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Moyen Orient et Monde - Éclairage / Migrants

Rêver, à long terme, « d’une garde côtière sous pavillon européen »...

Pour la Commission européenne, il s'agit de l'un des instruments à mobiliser pour que l'UE reprenne la maîtrise de ses confins, et notamment de ses 44 000 kilomètres de frontières maritimes.

Selon certains experts, en ce qui concerne les flux migratoires, une garde côtière européenne ne changerait rien à leur intensité. Aris Messinis/AFP

Des Allemands et des Français surveillant les côtes grecques sur un même bateau battant le pavillon étoilé ? Le projet d'une garde côtière européenne a refait surface face à l'afflux chaotique de migrants, mais il suscite le scepticisme d'experts.
Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, y a fait référence dans un court passage de son discours fleuve devant les eurodéputés début septembre, reprenant un projet indissociable de l'espace Schengen : « Nous proposerons avant la fin de l'année des mesures ambitieuses en vue de mettre en place un corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes. » « L'objectif est que des équipes multinationales de gardes-frontières surveillent les frontières extérieures de l'UE », a précisé le commissaire chargé des migrations, Dimitris Avramopoulos, évoquant la possibilité de voir des Allemands et des Grecs surveillant « ensemble » les côtes grecques ou italiennes.
Pour la Commission, il s'agit de l'un des instruments à mobiliser pour que l'UE reprenne la maîtrise de ses confins, et notamment de ses 44 000 kilomètres de frontières maritimes. Mais comment améliorerait-il la situation ? À quel horizon serait-il mis en place, avec quels moyens ? Interrogé par l'AFP, l'exécutif européen n'a pas souhaité être plus précis à ce stade. « C'est un sujet sensible : tout le monde est d'accord pour en parler, mais ça coince quand on entre dans le détail, parce que ça touche à la souveraineté des États », explique une source européenne. Le rétablissement provisoire de contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen a mis au jour la confiance ébranlée des États membres en leurs frontières extérieures, qui relèvent de la responsabilité des pays situés aux marches de l'UE. L'agence européenne Frontex, dont la mission est de coordonner leur action en la matière, va voir ses ressources renforcées l'an prochain. Elle peut déjà envoyer des agents sur le terrain, dans le cadre d'équipes d'experts, mais avec des prérogatives très encadrées.

« On les bloque ou on les laisse passer ? »
« Je demande la mise en place d'une supervision des gardes-côtes européens depuis 2010, mais, à l'époque, tout le monde me riait au nez », observe le député européen Alain Cadec (PPE, droite), qui se réjouit de voir le vent tourner. « Aujourd'hui, quand on passe de l'espace maritime d'un pays à celui d'un autre, c'est compliqué », rappelle-t-il, plaidant pour une meilleure coordination des agences européennes concernées avec « les plus de 300 entités » impliquées dans les États membres. « Si un hélicoptère sort en mer pour faire du contrôle de la pêche illicite et qu'il voit un bateau de migrants, il doit pouvoir envoyer directement l'information à Frontex, ce n'est pas le cas aujourd'hui », note M. Cadec, qui « rêve », à long terme, d'une garde côtière « sous pavillon européen ».
« Si on entend par là des bateaux armés avec des gardes-côtes qui seraient des fonctionnaires européens, commandés par la Commission, cela n'a aucune chance de voir le jour », estime Axel Dyèvre, du bureau bruxellois de la Compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS). La diversité des situations nationales en mer n'est pas le moindre des obstacles, selon lui. La protection des frontières, mais aussi de l'environnement maritime, la surveillance des pêches, les douanes : ces fonctions sont plus ou moins éclatées dans les États, faisant intervenir tantôt des civils, tantôt la marine, ou les deux. « On pourra aller au mieux vers une harmonisation des moyens, des procédures, peut-être des achats groupés de matériel, des missions conjointes », avance M. Dyèvre.
Pour Marc Pierini, ex-ambassadeur de l'UE en Turquie et chercheur au think tank Carnegie Europe, « c'est un peu comme appeler à la création d'une armée européenne, c'est une belle idée, mais on en est encore loin. Ce que l'on peut espérer, c'est un mécanisme par lequel les gardes côtières nationales seraient coordonnées, renforcé par des moyens européens, mais laissant essentiellement la main aux États membres », estime-t-il, mettant en garde contre la mise en place, « sous la pression de la crise migratoire, d'un mécanisme lourd et coûteux ».
Les deux experts font le même constat : en ce qui concerne les flux migratoires, une garde-côte européenne ne changerait rien à leur intensité. « On lui demanderait de faire quoi face aux bateaux de migrants ? On les bloque ou on les laisse passer ? » s'interroge M. Dyèvre.
« En fait, confie une source européenne de haut rang, personne ne sait comment réagir en mer. »

Cédric SIMON/AFP

Des Allemands et des Français surveillant les côtes grecques sur un même bateau battant le pavillon étoilé ? Le projet d'une garde côtière européenne a refait surface face à l'afflux chaotique de migrants, mais il suscite le scepticisme d'experts.Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, y a fait référence dans un court passage de son discours fleuve devant les eurodéputés...

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