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Santé - Reportage

La tanorexie : quand bronzer vire à l’addiction

Les cabines de bronzage ne cessent d'attirer les férus de bronzage. Ils sont nombreux à s'y adonner, malgré les mises en garde des professionnels de la santé, qui soulignent les risques accrus de mélanome.

En 2012, l’Organisation mondiale de la santé a classé les solariums comme cancérigènes. Selon des études, ces appareils augmentent le risque de mélanome de 20 %. Photo Bigstock

Par une chaude soirée du mois d'août à Madrid, des clients hâlés défilent dans un centre de bronzage. Même en Espagne, un des pays les plus ensoleillés d'Europe, le besoin de soleil peut tourner à l'addiction.
Madrid compte 2 749 heures d'ensoleillement par an, soit le double de Londres. Ce qui n'empêche pas Macarena Garcia, étudiante, de s'adonner aux rayons UV.
« Ça ne plaît pas beaucoup aux membres de ma famille, ils me disent que ce n'est pas sain (...) mais eux vivent à la plage !
Ici, je travaille et j'ai aussi envie de bronzer », explique-t-elle en sortant du salon.
« J'arrêterais si je n'avais pas le choix, mais ça ne me plairait pas », admet Jose Manuel Rodriguez, ténébreux danseur de 36 ans, qui fait jusqu'à trois séances de bronzage par semaine pour « ne pas perdre son hâle naturel ».
Jose Carlos Moreno, de l'Académie espagnole de dermatologie (Aedv), n'hésite pas à parler d'addiction. « Ce sont des personnes bronzées qui ne se sentent jamais suffisamment bronzées », tels des « anorexiques qui se trouvent toujours trop gros ».
Leur profil : surtout des femmes et des jeunes de moins de 40 ans, qui bronzent plus de deux fois par semaine, au point de prendre une couleur excessivement orangée ou chocolatée.

Le bronzage, une drogue
Les cabines de bronzage sont apparues dans les années 80 aux États-Unis. Et les chercheurs américains ont été parmi les premiers à se pencher sur cette addiction, couramment appelée tanorexie, dans les années 2000.
Envie de bronzer au réveil, besoin de « doses » croissantes, anxiété en cas d'arrêt, culpabilité, agacement face aux remarques de l'entourage : les symptômes de la tanorexie sont similaires à ceux de l'addiction à l'héroïne, observe Joel Hillhouse, chercheur à l'Université d'East Tennessee.
Dépendantes, certaines personnes « continuent d'utiliser des cabines alors qu'elles ont un cancer de la peau, volent de l'argent à leurs proches ou s'achètent un lit bronzant pour satisfaire les envies nocturnes », ajoute-t-il.
« Il n'y a pas que le paraître qui pousse les gens à bronzer, il y a aussi le bien-être », indique de son coté Steve Feldman, dermatologue à l'Université Wake Forest, aux États-Unis.
Les rayons UV sont-ils une drogue ? « Absolument », répond-il.
Le soleil stimule la production de mélanine, pigment qui colore la peau, et ce phénomène libère des endorphines, souligne le Dr Feldman, précisant que ces hormones proches de la morphine donnent une sensation de bien-être et apaisent la douleur. À cela s'ajoute une pression sociale. Les mannequins à la parfaite peau caramel, les footballeurs riches, beaux, bronzés comme la star du Real Madrid, Cristiano Ronaldo... autant de figures que les jeunes ont envie d'imiter.

Changer les mentalités
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pourtant classé les appareils à UV comme cancérigènes en 2012. L'usage de ces appareils « augmente le risque de mélanome de 20 % », indique Vanessa Rock, du comité australien de lutte contre le cancer, en citant plusieurs études.
En cas d'usage avant l'âge de 35 ans, le risque de mélanome augmente même de 75 %, selon une étude publiée en juin 2010. Le Brésil a été le premier à complètement interdire ces appareils en 2009, suivi de l'Australie en 2014.
L'incidence du mélanome, cancer de la peau le plus agressif, reste en Australie la plus élevée du monde avec 11 000 cas par an. Mais le cancer de la peau tend à s'y stabiliser chez les moins de 45 ans grâce « aux campagnes publiques de sensibilisation et à une meilleure prise de conscience », se félicite Vanessa Rock.
En Espagne toutefois, où l'on diagnostique 3 600 cas de mélanomes par an, « les cabines de bronzage pullulent, aussi bien sous forme de centres que de services complémentaires dans des instituts de beauté ou des salles de sport », s'inquiète le docteur Moreno. Pour autant, « la population consulte de plus en plus tôt » grâce aux campagnes d'information. Il n'existe pas encore de soins spécialisés pour les tanorexiques.
Aux États-Unis, où les cabines de bronzage font l'objet d'un avertissement renforcé depuis 2014 et sont interdits aux moins de 18 ans, les chercheurs, dans certains états, on suggère la création de groupes de soutien, à l'image des alcooliques anonymes, et on tente de substituer au bronzage des alternatives relaxantes telles que le massage ou le yoga.
M. Moreno verrait bien une mise en garde explicite dans les centres de bronzage « comme sur les paquets de cigarettes qui évoquent clairement les maladies liées au tabagisme ».

Linh-LAN DAO/AFP

Par une chaude soirée du mois d'août à Madrid, des clients hâlés défilent dans un centre de bronzage. Même en Espagne, un des pays les plus ensoleillés d'Europe, le besoin de soleil peut tourner à l'addiction.Madrid compte 2 749 heures d'ensoleillement par an, soit le double de Londres. Ce qui n'empêche pas Macarena Garcia, étudiante, de s'adonner aux rayons UV.« Ça ne plaît pas...

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