Loin des soubresauts de la rue au Liban, les yeux des politiques et des diplomates sont tournés vers la visite du roi d'Arabie saoudite, Salmane ben Abdel Aziz, à Washington, à un moment particulièrement sensible pour les pays de la région.
Un diplomate arabe en poste à Beyrouth relève que la chaîne américaine CNN a annoncé, à la veille de cette visite, que le président américain avait désormais un nombre suffisant de voix au Congrès en faveur de l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et la communauté internationale. Connaissant l'opposition farouche des Saoudiens à cet accord, il est clair que l'administration américaine a voulu, en donnant cette information aux médias, couper court à toute tentative du roi d'Arabie saoudite de le remettre en cause. C'est comme si le président américain disait indirectement aux dirigeants saoudiens : ne misez pas sur un rejet de l'accord par les parlementaires américains, car il n'aura pas lieu.
Selon le diplomate arabe précité, l'administration américaine est donc en train de pousser les Saoudiens à considérer l'accord comme une réalité, au lieu de chercher à le combattre. De même, c'est aussi une invitation aux Saoudiens pour qu'ils commencent à contribuer à trouver des solutions aux dossiers brûlants de la région, notamment la Syrie, le Yémen et l'Irak.
En même temps, cette visite intervient à un moment où la situation au Yémen devient de plus en plus compliquée. S'il est vrai que les forces prosaoudiennes ont enregistré quelques percées dans les provinces du Sud, le plus grand vainqueur dans cette large partie du territoire est bien el-Qaëda et ses semblables qui deviennent de plus en plus influents dans ce pays. Au nord, les combattants d'Ansarullah (le nom structurel des houthis) sont en train de mener régulièrement des attaques en territoire saoudien et vont même jusqu'à envoyer des missiles balistiques sur le royaume, alors que l'offensive lancée par la coalition menée par l'Arabie entre dans son cinquième mois. En dépit des affirmations tonitruantes des Saoudiens et de leurs alliés yéménites, la situation sur le terrain reste donc confuse et les forces de la coalition prépareraient sérieusement le lancement d'une offensive terrestre dirigée vers la province de Saada et vers la capitale Sanaa, contrôlées par Ansarullah. Ce qui signifie en termes diplomatiques que si le roi Salmane comptait entamer ses discussions avec le président américain en position de force, avec à son actif la victoire au Yémen, il devrait revoir ses positions. Au contraire, le Yémen est clairement devenu un problème pour les Saoudiens qui semblent s'enliser de plus en plus dans ses sables mouvants, incapables de remporter une victoire décisive et contraints de s'allier indirectement à el-Qaëda. Le Yémen devrait donc occuper une partie importante des discussions entre le roi Salmane et le président Obama, mais là aussi, les États-Unis, qui prônent depuis le début une solution politique, vont pouvoir poser des conditions aux Saoudiens avant de choisir de contribuer à trouver des solutions à ce dossier crucial pour le royaume wahhabite. De quelles conditions s'agit-il et que veut exactement Washington, ce n'est pas encore suffisamment clair, estime le diplomate arabe, qui ajoute que si les grandes lignes des solutions sont pratiquement connues, il y a encore de nombreux points imprécis et quelques cartes importantes à jouer.
Selon ce diplomate, en dépit des positions saoudiennes en flèche, notamment les dernières déclarations du ministre des Affaires étrangères Adel el-Jubaïr au sujet du président syrien Bachar el-Assad qui « doit partir, soit dans le cadre d'un processus politique, soit grâce à une défaite militaire » (selon ses propres termes), le dialogue a déjà commencé entre les différentes parties régionales et internationales. Des réunions sont en train de se tenir à Vienne entre des représentants saoudiens, américains, iraniens et russes. Le dialogue en est encore au niveau des responsables sécuritaires et, toujours selon le diplomate arabe, il aurait déjà porté un fruit : le retour à Riyad de l'opposant saoudien al-Maghsal, qui était en fuite depuis plus de 20 ans. Ce dernier aurait été arrêté au Liban et envoyé directement dans la capitale saoudienne dans la plus grande discrétion.
Mais il est clair que quelque part, les parties occultes qui protégeaient al-Maghsal ont décidé de lâcher cet homme accusé d'être derrière l'attentat de Khobar en 1996. En même temps, des rencontres secrètes ont aussi lieu à Mascate (Oman) entre des délégations des houthis, des représentants américains et des représentants saoudiens.
Pour le diplomate arabe en poste à Beyrouth, même si l'heure des solutions n'a pas encore sonné – et elle ne le fera pas avant que l'accord sur le nucléaire iranien ne soit adopté par le Congrès américain et par le Parlement iranien au mois d'octobre –, la région est à la veille de grands changements et tout ce qui se déroule actuellement, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, serait destiné à préparer le terrain aux développements à venir.
C'est dans ce contexte que le diplomate arabe place la visite annoncée à Damas du secrétaire général adjoint des Nations unies, Jeffrey Feltman. Si elle a réellement lieu, elle donnerait en quelque sorte le signal d'une nouvelle étape dans la crise syrienne, tout comme la visite de M. Feltman en Iran en 2013 avait en quelque sorte indiqué le chemin vers la conclusion de l'accord sur le dossier nucléaire entre l'Iran et la communauté internationale...
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commentaires (3)
Qu’ils soient en soutanes ou en turbans, ces mollâhs Per(s)cés ; äâïynéééh ; se "déculotteront" dans tous les cas tout le temps….
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 02, le 06 septembre 2015