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Liban - affaire hariri

TSL : Karma Khayat condamnée à une amende de 10 000 euros

Le juge Lettieri présentera ses motifs par écrit « en temps voulu ».

La rédactrice en chef adjointe et la vice-présidente du conseil d'administration de la chaîne al-Jadeed, Karma Mohammad Tahsine Khayat.

« Karma Khayat est condamnée au paiement d'une amende de 10 000 euros. La somme devra être payée avant le 30 octobre prochain. »
C'est la sentence prononcée hier par le juge compétent en matière d'outrage au Tribunal spécial pour le Liban, Nicolà Lettieri, lors d'une audience tenue à La Haye et consacrée à la détermination de la sanction dans l'affaire intentée contre Mme Karma Khayat et al-Jadeed.
Après avoir entendu durant plus d'une heure les arguments finaux de l'accusation et de la défense (20 minutes consacrées à deux reprises à chacune des deux parties), le juge a lu le verdict sans toutefois avancer les motifs : « Étant donné le laps de temps relativement court qui m'est alloué, je présenterai en temps voulu par écrit les motifs de la décision. »

Accusés d'avoir diffusé des informations sur des témoins confidentiels de l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, dans le cadre d'un programme politique intitulé « Les témoins du tribunal international », al-Jadeed et Mme Khayat avaient plaidé non coupables lors du procès, arguant notamment de la liberté de la presse et de la volonté de dénoncer les dysfonctionnements du TSL, notamment la fuite d'informations confidentielles.
Le juge Lettieri avait rendu son verdict il y a dix jours après avoir considéré Karma Khayat – la directrice adjointe de la chaîne de télévision dont elle détient également 10 % des actions –, coupable d'avoir entravé l'administration de la justice pour ne pas avoir retiré du site Internet de la chaîne et de son module sur YouTube les informations en cause lorsque le tribunal le lui avait demandé.
Toutefois, le second chef d'accusation d'outrage au tribunal n'a pas été retenu à l'issue du procès. La chaîne a été totalement acquittée, le procureur n'ayant pu apporter des éléments suffisants pour l'incriminer.


(Pour mémoire : RSF dénonce la condamnation de Karma Khayat par le TSL)

 

Précédents jurisprudentiels
L'accusation, qui avait requis dans la matinée une peine de prison d'un an pour Mme Khayat et 100 000 euros d'amende, a fait valoir que l'accusée a effectivement « sapé l'autorité du tribunal et ébranlé la confiance du public dans le TSL ». L'avocat s'est appuyé notamment sur des précédents, citant les affaires d'outrage et d'obstruction à l'administration de la justice examinées devant les tribunaux de l'ex-Yougoslavie et de la Sierra Leone, « un pays regroupant une petite société où tout le monde se connaît, d'où un risque élevé de voir commettre des agressions contre des témoins protégés », a souligné l'avocat avant d'établir des similitudes avec le Liban. Il a évoqué en outre « le comportement délibéré » de Mme Khayat qui, selon lui, constitue une « interférence dangereuse dans l'administration de la justice ». « Le fait qu'elle s'est abstenue de mettre un terme à la diffusion des informations sur les sites électroniques n'a fait qu'ajouter à la gravité de la situation », a enchaîné l'accusation. Pour celle-ci, Mme Khayat avait bel et bien pris connaissance des mises en garde qui lui avaient été adressées par le tribunal.

L'avocat a soutenu par ailleurs que le fait de ne pas se soumettre aux règlements du tribunal constitue « un défi à l'autorité du TSL ». Et de mettre en avant « l'arrogance » dont a fait preuve la directrice adjointe de la chaîne « qui, a dit l'avocat, se croit au-dessus de la loi ». Il a ainsi rappelé les propos de Mme Khayat lorsque celle-ci a affirmé que « la cour ne lui faisait pas peur » et qu'elle « ne cessera pas de poursuivre sa tâche ». Mettant en avant une fois de plus « la recherche du scoop journalistique en ignorant la sécurité des témoins protégés », l'accusation a conclu que Mme Khayat « ne saurait bénéficier de circonstances atténuantes ».

Arguant par ailleurs du fait qu'avec sa famille, l'accusée détient 50 % des actions de la chaîne, dont le capital s'élève à 50 millions de dollars, l'avocat a demandé « une amende adaptée aux circonstances personnelles de Mme Khayat ». Et de rappeler enfin sa responsabilité directe en tant que productrice du programme incriminé.
La défense n'avait pas encore dit son dernier mot. Pour Karim Khan, l'accusation « n'a pas saisi le cœur du problème ». Commentant la peine requise par la partie adverse, il a soutenu qu'il ne s'agit pas là « d'une sentence vindicative, mais d'une peine qui puisse se fonder sur la loi ». Et d'approuver les arguments préalablement avancés par le juge Lettieri qui avait estimé que l'affaire « n'était pas ordinaire » et que « l'accusation n'a pas réussi à prouver le mal causé » par la diffusion dudit programme, encore moins « le fait que la confiance dans le tribunal a été entamée ». Soulignant qu'il n'existe aucun cas similaire dans la jurisprudence internationale, la défense a réfuté les accusations d'arrogance avancées par la partie adverse.
« Mme Khayat est plutôt l'exemple même en matière de coopération avec la justice », a-t-il dit. L'avocat a tenu à rappeler que le jour même du verdict, la chaîne al-Jadeed a été victime de tirs, ce qui, selon lui, pourrait avoir motivé l'absence de l'accusée hier à l'audience, un point préalablement soulevé par l'accusation.

Revenant sur l'argument financier relatif à la solvabilité de la chaîne, M. Khan a estimé que l'accusation « s'est basée sur un document vieux de 25 ans ». « En justice internationale, on ne se fonde pas sur l'intuition », a ironisé la défense. Celle-ci a indiqué à ce propos qu'à l'instar de plusieurs médias libanais, al-Jadeed, contraint de supprimer des programmes et de licencier une partie de ses employés, a des difficultés financières. L'avocat a ajouté que l'accusation « a failli » à montrer que les témoins figurant dans les reportages « étaient effectivement des témoins » sollicités par l'accusation. Par mesure de confidentialité, celle-ci n'a jamais affirmé ou infirmé à ce jour le fait que les personnes interrogées par al-Jadeed étaient sur sa liste des témoins protégés. Et M. Khan de faire remarquer que Mme Khayat « a déjà subi assez de préjudice » en payant notamment un prix fort, dont les frais des avocats de la défense et les voyages requis à La Haye. Il a conclu que Mme Khayat « n'a pas commis de crime mais qu'elle était simplement fautive ».

 

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