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Liban - Conseil des ministres

Le plan provisoire de Chehayeb approuvé, mais il reste encore vague

Réouverture pour sept jours de la décharge de Naamé.

C’est Akram Chehayeb qui a présenté hier son plan à l’issue de la réunion. Photo Nasser Traboulsi

La décision du Premier ministre de reporter la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de samedi dernier à hier – de manière à ce qu'elle fasse suite à la relance du dialogue – a fini par porter ses fruits : réuni hier dès 17 heures et jusqu'à 23 heures, le gouvernement a approuvé le plan du ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, pour le ramassage et le traitement des ordures, en l'absence symbolique des ministres Mohammad Fneich et Gebran Bassil. Les ministres ont entériné la mise en œuvre de la solution provisoire prévue, sachant que la stratégie, sur le long terme, est d'aboutir à une gestion décentralisée des déchets. Le plan provisoire s'étend sur dix-huit mois, une durée jugée suffisante pour permettre aux municipalités d'établir leur propre infrastructure de gestion des déchets (construction d'usines, aménagement de décharges, mais aussi diffusion de la culture du tri à la source chez le public).

Dès aujourd'hui, et pour une « période de sept jours », la décharge sanitaire de Naamé sera rouverte pour accueillir les déchets accumulés dans les rues de Beyrouth et du Mont-Liban : ces ordures ont atteint un degré de dégradation tel qu'il n'est plus possible de les traiter, expliquent des sources ministérielles, qui assurent néanmoins que ces sept jours ne « sont pas renouvelables ».
En effet, le plan approuvé hier prévoit l'aménagement de deux autres décharges, à Srar dans le Akkar, et sur un terrain aux frontières de l'Anti-Liban (« une sorte de no man's land », selon un ministre, au niveau de Masnaa dans la Békaa). Il s'agit de décharges et non de dépotoirs, c'est-à-dire, comme l'entendent les ministres, de terrains enveloppés par une paroi de protection censée prévenir toute nuisance à l'environnement. Fixer cette enveloppe nécessiterait environ un mois. En attendant, les déchets destinés à être déversés dans ces décharges seront temporairement amoncelés et triés dans des « parkings » adjacents.

En outre, une part des déchets sera transportée à l'usine de tri de Saïda. « Ce sont 200 à 250 tonnes de déchets par jour qui seront traités à Saïda », précise le ministre Nabil de Freige à L'Orient-Le Jour, tout en s'abstenant de préciser la répartition des masses d'ordures entre Srar et la Békaa. Les activistes civils semblent cependant sceptiques à l'égard du projet.
Pour ce qui est de la collecte des déchets pendant cette période de dix-huit mois, c'est Sukleen qui doit s'en charger. « Le contrat relatif à la collecte, qui est l'un des trois contrats liant cette société à l'État, a été renouvelé pour dix-huit mois », assure le ministre.

Toujours dans le cadre du plan approuvé, le gouvernement a chargé le Conseil pour le développement et la reconstruction d'examiner les moyens de réhabiliter la décharge de Rass el-Aïn, à Tyr, « une très belle région qui croule aujourd'hui sous les déchets », note une source ministérielle.
Par ailleurs, le cabinet a débloqué hier 150 milliards de livres libanaises en aide au développement de « toute la Békaa », au même titre que ce qui avait été alloué pour le Akkar.

Un autre décret important pris en Conseil des ministres hier : celui du transfert à la Caisse autonome des municipalités des recettes perçues sur les factures de la téléphonie mobile au titre de la TVA et dues aux municipalités. Élaboré par le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, et le ministre des Télécoms, Boutros Harb, ce décret avait été contesté par le bloc du Changement et de la Réforme. Le ministre des Télécoms a confirmé à L'OLJ l'approbation du décret, sans toutefois être certain qu'il ait été effectivement signé par les deux ministres, Hussein Hajj Hassan et Élias Bou Saab, représentant respectivement hier le Hezbollah et le Courant patriotique libre. Notons que le choix de ces deux factions de déléguer chacune, à la réunion, un seul des deux ministres qui les représentent au sein du cabinet a une double portée : d'une part, elle dénote d'une volonté de résoudre la crise des déchets, comme s'entendent à le constater des sources ministérielles du 14 Mars.
D'autre part, la présence d'un ministre sur deux a porté une signification politique, le CPL et le Hezbollah n'ayant toujours pas levé officiellement le boycottage des réunions ministérielles. « Le boycottage de la réunion par le ministre Gebran Bassil est un message », a ainsi déclaré le ministre Élias Bou Saab à l'entrée du Grand Sérail, ce qui n'exclut pas « l'appui du CPL à toute solution pratique et sanitaire à la crise des déchets ».

Une solution controversée pour Bourj Hammoud
Par ailleurs, la solution provisoire comporte un plan particulier relatif à Bourj Hammoud, mais qui n'a pas recueilli hier l'aval des ministres concernés par cette région, à savoir le Tachnag et le CPL. Ce plan prévoit de débarrasser la ville de la montagne des déchets, à travers un projet de remblayage de la mer visant à créer un terre-plein au niveau de la façade maritime de Bourj Hammoud, ce qui lui fera gagner un terrain de 330 000 m2. Le remblayage doit se faire par strates de détritus et de sable, c'est-à-dire qu'il sera fait usage des déchets amoncelés à Bourj Hammoud, mais aussi de déchets en provenance de l'extérieur de la ville (1 000 tonnes par jour, pendant un an, c'est-à-dire la durée du remblayage). C'est ce dernier aspect qui expliquerait l'hésitation du Tachnag à approuver le projet.
Une hésitation que le ministre Nabil de Freige dit ne pas comprendre. « Le transfert des ordures à Bourj Hammoud ne se fera pas avant que le CDR n'ait réaménagé, en six mois, la corniche maritime, de manière à assurer la structure nécessaire au remblayage. Nous leur offrons la garantie que les ordures ne seront pas déchargées anarchiquement », explique Nabil de Freige, rappelant que ce projet « constitue la première étape du plan Linor (plan de réaménagement du littoral jusqu'à Dbayé), bloqué en 1998 ».

Dans son compte-rendu, le ministre de l'Information Ramzi Jreige a précisé que le Premier ministre a transmis, à l'ouverture de la réunion, « le soutien à la solution des déchets de tous les participants au dialogue (hier matin) ».
Cette solution a été obtenue « sans grande difficulté », selon une source ministérielle, qui précise néanmoins que la longueur de la réunion était seulement due au fait que « chaque ministre a dû intervenir pendant vingt minutes et jouer à l'expert environnemental ».
C'est le ministre Akram Chehayeb qui s'est chargé d'expliquer aux médias la teneur de la solution approuvée. Il a mis l'accent sur « la responsabilité nationale devant guider cette solution, qui transcende la politique et les appartenances ». Il a souligné que l'objectif du plan durable qu'il prévoit pour la gestion des déchets vise à « faire des déchets une source de production ».

Interrogé par L'OLJ, l'activiste Paul Abi Rached a dit craindre une réédition du scénario de Naamé. « Dans son discours, le ministre Chehayeb n'a pas fait la distinction entre les déchets organiques et les déchets solides qui seront transférés dans les décharges », relève-t-il. Il s'inquiète en outre du silence qui avait été gardé sur le volet provisoire du plan Chehayeb, dont seul le projet à long terme avait été dévoilé aux ONG et experts. Il n'était pas sûr non plus de la réaction des activistes face à la réouverture provisoire de la décharge de Naamé (injoignables hier). Il a annoncé enfin qu'une réunion élargie doit se tenir ce matin entre les activistes environnementaux pour une évaluation précise du projet.

 

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