Ces deux-là se détestent, sans même s'en cacher. L'antiaméricanisme de l'un n'a d'égal que l'espèce de russophobie de l'autre. Leur rivalité a été le baromètre du monde pendant près d'un demi-siècle. Leurs visions de la politique, de l'histoire, de la société, du droit international, d'à peu près tout en réalité continuent de les opposer. Ils se cherchent mutuellement. Constamment. Parce que personne d'autre n'a encore réussi à les rejoindre. Parce que leur rivalité est un enfer pour le reste du monde. Parce qu'ils ont un besoin existentiel l'un de l'autre.
Il y a une trentaine d'années, les Américains aidaient secrètement les rebelles islamistes afghans à combattre les troupes soviétiques. Aujourd'hui, c'est le scénario opposé qui semble se dessiner : une alliance entre Moscou et Washington pour combattre le terrorisme islamiste. Un Afghanistan inversé. Une revanche de l'histoire.
Pour les Américains, l'offre russe, combattre l'État islamique, puis plancher sur le sort du président syrien, est alléchante. Doublement alléchante même, dans la mesure où elle permet d'avoir un allié solide à leurs côtés, prêt à mouiller l'uniforme dans le combat contre les jihadistes – priorité de Washington –, et d'éviter l'effondrement du régime syrien – ce que la Maison-Blanche redoute tout autant que le Kremlin -. Le seul problème, pour les Américains, c'est que cette offre... vient des Russes.
Pour les Russes, par contre, c'est une occasion en or de revenir dans le jeu planétaire. Briser l'isolement qu'ils subissent depuis leur invasion de la Crimée et réaffirmer leur puissance face à l'inertie de leurs rivaux. Avec, en prime, un statut, dont plus personne ne veut, de protecteur des chrétiens d'Orient. Fin stratège, Vladimir Poutine a compris que les Américains étaient dans une impasse en Syrie. Ce qu'il leur propose, c'est une porte de sortie, à condition de remettre à plus tard le sort de Bachar el-Assad. Les Russes ne lâcheront pas le président syrien du jour au lendemain. Les Américains ne normaliseront pas non plus leur relation avec lui du jour au lendemain. Il faudra trouver un compromis. Lequel ? C'est bien là toute la question que pose cette nouvelle équation.
Russes et Américains sont beaucoup plus proches qu'ils en ont l'air dans leur vision du conflit syrien. De l'aveu même des ministres de la Défense des deux pays concernés, leurs deux points de vue « sont proches, voire identiques, sur la plupart des problèmes évoqués ». Assez pour surmonter leur inimitiés respectives ? La balle est désormais dans le camp des Américains. Ils ont le temps : le tsarévitch Poutine sait être, parfois, patient.
N.B. : C'est paradoxalement l'EI qui serait le plus ravi de cette alliance entre les deux grands, tant celle-ci justifierait leur propagande de guerre eschatologique contre le reste du monde.
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commentaires (7)
Ils sont carrément dans la mouise en bääSSyrie, les pauvres débiles KGBistes Nabots poutiniens post- staliniens irrémédiablement Gnomes et Nains !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
15 h 26, le 19 septembre 2015