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Économie - Liban - Focus

Centre-ville de Beyrouth, un déclin commercial qui remonte loin

Si les commerçants du centre-ville accusent le coup des conséquences des manifestations, la crise de l'activité du quartier ne date pas d'hier. Retour sur les raisons d'un exode.

Le durcissement continu des mesures de sécurité au centre-ville a contribué à faire fuir les commerçants. Photo Michel Sayegh

Les semaines se suivent et se ressemblent dans un centre-ville de Beyrouth transformé en zone bunkérisée et aux allées quasi désertes, sauf lorsque des milliers de Libanais viennent y dénoncer l'incurie du gouvernement. Ou, plus récemment, s'improviser vendeurs à la sauvette pour rappeler que « le centre de Beyrouth appartient à tous les Libanais » et répondre aux commerçants qui s'inquiéteraient de « la transformation du centre-ville en un souk Abou Rakhoussa (NDLR : marché aux puces bon marché) », selon la formule désormais célèbre du président de l'Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, qui a depuis déclaré regretter l'impact de ses propos. Reste que les principales organisations de professionnels du quartier multiplient les mises en garde quant aux conséquences de ces rassemblements sur leurs activités. « Depuis le début du mouvement civil, 93 sociétés ont dû fermer leurs portes », avance le président de la Fédération des Chambres de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban, Mohammad Choucair, avant de poursuivre : « Depuis 2006, ce sont 450 sociétés qui ont fermé au centre-ville, certains quartiers sont presque morts... »

 

« Tabula rasa »
Car la désertification du centre-ville ne date pas d'hier : « Si les fermetures des restaurants et des commerces ne cessent de s'amplifier, elles ont commencé il y a 10 ans, lorsque les mesures de sécurité ont commencé à se durcir, avant de s'accélérer à partir de 2011 », explique Guillaume Boudisseau, consultant immobilier chez Ramco Real Estate Advisers, qui enseigne la géographie commerciale à l'Alba. « L'accès au centre-ville est de plus en plus difficile, cela a commencé avec des barbelés, puis des barricades, et aujourd'hui des blocs de béton sous la garde d'une armée omniprésente. Or ces mesures de sécurité sont incompatibles avec les affaires. Vu que le Parlement ne peut pas déménager, ce sont les commerçants qui partent », poursuit-il.
Mais ce durcissement sécuritaire n'est pas la seule raison à ce déclin graduel. L'une d'entre elles réside sans doute dans le choix initial de traiter la reconstruction du centre-ville comme un élément à part et de la confier à un acteur ad hoc, la société immobilière Solidere établie par Rafic Hariri. Après avoir bénéficié du plan d'expropriations des particuliers avec l'assentiment de l'État – dirigé par le Premier ministre d'alors – Solidere a basé son schéma de reconstruction sur « une politique de "tabula rasa" (...) détruisant plus d'immeubles lors de la phase de reconstruction que pendant la guerre civile qui avait duré 15 ans », résume une étude publiée par l'Escwa en 2005. « Je comprends les nostalgiques d'un centre-ville et populaire, mais la ville change et la substitution des centres commerciaux aux souks traditionnels s'inscrit dans la modernité », commente Guillaume Boudisseau.


Outre ce virage urbanistique, le schéma de la reconstruction du centre-ville par un acteur privé unique a aussi entraîné une politique de loyers élevés, pour maximiser la rentabilité de l'opération. Ce qui a de facto contribué à la concentration de grandes enseignes ou de commerces devant maintenir des prix chers pour ne pas rogner leurs marges. Un phénomène, lui aussi, amplifié par l'instabilité politique. « Dans le temps, la place de l'Étoile était truffée de toutes sortes de commerces : des boutiques de souvenirs aux cafés à narguilé. Mais les petits commerçants ont été les premiers à quitter les lieux et seules les grandes enseignes résistent à la crise, ce qui renforce cette image très luxueuse du quartier », affirme Mohammad Choucair. Cela a également renforcé sa dépendance à la fréquentation des riches touristes du Golfe, qui s'est effondrée depuis 2011. « Parallèlement, d'autres secteurs ne connaissent pas la crise, comme la rue Hamra qui, forte de son cachet historique et de loyers abordables, joue finalement le rôle d'un centre-ville », observe Guillaume Boudisseau.

 

Diversification
Pour tenter d'enrayer ce déclin a priori inéluctable, Solidere affirme repenser sa stratégie : « Face à la crise touristique et économique, nous devons profiter des nombreux espaces publics du quartier pour créer des activités attirant tous les budgets. Par exemple, nous réfléchissons à ramener le marché aux puces qui existait déjà entre 1994 et 2002 », dévoile Nayla Abou Aziz, directrice de la communication de Solidere. Une idée qui rappelle l'implantation de Souk el-Tayeb, un marché de produits du terroir libanais, dont les tarifs restent cependant bien supérieurs à ceux des marchés traditionnels. « Solidere nous a convaincus de quitter le Biel pour les Souks de Beyrouth dans le but d'améliorer leur attractivité », raconte son directeur, Nicolas Gholam, qui refuse de s'exprimer sur les arguments avancés par Solidere pour le convaincre.
Le regain du quartier passera sans doute aussi par un net réajustement des loyers à la conjoncture. « Solidere a déjà baissé ses prix de 20 à 30 %, mais les loyers sont encore disproportionnés par rapport à la rentabilité commerciale. Il faudrait revoir en profondeur ceux de Solidere comme les autres », juge Guillaume Boudisseau. « Nous ne possédons pas tous les bâtiments du centre-ville et ne contrôlons pas les prix locatifs appliqués par les propriétaires privés. De notre côté, nous avons déjà réduit les loyers depuis la fin 2014 et allons continuer de réévaluer nos prix en fonction des circonstances actuelles », affirme Nayla Abou Aziz. L'avenir dira si cette politique suffira à sortir le centre-ville de l'ornière, et si cette sortie s'appuiera davantage sur un retour des touristes arabes ou celui de « tous les Libanais ».

 

Pour mémoire
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Les semaines se suivent et se ressemblent dans un centre-ville de Beyrouth transformé en zone bunkérisée et aux allées quasi désertes, sauf lorsque des milliers de Libanais viennent y dénoncer l'incurie du gouvernement. Ou, plus récemment, s'improviser vendeurs à la sauvette pour rappeler que « le centre de Beyrouth appartient à tous les Libanais » et répondre aux commerçants qui...

commentaires (2)

quand est ce que les libanais VONT ARRETER D'ETRE LES RECEPTEURS ?!?!?! QUAND EST CE QUE LE LIBANAIS VAS DEVENIR EMETTEUR !! pardon mais bande de naze vous croyez aux etrangers plus que vous ne croyez votre propre mere la situation au centre ville est du a un autre aspect que la securitee ..

Bery tus

14 h 49, le 02 octobre 2015

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Commentaires (2)

  • quand est ce que les libanais VONT ARRETER D'ETRE LES RECEPTEURS ?!?!?! QUAND EST CE QUE LE LIBANAIS VAS DEVENIR EMETTEUR !! pardon mais bande de naze vous croyez aux etrangers plus que vous ne croyez votre propre mere la situation au centre ville est du a un autre aspect que la securitee ..

    Bery tus

    14 h 49, le 02 octobre 2015

  • "L'avenir dira si cette sortie du centre-ville de l'ornière, s'appuiera davantage sur un retour des touristes arabes ou celui de « tous les Libanais »." ! De (tous les libanais?) ; faut pas trop espérer. La partition est en marche....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 41, le 02 octobre 2015

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