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Liban - Décryptage

Le pouvoir et le mouvement de protestation dans l’impasse

Le Liban est face à un nouveau test de stabilité dimanche avec la marche prévue à partir de 17h de Bourj Hammoud en direction du centre-ville de Beyrouth. Le collectif du 29 août cherche à obtenir une mobilisation populaire maximale alors que le gouvernement fait de son mieux pour régler au plus vite la crise des déchets afin de calmer la colère populaire et d'enlever à la marche annoncée sa principale raison d'être.

Toutefois, le climat général n'est plus ce qu'il était il y a trois semaines lors de la manifestation du 29 août. Les incidents de mercredi dernier et la vaste rafle effectuée dans les rangs des manifestants, notamment des figures de proue des différents groupes, montrent que la tendance est à la radicalisation. D'une part, les groupes de la société civile veulent réagir contre ce qu'ils appellent « l'oppression dont ils ont été victimes », et, d'autre part, les autorités veulent reprendre l'initiative, fortes de l'appui international apporté au gouvernement.

Au sujet des incidents de mercredi, les versions sont contradictoires. Pour les manifestants, rien ne justifiait l'attitude violente des forces de l'ordre, et, pour ces dernières, les protestataires ont porté atteinte aux institutions publiques et mis en danger la stabilité intérieure. Mais le plus inquiétant a été l'irruption parmi les manifestants d'un groupe de jeunes agressifs prétendant vouloir défendre le président de la Chambre Nabih Berry. Le mouvement Amal a eu beau affirmer dans un communiqué que ces jeunes ne sont pas issus de ses rangs, le fait de mêler le nom du président de la Chambre à la violence dans la rue montre que les manifestations sont en train de franchir un nouveau seuil. Il ne s'agit plus d'un mouvement civil, apolitique et non confessionnel, protestant contre la corruption et l'incapacité des autorités, mais d'une tentative de faire glisser le pays vers des conflits politiques et à coloration confessionnelle. Que l'irruption de ces jeunes au sein de la manifestation soit simplement l'expression spontanée de la colère des partisans du président de la Chambre suite aux accusations portées contre lui ou qu'elle soit le fruit d'un plan mis au point pour détourner les manifestants de leur véritable objectif et miner ainsi le mouvement de protestation civile, le risque de provoquer un chaos inextricable reste réel.

En relançant le dialogue national, Nabih Berry a voulu permettre au pouvoir en place de reprendre l'initiative qui s'était transposée dans la rue. Mais, en deux séances, les protagonistes du dialogue national n'ont pas réussi à convaincre la rue qu'ils sont à la hauteur de la gravité du moment et qu'ils ont compris qu'il est urgent de chercher réellement des solutions au lieu de continuer à camper sur leurs positions. Au contraire, les images des deux réunions du dialogue avaient l'air de sortir d'un album de vieilles photos qui n'avaient rien à voir avec l'actualité. Même le contenu des discussions, du moins ce qui en a filtré dans la presse, ne semblait pas inspiré de la réalité du moment. De plus, même les participants eux-mêmes ont, dans leurs déclarations aux journalistes, évoqué un long processus. Ce qui laisse entendre que l'horizon politique reste bouché et que le mieux qu'on puisse espérer dans un proche avenir est un début de règlement de la crise des déchets, sans déblocage général. Pour les activistes de la société civile, les autorités chercheraient donc à masquer leur impuissance en provoquant des heurts dans la rue, destinés à discréditer le mouvement populaire et le paralyser, alors que, pour le pouvoir, ces groupes de protestation sont consciemment ou non instrumentalisés par des forces occultes qui veulent déstabiliser le pays pour changer le système de gouvernance.

Ce qui a donc commencé comme un ras-le-bol populaire contre une crise inacceptable et humiliante des déchets est en train de se transformer en situation nouvelle aux contours encore imprécis. Ce qui est sûr, c'est que cette crise a été créée par les autorités elles-mêmes et par le système de partage des bénéfices qui commande l'exercice actuel du pouvoir. Il n'y avait donc au départ ni plan de déstabilisation ni forces occultes. Mais aujourd'hui, aussi bien le pouvoir que le collectif de la société civile sont dans l'impasse. Ce dernier ne parvient pas à dégager un plan précis ni des objectifs clairs, d'autant que la multiplicité des groupes provoque des dissensions et des rivalités, et le pouvoir n'a à proposer qu'une conférence de dialogue stérile en attendant des solutions qui viendront de l'étranger lorsque les prémices de dialogue actuel régional et international se préciseront.

Mais les développements militaires en Syrie et au Yémen n'augurent pas de solutions imminentes. Dans ce cas, le Liban peut-il rester stable, alors que la rue gronde, relevant le plafond de ses revendications après chaque manifestation et son lot de violences ? Le pouvoir peut-il continuer à bloquer toutes les issues possibles et traiter une réalité nouvelle avec des méthodes d'une autre époque ? Le plus facile est de brandir contre la rue la menace des fauteurs de troubles infiltrés, justifiant ainsi la violence exercée contre eux par les forces de l'ordre. Mais c'est au collectif de la société civile, qui a déjà réussi à ébranler le pouvoir, de déjouer les pièges qui peuvent entraver son action.

 

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commentaires (6)

.... et les "intellectuels!" de ce héZébbb, surtout les deux-là, Ämmâr Äléh et le Moûssawéh ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 22, le 19 septembre 2015

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Commentaires (6)

  • .... et les "intellectuels!" de ce héZébbb, surtout les deux-là, Ämmâr Äléh et le Moûssawéh ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 22, le 19 septembre 2015

  • Un exercice qui ne pourra que rendre le collectif de la societe encore plus vigilant pour faire aboutir ses revendications que n nous soutenons tous.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 12, le 19 septembre 2015

  • CHACUN PEUT DIRE CE QU'IL VEUT, MAIS UNE SEULE RÉALITÉ S'IMPOSE. SI LE PEUPLE VEUT RÉCUPÉRER SES DROITS, IL N'A QU'À DESCENDRE DANS LA RUE COUTE QUE ÇA COUTE POUR CHASSER TOUS CES MERCENAIRES QUI OPÈRENT POUR L'IRAN D'UN CÔTÉ ET L'ARABIE DE L'AUTRE. ON A BESOIN D'UN PRÉSIDENT LIBRE QUI NOMME UN PREMIER MINISTRE LIBRE ET QUE CE DERNIER FORME UN GOUVERNEMENT LIBRE. SINON RESTER ENDORMI ET CREVER.

    Gebran Eid

    13 h 38, le 19 septembre 2015

  • Le "collectif" ne peut pas prétendre très longtemps à représenter la société civile: la rivière ne peut pas représenter la mer.....

    Beauchard Jacques

    10 h 22, le 19 septembre 2015

  • Les Libanais ne peuvent et ne veulent plus que les problèmes du monde soient résolus pour nettoyer chez eux. Les choses sont plus simples. Pas de retour en arrière. La société civile a commencé avec les déchets. après l'electricité. Après l'eau. Après les espaces publics spoliés. Après les deniers de l'état avec le ministère des finances. Tant de dossiers. Ils savent ce qu'ils font. Ils savent où ils vont. Le chemin est lumineux....

    Massabki Alice

    08 h 28, le 19 septembre 2015

  • Enfin, une bonne analyse objective : "Le pouvoir peut-il continuer à bloquer toutes les issues possibles et traiter une réalité nouvelle avec des méthodes d'une autre époque ? Le plus facile est de brandir contre la rue la menace des fauteurs de troubles infiltrés, justifiant ainsi la violence exercée contre eux par les forces de l'ordre. Mais c'est au collectif de la société civile, qui a déjà réussi à ébranler le pouvoir, de déjouer les pièges qui peuvent entraver son action.". Mais, qu'en pensent les anticommunistes Nicolas Chammas et les "intellectuels!" du héZébbb ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    06 h 38, le 19 septembre 2015

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