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Économie - Liban - Régulation

La finance de l’ombre dans le collimateur de la Banque du Liban

De plus en plus d'organismes de prêts aux particuliers échappent aux réglementations bancaires. Un essor sur lequel la Banque centrale semble désormais décidée à faire la lumière.

De plus en plus de « comptoirs », fonctionnant à la manière de prêteurs sur gages, échappent au contrôle de la Banque centrale.

« La taille du secteur de la finance parallèle a plus que doublé durant la dernière décennie », s'alarmait Vitor Constancio, vice-président la Banque centrale européenne (BCE), le 13 février dernier, lors d'un sommet économique à Warwick, en Grande-Bretagne. Selon l'édition 2014 du rapport sur la stabilité financière mondiale du Fonds monétaire international (FMI), ce « shadow banking », ou finance de l'ombre, pèserait jusqu'à 60 000 milliards de dollars dans le monde en 2013 – tandis que le produit intérieur brut mondial atteignait les 72 105 milliards. Cette appellation équivoque désigne les opérations financières exercées en dehors du système bancaire traditionnel par les hedge funds, les fonds mutuels, les entreprises de capital-investissement, les sociétés de garantie de crédit ou encore les établissements de crédit à la consommation ou de microcrédit. Ces entités ont toutes un point commun : à la différence des banques traditionnelles, elles n'accueillent pas de dépôts et ne sont pas régulées par les Banques centrales. « Des taux d'intérêt réels bas et la réduction des rendements des banques sont généralement liés à la croissance du "shadow banking", en particulier dans un contexte où les règles prudentielles relatives aux fonds propres sont strictes », détaille le rapport du FMI.

« Comptoirs » financiers
Or, au Liban, les taux d'intérêt élevés sur les dépôts – 5,51 % pour les dépôts en livres libanaises – réduisent la propension des banques, des sociétés financières ou des investisseurs à vouloir créer ou investir dans des produits financiers complexes pour augmenter leurs rendements. Le système bancaire traditionnel absorbe donc toujours l'essentiel des activités financières du pays et « le niveau de sophistication des produits financiers reste bien moindre qu'à l'étranger », avance le directeur du département bancaire au sein de la Banque du Liban (BDL), Najib Anwar Choucair.
En outre, « les autorités de régulation, comme la BDL, la Commission de contrôle des banques (CCB) ou l'Autorité des marchés de capitaux (AMC), surveillent et régulent également les activités de ces entités », explique Sami Saliba, membre du conseil exécutif de l'AMC. « Toutes les opérations de ces acteurs, comme les sociétés financières ou de courtage, ainsi que les produits financiers qui pourraient avoir les caractéristiques d'un produit de "shadow banking" sont régulés par l'AMC », poursuit-il.
Toutes ? Pas tout à fait. « Nous avons constaté l'essor de "comptoirs financiers", qui sont les principaux acteurs de cette finance fantôme », explique le directeur du département bancaire au sein de la BDL, Najib Anwar Choucair. Ces « comptoirs » fonctionnent à la manière de prêteurs sur gages. « Pour prendre un crédit, il faut obligatoirement mettre en garantie l'un de vos biens, une maison, une voiture, un terrain (...) et le montant du prêt sera égal à 50 % de la valeur du bien. Pour un prêt avec garantie automobile, le taux d'intérêt est d'environ 10 %, pour une garantie immobilière il est seulement de 5 %. En cas de défaut de paiement, nous saisirons le bien mis sous garantie », explique à L'Orient-Le Jour un cadre de l'un de ces « comptoirs » sous le couvert de l'anonymat. « Ces "comptoirs" sont un vrai problème car, dans le code de la monnaie et du crédit, il est stipulé que ceux-ci doivent s'enregistrer auprès de la Banque centrale à leur création. Or nous avons constaté une multiplication de publicités dans les journaux gratuits de petites annonces, se targuant de défier les banques en permettant à leurs clients des remboursements mensuels de leur crédit d'un montant équivalent à 80 % de leurs revenus ! » fustige Najib Anwar Choucair.

Surendettement
La raison de cet essor? L'encadrement plus strict de l'endettement des particuliers. « L'endettement des ménages est aujourd'hui estimé à 50 %. C'est pour le freiner que nous avions instauré la circulaire encadrant les crédits à la consommation », poursuit M. Choucair. Émise en aout 2014, la circulaire intermédiaire n° 369 impose en effet des plafonds bien plus stricts à l'octroi de crédits aux particuliers. D'abord, ces derniers doivent s'acquitter d'un premier versement de 25 % du prix total de l'appartement ou de la voiture qu'ils veulent acquérir. Ensuite, le remboursement des crédits automobile ou immobilier ne doit pas excéder 35 % des revenus mensuels du ménage débiteur, et, pour les autres types de crédit à la consommation, le remboursement mensuel est plafonné à 45 % du revenu du ménage. « Mais nous avons constaté que ces "comptoirs" tirent parti de cette nouvelle régulation pour octroyer des prêts aux particuliers qui sont déjà surendettés auprès des banques. Ces comptoirs représentent donc une menace, aussi bien pour l'endettement des ménages, que sur le marché de la banque de détail, risquant d'augmenter le taux de créances irrécouvrables des banques », détaille Najib Anwar Choucair.
Pour freiner leur développement, la BDL a émis une circulaire (n° 1) en février dernier qui imposait à ces « comptoirs » de remettre, avant fin mars 2015, toutes les informations les concernant à la BDL – leur contact et les détails de toutes les opérations financières effectuées. Avec, pour ceux ne respectant pas ces dispositions, une interdiction d'activités bancaires à la clé. Une quarantaine de « comptoirs » seulement se seraient enregistrés, alors que la BDL estime leur nombre à 500 au Liban. Pour Najib Anwar Choucair, « leur part sur le marché est encore minime, à environ 30 millions de dollars tout au plus, pour ceux qui se sont enregistrés, il faudrait donc multiplier ce chiffre par deux ».
La BDL travaille donc à l'élaboration d'une nouvelle circulaire, à paraître dans environ deux mois, pour soumettre ces « comptoirs » aux mêmes régulations que les institutions financières et les départements de la banque de détail. Par exemple, la nécessité d'avoir un capital, et l'interdiction aux banques de les financer via des prêts. Ensuite, ils devront communiquer à la centrale des risques de la BDL tous les crédits octroyés afin de pouvoir calculer les taux d'endettement de leurs clients, tous les prêts d'un individu y étant répertoriés.

 

 

 

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