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Diaspora - États-Unis

À Atlanta, l’intégration n’efface pas les origines libanaises

Une organisation dédiée aux Liban, un journal publié en arabe, un centre culturel enseignant la langue, une église maronite, une autre melkite. À Atlanta, les migrants d'origine libanaise ont su garder des liens forts avec leur pays d'origine.

Un tableau avec les lettres arabes, dans une salle de classe d’Alif.

Du calme, de la sérénité. L'église maronite Saint-Joseph se trouve dans une toute petite ruelle du nord-est d'Atlanta. C'est ici que, chaque dimanche, des familles américaines et libanaises se retrouvent auprès du Père Dominique Hanna.
À 11 heures, la petite chapelle est quasiment bondée. On croise des gens qu'on connaît, ou avec lesquels on a grandi. Des années après sa construction, cette église continue d'être la maison mère de près de 250 familles. « Ce qui caractérise nos membres, c'est leur dévouement. Malgré le climat, les distances, les responsabilités, ils continuent de fréquenter l'église presque tous les dimanches », dit le Père Hanna. Il sait très bien ce qui différencie ces paroissiens d'origine libanaise de ceux des autres États. Contrairement à ce qui s'est passé à Boston ou au Midwest, les premiers migrants débarqués dans cet État n'ont pas été bien accueillis. Le sud des États-Unis, rappelons-le, est un bastion du protestantisme et du baptisme. « Les Libanais catholiques ont dû faire des pieds et des mains pour survivre et garder leur identité, raconte-t-il. C'est ce qui explique leur fort attachement au rite maronite. »
Dans l'église Saint-John, rassemblant des melkites et des syriaques-catholiques, située dans un quartier huppé du Nord-Ouest, c'est toujours le même esprit qui domine : celui de vouloir absolument rester proche du Liban grâce à ce lieu de culte. Janice Boustany Haddad le dit explicitement : « Ici, c'est notre maison. On est en famille. » Cela fait plus de trente ans qu'elle est membre actif de cette église. Celle-ci lui permet de se sentir concernée par ce qui se passe au Liban et en Syrie. Ainsi, nonobstant son rite, c'est la religion qui permet à des émigrés, toutes générations confondues, de se sentir libanais. C'est le cas aujourd'hui, comme avant l'arrivée des tout premiers migrants.
On était au début du XXe siècle. Il n'y avait pas encore d'église maronite à Atlanta. Des migrants célébraient la messe chez eux, dans leur salle de séjour. Cette histoire a marqué Stéphanie. Elle voit encore ses parents recevoir le prêtre à leur domicile pour prier. « On a toujours été très religieux, dit-elle. Même si nous étions chrétiens, mon grand-père a dû faire face à plusieurs actes racistes. » Maurice Najjar est arrivé à Atlanta au début des années 1900. Il a traversé toute la Géorgie comme marchand ambulant et a fini dans la restauration. Parce qu'il a subi des actes de vandalisme, il a tenu à ce que toute sa famille parle strictement l'anglais. « Il ne voulait pas que ses enfants soient traités différemment des autres, raconte Stéphanie. On regardait d'un mauvais œil les étrangers quelle que soit leur langue maternelle. Il faut comprendre qu'Atlanta est aujourd'hui une ville internationale, mais que ça n'a pas toujours été le cas. »

L'arabe en vogue
Le témoignage de Stéphanie n'est pas unique. Certains migrants ont toujours refusé que leurs enfants apprennent la langue de leurs ancêtres. « Tout simplement parce qu'ils ne se considèrent pas arabes », note Angela Khoury, à la tête de l'Alif Institute, le plus grand centre culturel arabo-américain d'Atlanta. « Certains se perçoivent comme phéniciens et ne veulent pas du tout se mêler aux autres Arabes. D'autres ont tout simplement peur de venir à l'institut parce qu'ils lui attribuent une connotation religieuse », ajoute-t-elle. Au sein de cet institut, il n'est pourtant question ni de religion ni de politique. Des Syriens, des Libanais, des Palestiniens, des Jordaniens, des Égyptiens et quelques familles du Golfe se réunissent chaque samedi afin d'apprendre l'arabe à leurs enfants.
Depuis sa création en 2004, l'Alif Institute poursuit sa montée en puissance. Il organise des événements regroupant des milliers de personnes, avec des salles bondées d'étudiants, mais surtout il bénéficie d'une envie de plus en plus grande de s'informer sur le monde arabe.
Pour Angela Khoury, « Alif regroupe tous ceux qui ont l'esprit large et qui tiennent à célébrer le patrimoine arabe ». C'est pour cette raison que cette mère de trois enfants a décidé de devenir membre actif, et par la suite d'assumer des responsabilités. « Je tenais à ce que mes enfants soient plus ouverts sur des sujets internationaux, explique-t-elle. Qu'ils soient davantage au courant des découvertes, mais aussi des misères mondiales. » L'autre raison de son engagement est tout aussi importante : c'est celle de faire découvrir à ses enfants leurs origines, loin de la division. « Ce que j'apprécie le plus, c'est qu'on est capable de se réunir sans se disputer, souligne-t-elle. On est là pour montrer aux Américains la richesse de notre patrimoine. »
Décidément, la transmission du patrimoine est quasiment une obsession chez les migrants. Le Cedar Club of Atlanta n'échappe pas à la règle. Créé depuis 105 ans et regroupant des centaines de familles libanaises et syriennes, ce club social et patrimonial tient avant tout à maintenir les liens entre les membres de sa communauté. Lors de la dernière fête du Travail, des activités ont été organisés : des soirées, des pique-niques, des réunions de groupe. Ceux qui ont répondu présent sont les membres du Cedar Club, mais également de la fédération SFSLAC (Southern Federation of Syrian Lebanese American Clubs).

Le retour au bercail, rêve ou cauchemar ?
À la fête de Michael Shikany, on croise la famille Mekari installée en Louisiane. Le père de famille, Johnny Mekari, note que ces réunions communautaires sont essentielles pour les émigrés, tout comme les relations fortes qu'ils continuent à entretenir avec le Liban. « Ma femme Vera et nos trois enfants viennent de rentrer du pays, explique-t-il. C'est un voyage qu'on effectue annuellement et que rien n'arrêtera. » L'envie de visiter le pays d'origine, de le voir pour de vrai, varie selon les individus et dépend de divers facteurs, notamment la génération d'émigration à laquelle ils appartiennent et la présence éventuelle de proches demeurant au Liban. « Pour les troisième et quatrième générations, ce voyage devient plus problématique, car on est touché par les images qu'on voit à la télévision », note Sami Nassar, président du SFSLAC.
La majorité des interviewés, toutefois, déclarent rêver d'un tel retour aux sources. Surtout ceux d'entre eux qui ont toujours de la famille au Liban. Michael Shikany ne se lasse pas de parler de ses cousins de Zahlé. Et Janice Boustany Haddad s'est rendue chez ses proches à l'hôtel al-Boustany. Un pur moment d'enchantement. « Dès que l'avion a atterri, je me suis sentie chez moi, souligne-t-elle. C'est incroyable ce qu'on ressent lorsqu'on a tant rêvé de retourner au bercail, et que le rêve devient enfin réalité. »
Un rêve oui, mais un cauchemar aussi lorsqu'on voit à quel point les politiciens sont corrompus, que la situation économico-sociale ne progresse pas, lance Johnny Mekari. « Le Liban est vraiment un paradis. Mais on ne s'en occupe pas, on le délaisse », déplore-t-il. En dépit de tout, rien ne l'empêchera d'y retourner l'été prochain. Preuve que les liens avec le Liban ne se couperont jamais.

Du calme, de la sérénité. L'église maronite Saint-Joseph se trouve dans une toute petite ruelle du nord-est d'Atlanta. C'est ici que, chaque dimanche, des familles américaines et libanaises se retrouvent auprès du Père Dominique Hanna.À 11 heures, la petite chapelle est quasiment bondée. On croise des gens qu'on connaît, ou avec lesquels on a grandi. Des années après sa construction,...