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Économie - Politique économique

Pour Stiglitz, la France et l’Europe subissent « une forme d’intimidation » de la part de l’Allemagne

Éric Piermont/AFP

Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz s'inquiétait hier, dans un entretien à l'AFP, de voir la France subir une « forme d'intimidation » de l'Allemagne, et exhorte la gauche, en Europe comme aux États-Unis, à réagir contre la montée des inégalités.
« Il y a une forme d'intimidation », juge l'économiste américain, grande figure de la critique de l'austérité avec d'autres chercheurs, tels que son compatriote Paul Krugman et le Français Thomas Piketty, à propos de l'influence allemande sur la politique économique menée par le président François Hollande.
Interrogé sur des déclarations de l'ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, selon lequel l'intransigeance allemande face à la Grèce aurait pour but d'effrayer la France et de la convaincre de suivre la voie de la rigueur, le très médiatique économiste américain déclare : « Je le crois. » « Le gouvernement de centre-gauche en France n'a pas été capable de tenir tête à l'Allemagne », sur les orientations budgétaires ou face à la crise grecque, regrette l'ancien chef économiste de la Banque mondiale et conseiller du président américain Bill Clinton.
Pour M. Stiglitz, en pleine promotion de l'édition en français de son dernier ouvrage sur les inégalités (La grande fracture, éditions Les Liens qui Libèrent), la France « est de toutes les nations du monde celle qui a le plus fortement embrassé le concept d'égalité », mais est désormais confrontée à un « vrai risque » de creusement des inégalités en raison de ses choix budgétaires. Pour l'économiste, prix Nobel en 2001 avec deux autres chercheurs pour des travaux sur les imperfections des échanges d'informations sur les marchés, si la France affiche un important déficit public, elle n'en pratique pas moins une politique d'austérité en bridant les dépenses publiques.
Il critique également cette « idée vraiment stupide selon laquelle baisser les impôts sur les entreprises stimulerait l'économie », jugeant que cette « politique de l'offre » mise en œuvre par Ronald Reagan aux États-Unis dans les années 1980 est aujourd'hui « totalement discréditée ». « Ce n'est même plus un sujet de débat pour les économistes, seulement pour les Allemands et pour quelques personnes en France. » La baisse massive des charges et des impôts des entreprises est au cœur du Pacte de responsabilité et de solidarité mis en place par M. Hollande. « Je ne comprends pas pourquoi l'Europe choisit cette voie aujourd'hui », indique M. Stiglitz, pour qui les élections en 2017 en France et en Allemagne sont peu susceptibles de changer la donne.
L'universitaire dit cependant « espérer » un changement en Espagne, où des élections doivent se tenir avant la fin de l'année, après plusieurs années de rigueur budgétaire, mais sur fond de redémarrage de la croissance. Une réussite en trompe-l'œil, selon M. Stiglitz, qui souligne le toujours très fort taux de chômage espagnol : « Le simple fait (que le pays) survive est vu
comme un succès. »
L'économiste ne cache pas sa déception face à la gauche au pouvoir ces dernières années, en Europe comme aux États-Unis. « Depuis 20 ans, les sociaux-démocrates ont manqué de confiance en eux. Que ce soit (Tony) Blair au Royaume-Uni, (Gerhard) Schröder en Allemagne, et vous pourriez ajouter (Barack) Obama aux États-Unis. Tous ont soutenu les banques, la dérégulation, et des accords commerciaux mauvais pour les salariés », critique-t-il.
Si M. Obama a selon lui été « pris en otage par les grandes multinationales », M. Stiglitz veut croire que tout peut changer si un ou une candidat(e) démocrate l'emporte à la présidentielle américaine de 2016. « Tous les candidats du Parti démocrate vont dans le sens d'un programme (économique) progressiste. C'est une grande réussite. »
Interrogé enfin sur la Chine, dont les soubresauts boursiers donnent des sueurs froides au monde entier, il appelle à ne pas « trop dramatiser ». « La bonne nouvelle est qu'il y a désormais une prise de conscience de la nécessité de réguler le marché financier » en Chine, note M. Sitglitz. Pour le reste, Pékin « a presque 4 000 milliards de dollars de réserves de change. Cela lui donne les moyens de soutenir la croissance », veut-il croire.
Aurélia END/AFP

Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz s'inquiétait hier, dans un entretien à l'AFP, de voir la France subir une « forme d'intimidation » de l'Allemagne, et exhorte la gauche, en Europe comme aux États-Unis, à réagir contre la montée des inégalités.« Il y a une forme d'intimidation », juge l'économiste américain, grande figure de la critique de l'austérité avec d'autres...

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