Le leader du courant patriotique libre (CPL), le général Michel Aoun, est brièvement apparu vendredi sur les écrans géants installés sur les lieux de la manifestation organisée par la formation, place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth. "Je suis fier de vous aujourd'hui, et je resterai fier de vous parce que vous avez su préserver le CPL et son message grâce à votre dévouement", a indiqué Michel Aoun dans un message diffusé en direct de Rabieh. "Grâce à votre unité et votre éthique, vous saurez préserver la nation", a-t-il ajouté, espérant que "cette journée glorieuse signe le début des réformes dans notre pays et le retour à son histoire".
Dans la foulée des manifestations organisées par des activistes de la société civile sur fond de crise des déchets, des dizaines de milliers de militants du CPL ont répondu sur la place des Martyrs à l'appel de Michel Aoun, qui réclame de nouvelles élections pour "nettoyer" le système politique.
Capture d'écran.
A l'occasion de cette manifestation, les dirigeants du CPL se sont donnés pour objectif premier de mobiliser leurs troupes, au milieu de l'absence notable des alliés du parti. Aux dires des cadres de la formation, cet objectif est largement atteint. La foule de militants du CPL, brandissant des drapeaux de leur parti, a investi la place des Martyrs près d'une heure avant l'heure du rassemblement prévu à l'origine, à17h30. Des dizaines de convois de voitures décorées de drapeaux oranges du parti et de photos du leader du CPL, venus de différentes régions du pays, ont emprunté les principaux axes routiers menant à la capitale, occasionnant des embouteillages. D'autres militants s'étaient rassemblés au siège du parti à Mirna Chalouhi, à Sin el-Fil.
Le 12 août dernier, une manifestation du CPL organisée sous le slogan de la restitution des droits des chrétiens et des Libanais, avait déjà réuni quelque milliers de partisans. Le 9 juillet dernier, une autre manifestation du parti, déclenchée suite à une altercation en Conseil des ministres entre le Premier ministre Tammam Salam et le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, sur fond de divergences sur le mécanisme de décision au sein du gouvernement, s'était soldée par des heurts entre les partisans du CPL et l'armée déployée autour du Grand Sérail.
Photo Marwan Assaf
Le CPL veut reprendre la main
Avec cette manifestation, le CPL s'est également donné pour objectif de reprendre la tête du mouvement de contestation née de la crise des déchets, mené par des activistes de la société civile et qui s'est soldé par l'organisation de plusieurs manifestations au centre-ville de Beyrouth. La dernière, mardi, a vu des activistes de la campagne "Vous puez!" occuper le ministère de l'Environnement.
(Lire aussi : Le collectif "Vous puez!" appelle à manifester contre la corruption hors de Beyrouth)
Dans le cadre de son appel à manifester, Michel Aoun avait pris ses distances par rapport au mouvement de la société civile, en affirmant que "tous les politiciens ne sont pas corrompus", et en leur demandant de "rendre les slogans" qu'ils ont "volés au CPL" s'ils ne sont pas d'accord avec lui.
Pour une "solution juste et globale" de la crise, le général Aoun avait proposé une feuille de route comprenant soit l'élection d'un président au suffrage universel, soit des élections législatives sur la base d'une loi basée sur la représentation proportionnelle et assurant "une juste parité".
Suivraient alors l'élection d'un président par le Parlement, puis la formation d'un "gouvernement d'unité nationale qui mettrait en œuvre un programme de réformes de tous les secteurs, suivant un ordre de priorité dicté par les circonstances".
Photo Ani
"Demain, le tsunami sera de retour"
Prenant la parole devant les partisans réunis sur la place des Martyrs, le président élu du CPL et ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a appelé le peuple à élire un "président libre capable de combattre la corruption".
"Nous voulons un Parlement non prorogé, élu sur la base d'une loi à la proportionnelle. Nous rêvons d'un Conseil des ministres dans lequel tous les ministres travaillent et respectent les lois, s'est écrié M. Bassil, sous les hourras de la foule. Nous ne voulons pas d'un président qui ne comprend que la langue de bois, ni d'un chef du gouvernement à son image. Nous leur disons : le Liban vous avalera".
Et de poursuivre : "Nous rêvons d'un Etat qui garantit les droits de tous, débarrassé des mafias et des milices. Nous rêvons d'une justice et d'une sécurité équitables. Nous rêvons d'une électricité 24 heures sur 24, pas la situation que nous subissons aujourd'hui. Nous rêvons d'eau, contrairement à ceux qui nous empêchent de construire des barrages pour des raisons prétendument écologiques (en référence au barrage de Janné, dans la région de Jbeil, dont les travaux ont été suspendus, ndlr). Nous ne voulons pas d'un pétrole partagé entre les leaders politiques sous le regard des puissances étrangères".
Le président élu du CPL a appelé les Libanais "à voter contre les agents et les corrompus". "Nous sommes le courant de la participation et du partenariat. L'avenir, nous le construirons avec dignité et fierté, nous ne l'attendrons pas résignés", a-t-il martelé.
Et de lancer : "Ils pensaient nous avoir expulsés de la place de la Liberté, de la souveraineté et de l'indépendance en 2005, et ils pensaient nous expulser de la place du Partenariat national en 2007. Aujourd'hui, ils pensaient qu'ils pourraient nous expulser de la Place de la Liberté, mais nous sommes là pour leur répondre que cette place est pour tous les Libanais."
"Aujourd'hui, nous, les partisans du CPL, sommes à la place des Martyrs. Demain, tous les Libanais seront au palais du peuple à Baabda. Demain, le tsunami sera de retour", a-t-il conclu.
Photo Ani.
De son côté, le député Alain Aoun, présent à la manifestation, a indiqué dans un entretien accordé à l'Agence nationale d'information (Ani, officielle) qu'il fallait "restructurer le pouvoir sur la base d'une loi électorale équitable". "Ce qui se passe aujourd'hui rappelle que le CPL constitue l'une des forces essentielles sur la scène libanaise, notamment parmi les composantes chrétiennes", a-t-il également assuré.
Alain Aoun a été un temps candidat à la présidence du CPL avant qu'un accord conclu avec Gebran Bassil le conduise à se désister en faveur de ce dernier.
Le secrétaire du bloc parlementaire du changement et de la réforme, le député Ibrahim Kanaan, également présent au centre-ville, a pour sa part indiqué à l'Ani que le mouvement du CPL visait à "récupérer la décision et les droits confisqués". "La décision revient au peuple. Les urnes accordent la confiance à ceux qui la méritent et la retirent à ceux qui ne le méritent pas", a-t-il précisé.
"Nous portons aujourd'hui le cri du peuple et nous continuerons à le porter", a indiqué de son côté le ministre de l'Education, Elias Bou Saab, présent à la manifestation. "Nous sommes partis de la rue et nous sommes entrés au sein du pouvoir à partir de la rue", a ajouté le ministre, soulignant que cette manifestation est "pacifique".
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commentaires (13)
C'est c'la ! Same qu'en 88/90 !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
10 h 34, le 06 septembre 2015