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Moyen Orient et Monde - Témoignage

Massacre de Douma : Victimes, familles, médecins... le calvaire raconté par « Bo Basel »

Le cri du cœur d'un médecin de la Ghouta qui vit quotidiennement les affres des bombardements sur son quartier après les derniers massacres de Douma.

« La situation était atroce, inimaginable. Il y avait cinq médecins dans un local d’à peine 150m2 pour près de 500 victimes », explique le docteur Bassel. Abd Doumany/AFP

Son témoignage a fait le buzz la semaine dernière sur les réseaux sociaux. Écrit en arabe sur sa page Facebook, le texte a été traduit en français et en anglais. Dans un long récit poignant, il revient sur la journée du dimanche 16 août. Ce jour-là, les avions du régime syrien ont frappé un marché bondé de civils à Douma, près de Damas. Le bilan de ces raids successifs s'est élevé à 117 morts.

Docteur Bassel, ou « Bo Basel » (son pseudonyme) est médecin à la Ghouta, dans la banlieue de la capitale syrienne, une région aux mains des rebelles, mais encerclée et pilonnée presque quotidiennement par les forces du régime : « Quand je suis arrivé au centre de secours d'urgence quelques minutes après la frappe, quelqu'un parmi toute la foule m'a arrêté : "N'entrez pas ! Le centre ne peut accueillir que les blessés !". Quelqu'un d'autre lui dit alors : "Laisse-le passer : il est médecin !" » « Comme j'aurais préféré ne pas être descendu et ne pas avoir vu ce que j'ai vu. Il y avait là une mer de sang dans laquelle nageaient blessés, médecins, personnel médical... » écrit-il sur sa page Facebook.

Et de poursuivre en parlant de lui à la 2e personne du singulier : « Tu vois que les blessés gisant sur le sol sont plus nombreux et plus grièvement touchés que ceux qui sont alités. Chacun d'entre eux rassemble toute son énergie pour lever une main, gémir ou se plaindre de la douleur, comme s'il t'adressait un message : je suis touché et Dieu t'a désigné pour me secourir ou pour que tu souffres de ne pas pouvoir me secourir... »
Et d'ajouter : « Alors que tu allais t'occuper d'un blessé, un autre près de lui t'interpelle en te tenant le bras : "Docteur ! Je vous jure que je suis arrivé ici avant lui! Je suis arrivé ici dès la première frappe aérienne !" Et là, tu souhaites te morceler en mille parts, chaque morceau avec un blessé, un frère, une mère ou un père en douleur qui auraient perdu un membre de leur famille... »

Et de poursuivre un peu plus tard : « Ici prennent fin les secours d'urgence et commence la tragédie. Car les membres de la Défense civile – que Dieu les bénisse – ont embaumé plus de 100 martyrs pour être enterrés. Cent personnes ont quitté la vie pour retrouver leur Créateur et se plaindre de l'injustice qui les a frappés. Cent familles ont perdu au moins un membre chacune. 100 femmes ont perdu un fils, un mari ou un frère, et 100 hommes ont perdu un fils, une femme, un père ou un frère. »

 

(Pour mémoire : "J'ai vu des policiers violer des enfants devant leurs parents" : des transfuges syriens témoignent)



Depuis cette date, les bombardements n'ont pas cessé sur Douma et la Ghouta orientale. Une région déjà tristement célèbre par l'attaque aux armes chimiques qui a fait près de 1 500 morts, il y a un an.
Contacté par L'Orient-Le Jour, « Bo Bassel » revient sur le dernier massacre de Douma : « La situation était atroce. Inimaginable. Il y avait cinq médecins dans un local d'à peine 150m2 pour près de 500 victimes. »
« Nous avons été submergés par le nombre de blessés. Le rapport était tel que chaque médecin devait traiter 100 blessés. Ce qui était simplement hors de notre portée. Et c'est pour cette raison qu'il y a eu tellement de décès. Parce que nous n'arrivons pas à les secourir à temps », se rappelle le docteur Bassel.

Le médecin évoque par ailleurs les séquelles d'une telle situation sur le personnel médical et paramédical : se trouver parmi tellement de morts, de sang, de douleur ne peut que laisser des traces. Surtout quand ils se sentent parfois impuissants. « Je ne sais pas comment nous faisons pour surmonter toutes ces atrocités », se lamente-t-il. « Les habitants de la Ghouta sont nos amis et nos parents. Et nous restons avec eux pour les secourir, corps et âme. Mais parfois, nous mettons de côté nos émotions pour réfléchir uniquement rationnellement : lorsque je vois un homme souffrir d'une blessure et que j'accours vers lui, et que je vois à côté de lui un petit garçon les jambes coupées, je délaisse l'homme pour m'occuper d'un cas plus grave », explique-t-il avec beaucoup de culpabilité.

Autre drame dans un tel cas, note le docteur Bassel, c'est la situation invivable des parents qui recherchent un proche, quand l'espoir et le désespoir s'affrontent le temps d'avoir retrouvé un parent, vivant ou mort. « Je peux en parler parce que je l'ai vécu, explique-t-il. Lors d'un des bombardements sur la Ghouta dernièrement, mon cousin a été touché au ventre. Après les premiers secours, il a été transféré en salle d'opération. Quand j'ai terminé ma tournée, je me suis rendu au bloc opératoire pour demander de ses nouvelles. Et là, on ne savait plus où il se trouvait. Je ne vous dis pas dans quel état j'étais, trois heures plus tard, en le retrouvant dans l'une des maisons voisines où il avait été accueilli pour désencombrer l'hospice envahi par les blessés. » « Quid de tous ces parents qui n'avaient aucune nouvelle de l'un des leurs ? » se demande-t-il.
« Tout ce que je veux, c'est faire parvenir un message au monde pour épargner les civils qui n'ont rien à voir avec la guerre qui fait rage entre le régime et l'opposition. Ce sont des victimes innocentes des combats et des représailles entre les deux factions », martèle le docteur Bassel.

 

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commentaires (3)

Mais que font les Libanais(h) pour les aider, yâ harâm, à part leur balancer dans les pieds ces mercenaires du héZébbb.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 36, le 04 septembre 2015

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Commentaires (3)

  • Mais que font les Libanais(h) pour les aider, yâ harâm, à part leur balancer dans les pieds ces mercenaires du héZébbb.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 36, le 04 septembre 2015

  • Pendant que le monde hypocrite s’horrifie à la vue du petit ange échoué comme une épave à la porte du Vieux Continent, histoire de se donner bonne conscience, les massacres continuent, sur une base journalière (j > 1640) dans le pays d’origine de cet enfant, pour faucher la énième victime (n > 250,000). Pleurez, Européens, à chaudes larmes cet enfant de sorte à vous laver et purifier les mains et la conscience de tous les crimes commis et qui continuent de se commettre en Syrie.

    Ronald Barakat

    11 h 29, le 04 septembre 2015

  • "Tout ce que je veux, c'est faire parvenir un message au monde pour épargner les civils qui n'ont rien à voir avec la guerre qui fait rage entre le régime et l'opposition. Ce sont des victimes innocentes des combats et des représailles entre les deux factions." ! Comme si "l'opposition" n'était pas elle, la "civile" population ! Sorry, mais il n'a toujours Rien compris, ce "Bo Basel" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 40, le 04 septembre 2015

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