« Que tout soit anéanti, tout, tout ! Il me faut la paix, et pour l'avoir, je donnerais le monde entier pour un kopeck. Si l'on me donnait à choisir entre le thé et l'humanité, je choisirais le thé. Comprends-tu ? Eh ! Je le sais : je suis un vaurien, un cochon, un égoïste, un lâche... ».
Fedor Dostoïevski
Nous ne sommes pas innocents, nous Libanais. Pas exempts d'(auto)critique, de remise en question, de reddition de comptes, toutes proportions gardées, naturellement. Bien sûr : nous sommes un peuple qui a souffert. Longtemps. Profondément. Du dedans. Nous avons été pendant des années le punching ball de chair, de sang et d'émotions, des autres, de beaucoup d'autres, des espèces d'Iphigénie de troisième zone uniquement bons au sacrifice, carburant pas cher, pratiquement gratuit, pour les bûchers de tellement de vanités, de tellement de calculs et de trocs géopolitiques. Désenchantés sûrement, résignés surtout, résilients peut-être, mais aussi quand les limites finissent par imploser, terriblement orgueilleux : est arrivé alors mars 2005 et l'anamorphose de la place des Martyrs en matrix originelle et placentaire, aux antipodes de l'hyperghetto d'hier et de ses gesticulations orangées, démagogues et bunkerisées.
Depuis, plus rien. Ce n'étaient pourtant pas, loin de là, les occasions qui manquaient, avant et après cette date. Nous laissions faire : la Constitution serpillère ; l'État de droit sapé jusque dans ses murs porteurs ; les libertés publiques violées avec un immense éclat de rire ; la milice hezbollahie et ses doigts d'honneur à toutes les institutions ; l'action législative réduite à son minimum syndical ; l'exécutif agonisant de son syndrome de Stockholm ; la gabegie ; la corruption ; l'incompétence – l'incompétence surtout. Nous regardions. Nous n'avions pas d'électricité ? Ce n'est pas grave : nous payions le générateur. Pas d'eau ? Pas grave : nous payions la citerne. Une infrastructure routière néandertalienne ? Pas grave : nous payions les garagistes. Des normes d'hygiène rudimentaires ? Pas grave : nous payions les hôpitaux. Des factures de téléphonie mobile parmi les plus chères de la planète ? Pas grave : nous payions en fermant nos gueules. Presque en disant merci.
Jusqu'à la crise des ordures ménagères. Là, ce n'était plus d'orgueil qu'il s'agissait. Mais d'un sursaut de (sur)vie. De bon sens. Nous nous sommes réveillés. À la bonne heure. Mais aux côtés de qui ? Pour aller où ? Comment ? Pour quoi ? Nous avons été naïfs, romanesques, nous avons fait confiance, nous avons tout mélangé, tout amalgamé, nous nous sommes emballés, nous avons essayé de trouver des excuses aux casseurs, nous nous découvrions marxistes-léninistes, nous nous sommes rebellés, les Bastilles étaient prêtes, les guillotines aussi, nous sommes devenus des Batman, des Zorro, nous exigions en même temps, et dans le désordre, que les ordures disparaissent, que le gouvernement démissionne, que Baalbeck soit transposée sur le littoral, qu'un président soit élu, que le haschisch soit dépénalisé, qu'une loi électorale soit votée, que notre Citroën soit vendue au meilleur prix...
Nous avons tous les droits : nous sommes exsangues. Mais nous avons oublié, totalement, trois choses. Que pour changer une donne, il faut de la (pré)vision, de la méthode, du sérieux : la révolution est une science, pas un hobby ; que ces leaders que nous voulons jeter à la mer, c'est nous qui les avons voulus, élus, magnifiés, et qu'au prochain scrutin, c'est eux, ou leurs siamois, que nous plébisciterons. Nous avons oublié, totalement, volontairement, que c'est d'abord et avant tout contre notre propre mentalité, métastasée depuis des lustres, que nous devons nous battre.
Ziyad MAKHOUL
Nous ne sommes pas innocents, nous Libanais. Pas exempts d'(auto)critique, de...
commentaires (10)
Dix années après la Cédraie, se produit now 1 autre éruption révolutionnaire volcanique, 1 tremblement qui ébranle tout ce bled. Même ces orangés osent à présent bouger bien que, since leur guerre de "libération" la mal-nommée, les bääSSdiotistes les aient sec tenu en laisse comme du gibier. On voit + étrange encore. De toutes les cités, Béryte la Belle Cité est la 1ère à construire des barricades avec ses déchets et, qui + est, with succès. Et, maybe pour l’unique x dans son historique pathétique, l’haSSine la tête perdit !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 32, le 06 septembre 2015