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À La Une - Liban

Après une journée de manifestation pacifique et festive, la tension monte d'un cran

Des dizaines de milliers de Libanais ont manifesté leur ras-le-bol place des Martyrs ; le collectif "Vous puez!" lance un ultimatum au gouvernement.

Après une journée de manifestation pacifique place des martyrs, la tension est montée d'un cran, samedi soir, place Riad Soh, devant le Grand Sérail. AFP PHOTO / STR

Des dizaines de milliers de Libanais ont répondu à l'appel à manifester, lancé par la société civile, pour dénoncer l'incurie du gouvernement. Une manifestation qui s'est déroulée dans le calme, dans une ambiance festive même, jusqu'en fin de soirée.

A partir de 20h30, la tension est montée d'un cran quand des manifestants sont passés de la place des martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, où avait eu lieu la manifestation, à la place Riad Solh, à quelques centaines de mètres, devant le Grand Sérail, siège du gouvernement. Selon un témoin sur place, des personnes encagoulées se sont mêlées aux manifestants. Et certains ont tenté de passer les barrages de barbelés érigés par les forces de sécurité devant le Grand Sérail. En face, les forces de sécurité intérieure (FSI) ont lancé des appels au calme, alors que le collectif "Vous Puez!", à l'origine du rassemblement place des martyrs, appelait les manifestants à rentrer chez eux.

Plus tard en fin de soirée, une unité anti-émeutes des FSI a lancé un assaut contre les manifestants rassemblés place Riad Solh. La manifestation a été dispersée sans faire de blessés. Plusieurs personnes ont toutefois été arrêtées. 

Ultimatum
Sur la place des Martyrs, les dizaines de milliers de manifestants ont exprimé leur colère envers une classe politique qu'ils jugent corrompue et incapable de leur offrir les services de base.

Les organisateurs du rassemblement, le collectif de la société civile "Vous Puez!", ont, eux, adressé un ultimatum aux autorités. "Vous Puez!" affirme que son mouvement de contestation ne cessera pas avant la démission du ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk et l'élection d'un président de la République. Les organisateurs de la campagne ont également menacé d'escalade si le gouvernement ne satisfaisait pas leurs demandes d'ici 72 heures.

Place des Martyrs, les manifestants formaient une foule bigarrée, des hommes, des femmes et des enfants venus de tout le pays. "Nous espérons 50.000 manifestants et il y aura d'autres rassemblements à l'avenir encore plus importants. Nous refusons de nous inscrire dans un quelconque projet politique (...) Le vrai combat c'est de se rassembler sous la même bannière", avait déclaré à l'AFP l'un des organisateurs, Assaad Thebian, avant le début de la manifestation.

 

(Reportage : "Nous voulons que la classe politique libanaise nous rende des comptes !")

 

"Vous Puez !" est un groupe né des répercussions de la dernière crise des déchets (qui sévit depuis le 17 juillet) et se veut une caisse de résonance pour revendiquer les droits des citoyens.

Samedi, à Beyrouth, les manifestants ont appelé à la fin de la corruption, à la démission du gouvernement,ils ont dénoncé l'incapacité des autorités à assurer l'approvisionnement en eau, électricité, l'accès aux soins de santé, de nouvelles élections législatives l'élection d'un président de la République...  Depuis les dernières élections de 2009, le Parlement a prolongé à deux reprises son mandat et les députés n'ont pas réussi à élire un président de la République, poste vacant depuis mai 2014.

Tous les leaders politiques sont désormais visés, comme le prouvent les photos et les affiches déjà postées au centre-ville. La campagne "Vous Puez !" et d'autres campagnes qui sont nées ces derniers jours, comme "Nous demandons des comptes", veulent aussi que soient jugés les militaires qui ont tiré le week-end dernier sur les manifestants et le transfert de la collecte des déchets aux municipalités.

Pour éviter que ne se répètent les actes de violence survenus lors des premières manifestations le week-end dernier et imputés à des "fauteurs de troubles", les organisateurs avaient constitué un service d'ordre de 500 membres. Alors que des fauteurs de troubles commençaient à faire du grabuge place Riad Solh, "Vous Puez!" a appelé à la fin de la manifestation.


La campagne de protestation a commencé avec la crise des ordures provoquée à la mi-juillet par la fermeture de la plus grande décharge du Liban, à Naamé, et l'amoncellement des déchets dans les rues de la capitale et des autres villes du pays. Mais au delà de la crise des déchets, elle illustre plus généralement le ras-le-bol d'une partie de la population contre la corruption endémique, le dysfonctionnement de l'Etat et la paralysie des institutions politiques.

 

(Lire aussi : A Londres aussi, les Libanais crient leur ras-le-bol)

 

"Tous sans exception"
Vingt-cinq ans après la fin de la guerre, l'électricité est rationnée dans tout le pays et chaque été l'eau vient à manquer dans de nombreuses régions, notamment Beyrouth, alors que le Liban est le pays le plus arrosé du Moyen-Orient mais qui manque cruellement de barrages.
"Le mot d'ordre de la manifestation sera 'tous sans exception', car nous sommes contre toute la classe politique. Le seul drapeau permis sera le drapeau libanais (...) Nous sommes contre les parties qui exploitent les citoyens", avait déclaré un autre organisateur, Lucien Bourjeily.

De nombreux artistes ont annoncé leur participation. Pour le célèbre chanteur Ghassan Saliba "ce qui se passe aujourd'hui est totalement inédit. Dans le passé c'était un dirigeant politique qui appelait à manifester. Aujourd'hui ce sont les Libanais de toutes les confessions qui descendent car tous les gens ont mal". Egalement présent parmi les manifestants, Marcel Khalifé, qui déclarait à L'Orient-Le Jour : "Je suis là parce que je suis un citoyen, parce que le temps est venu pour nous d'avoir notre liberté."

Plusieurs organisations avaient envoyé des communiqués pour confirmer leur participation à la manifestation et appeler d'autres à le faire. Parmi elles, L'Agenda légal a demandé à tous les avocats de participer en force au mouvement « pour défendre les droits et les libertés essentielles », « parce que la crise des déchets est l'expression la plus éclatante du mépris des responsables envers les moindres règles de transparence et de reddition de comptes », « parce que la justice est la première victime de l'effondrement du système judiciaire et de la culture de clientélisme ».
Et sur les réseaux sociaux, de nombreux Libanais et militants ont appelé à manifester sous différents mots d'ordre, utilisant les hashtag, #VousDevezRendreDes Comptes, #DansLaRue, ou #NousEnAvonsMarre.

 

(Lire aussi : Baroud : Un mouvement politique aux composantes civiles)

 

"Du jamais vu"
Dans un Liban profondément divisé où le système politique est basé sur la répartition confessionnelle, la manifestation a un caractère unitaire éloigné du morcellement entre communautés.


Et les analystes notent la fracture entre une partie de la population et ses dirigeants. "Ce qui se passe aujourd'hui est différent de tout ce que nous avons vu. Ce mouvement n'est pas politisé, n'est lié à aucun mouvement politique. On n'avait jamais vu ceci dans le passé. C'est important. Le mouvement a été capable d'unifier les gens qui sont dégoûtés par les politiciens", note Jad Chaaban, professeur d'Économie à l'Université américaine de Beyrouth.

Pour Fadia Kiwan, professeur de Sciences politiques à l'Université Saint Joseph, "bien sûr que s'exprime la rancœur après que le gouvernement a jeté à la figure les déchets en pleine canicule, sans aucun respect pour la santé et la dignité des citoyens". "Je crois de plus en plus que ce mouvement, quelque soit la suite, a déjà secoué la confiance des citoyens dans leur élite politique. Il a secoué l'édifice", a-t-elle ajouté.

 

 

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Des dizaines de milliers de Libanais ont répondu à l'appel à manifester, lancé par la société civile, pour dénoncer l'incurie du gouvernement. Une manifestation qui s'est déroulée dans le calme, dans une ambiance festive même, jusqu'en fin de soirée.
A partir de 20h30, la tension est montée d'un cran quand des manifestants sont passés de la place des martyrs, dans le centre-ville de...

commentaires (7)

LA TENSION TOUJOURS MONTE AVEC L'ARRIVÉE DES DOGUES DES DOG(U)ES...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 28, le 31 août 2015

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Commentaires (7)

  • LA TENSION TOUJOURS MONTE AVEC L'ARRIVÉE DES DOGUES DES DOG(U)ES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 28, le 31 août 2015

  • "Juste" d'un tout petit cran ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 25, le 30 août 2015

  • "Vous Puez!" affirme que son mouvement de contestation ne cessera pas avant la démission du ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk et l'élection d'un président de la République. ALORS LA MAIS ALORS LA JE M'ATTENDAIS PAS A CA ... BRAVO ET MILLE BRAVO POUR CET ULTIMATUM

    Bery tus

    23 h 07, le 29 août 2015

  • cela fait chaud au Coeur de voir tous ces gens rassembles au centre ville pour exprimer leurs degouts envers cette classe politique plue que corrompue.En esperant que cela sera benefique pour ce pays qui est le LIBAN.....

    issa louis

    20 h 56, le 29 août 2015

  • Ce sont les premiers signes de l'appartenance des libanais à leurs Liban avant leurs appartenances à des clans et des confessions. Espérons que cela va durer.

    Raminagrobis

    19 h 38, le 29 août 2015

  • N'IMPORTE QUOI DITES AUX MANIFESTANTS QUE LES EMIGRER NE LES SUIVENT PAS DU TOUT ... SAVENT ILS SEULEMENT CE QU'ILS DEMANDENT????? QU'ILS COMMENCENT D'ABORD A APPRENDRE CE QU'EST LE RESPONSABILITE CIVIQUE ET MORAL BANDE DE NAZE ORGANISATION YOUSTINK ALL !!

    Bery tus

    18 h 30, le 29 août 2015

  • MANIFESTATION DE DEFIANCE DE LA CLASSE POLITIQUE CONTRE LA CLASSE POLITIQUE... LES SHIZOPHRENES CONTRE LES PHRENES... LES BOYCOTTEURS CONTRE LES NULLITES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 23, le 29 août 2015

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