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À La Une - Irak

Des Irakiens abandonnent la lutte contre l'EI pour gagner l'Europe

Cinquante mille civils ont quitté l'Irak ces trois derniers mois, selon les chiffres des Nations unies.

Un membre des services de sécurité irakiens montrant son passeport, à l'aéroport de Najaf, en Irak, le 3 septembre 2015. REUTERS/Alaa Al-Marjani

De jeunes Irakiens engagés dans la lutte contre les jihadistes de l’État islamique (EI) abandonnent leurs postes et rejoignent la vague de migrants du Moyen-Orient ralliant actuellement l'Europe.

Ce phénomène, dont l'ampleur est minimisée par les autorités de Bagdad, s'observe sur les réseaux sociaux ou à travers des entretiens avec les candidats à l'asile. Ils appartiennent à l'armée, à la police, aux forces spéciales, parfois même à des milices chiites ou aux unités de peshmergas kurdes, et viennent grossir les rangs des quelque 50.000 civils qui ont quitté l'Irak ces trois derniers mois, selon les chiffres des Nations unies.

Au ministère de la Défense irakien, on estime que ces désertions ne se comptent qu'en dizaines et restent négligeables, rapporté aux dizaines de milliers d'hommes que comptent les forces engagées contre l'EI. "Les forces armées accomplissent leurs devoirs. Il n'y a pas de raison de s'inquiéter", assure le général Tahsine Ibrahim Sadiq, porte-parole du ministère. Saed Kakaei, conseiller du ministre chargé des peshmergas au sein du gouvernement du Kurdistan autonome irakien, dit quant à lui ne pas pouvoir fournir de chiffres, mais glisse qu'ils sont "inquiétants".

Ces départs illustrent le sentiment de désespoir qui envahit de nombreux Irakiens plus d'un an après la conquête par l'Etat islamique d'un tiers du territoire de leur pays. Même s'ils sont parvenus à repousser les jihadistes dans certaines zones, les membres des forces de sécurité expliquent subir quotidiennement des attaques de la part des insurgés et se plaignent des violences religieuses ou de la dépression économique.

 

(Lire aussi : À Bagdad, la vente de gilets de sauvetage explose)

 

"Le gouvernement nous a détruits"
Beaucoup d'entre eux dénoncent l'attitude des représentants des autorités, qu'ils accusent de les abandonner sur la ligne de front, tout en s'enrichissant grâce à la corruption.

"L'Irak mérite qu'on se batte pour lui, pas le gouvernement", résume un policier d'élite âgé de 22 ans, qui a décidé d'émigrer après la mort de son frère cette année dans la bataille de la raffinerie de Baïdji, à 190 km au nord de Bagdad. "Personne ne se préoccupe de nous. Le gouvernement nous a détruits", dit-il à Reuters. Si des renforts avaient été envoyés à Baïji, de nombreuses pertes auraient pu être évitées, explique-t-il.

D'autres font écho à ces propos, comme ce membre des forces spéciales âgé de 33 ans, anciennement basé dans la province occidentale d'al-Anbar, un bastion de l’État islamique, qui a rejoint l'Europe du nord le mois dernier en compagnie de 16 autres soldats.
"On combattait pendant que le gouvernement et les partis politiques se préoccupaient de gagner de l'argent et d'envoyer leurs enfants à l'étranger", dit-il via une messagerie internet. "Ce qui nous a poussés à partir, c'est de voir nos gars se faire blesser, tuer, estropier, sans que personne ne réagisse."

Un membre des opérations spéciales stationné dans le secteur de Ramadi, la capitale provinciale de l'Anbar tombée en mai dernier aux mains des insurgés, déclare qu'une centaine de combattants ont rejoint l'Europe au cours des six derniers mois.
Un chiffre impossible à vérifier. Ce qu'on peut voir, ce sont les comptes Facebook de nombreux soldats qui ont troqué leurs portraits en uniforme aux côtés de chars et de mitrailleuses pour des photos d'eux faisant du vélo ou se reposant dans un parc en Autriche, en Allemagne ou en Finlande.

 

(Repère : Crise migratoire en Europe : les chiffres et les principales routes)

 

"L'Irak n'est plus à nous"
Même certains miliciens chiites, appelés en renfort pour pallier les carences de l'armée régulière, perdent la volonté de combattre.
"On ne peut pas mener une guerre ou vivre dans un pays dans de telles conditions", dit un jeune milicien de 20 ans à Reuters via Facebook. Les hommes politiques, ajoute-t-il, "pillent le pays au nom de la religion. L'Irak n'est plus à nous désormais."

Ahmed al-Assadi, porte-parole du Hachid Chaabi (Comités de mobilisation populaire), l'organisme étatique qui chapeaute ces milices, estime que le gouvernement devrait prendre des mesures pour empêcher les jeunes Irakiens de quitter le pays.

Le mois dernier, le Premier ministre Haider al-Abadi a lancé des réformes pour tenter de mettre fin à un système de quotas ethniques et religieux qui favorise la corruption et la mauvaise gestion. Mais son initiative, freinée par la bureaucratie et les luttes d'influence, n'a guère produit de résultats sur le champ de bataille, ni amélioré le quotidien de l'homme de la rue.

Même si les Irakiens fuient depuis plusieurs décennies les violences ou la pauvreté, l'exode des réfugiés syriens a décidé nombre d'entre eux à sauter le pas durant l'été. Mais un avenir incertain attend les anciens soldats en Europe. Selon une porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, les anciens combattants ne peuvent pas obtenir le statut de réfugié.



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