation téléphonique.
Mais l'Alliance atlantique, qui dispose toujours de 13.000 hommes, dont 10.000 Américains, dans ce pays, n'a pas officiellement reconnu que le bombardement de l'hôpital de MSF était bien lié à un raid américain et se limite à parler de "possibles dommages collatéraux" d'une opération aérienne.

Selon un nouveau bilan communiqué par l'ONG, cette frappe a coûté la vie à 19 personnes, 12 employés, et sept patients, parmi lesquels trois enfants. Au moins 37 personnes ont été blessées.

La fureur des Nations unies est alimentée par le récit de la nuit dernière fait par MSF. L'ONG affirme que des bombardements se sont poursuivis "pendant plus d'une demi-heure" après qu'elle a averti les armées afghane et américaine que son établissement de Kunduz avait été touché par de premiers tirs. MSF assure avoir transmis préventivement les coordonnées GPS de son hôpital à "toutes les parties" du conflit, et "notamment à Kaboul et Washington". Or, l'Otan n'évoque qu'une "frappe aérienne" américaine, sans préciser combien de bombes ont été larguées.

Au moment du bombardement, 105 patients et 80 membres du personnel, des Afghans et des étrangers, étaient présents dans l'hôpital de cette grande ville du nord qui a été le théâtre d'âpres combats entre les talibans et les forces de sécurité afghanes cette semaine.
L'opération visait sans doute "des terroristes armés qui ont attaqué l'hôpital de MSF et l'ont utilisé en tant que base pour attaquer les forces afghanes et les civils", a précisé le ministère afghan de la Défense.

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"Etat de choc"

Quiamudine, un commerçant de Kunduz, a raconté à l'AFP combien l'odeur de la chair brûlée emplissait les locaux. Il s'est rendu sur place pour obtenir des nouvelles de son voisin qui y travaillait. "J'étais en état de choc, j'avais les larmes aux yeux quand je suis arrivé", a-t-il expliqué. "J'ai dû implorer les talibans retranchés dans certains quartiers de me laisser passer" pour rejoindre l'hôpital où il a appris que son voisin avait été tué.

Le centre de soins de MSF a apporté une aide cruciale à la population civile dès lundi et la prise de Kunduz par les talibans, puis la contre-offensive des forces de sécurité afghanes. C'est le seul hôpital dans cette région du nord de l'Afghanistan capable de traiter des grands blessés. "Il a traité 394 blessés depuis lundi", a expliqué Bart Janssens, directeur des opérations de l'ONG. "Nous sommes terriblement choqués par cette attaque", a-t-il ajouté.

La Croix-Rouge a parlé d'une "effroyable tragédie", tandis que la France a appelé à ce qu'"une enquête soit conduite" et le commissaire européen aux Affaires humanitaires Christos Stylianides s'est dit "profondément choqué".

Le nord en ligne de mire

En Afghanistan, les frappes aériennes de la coalition de l'Otan font l'objet d'une controverse quant aux "dommages collatéraux" qu'elles engendrent. En juillet dernier, dix soldats afghans avaient ainsi été tués par erreur dans un raid américain dans la province orientale de Logar.

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Mais les frappes se sont avérées capitales dans le soutien apporté par l'Otan à l'armée afghane dans sa contre-offensive pour reprendre Kunduz aux talibans. Les insurgés sont parvenus à s'emparer de la ville en quelques heures seulement lundi, remportant ainsi leur plus grande victoire depuis la chute de leur régime en 2001 et infligeant un grave revers au président Ashraf Ghani.
Les forces de sécurité afghanes ne leur ont opposé qu'une faible résistance, symptomatique des énormes difficultés qu'elles rencontrent pour contenir les combattants islamistes, actifs non seulement dans leurs fiefs du sud et de l'est mais aussi dans le nord désormais.

Outre Kunduz, les provinces du Badakhshan, de Baghlan et de Takhar sont le théâtre d'une offensive de plus en plus intense des rebelles. L'armée afghane est d'autant plus surmenée qu'elle ne peut plus compter sur l'appui au sol de l'Otan. Depuis la fin de sa mission de combat, l'Alliance compte 13.000 hommes cantonnés à des missions de soutien et de formation de leurs homologues afghans.


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