Le chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, a clarifié hier, au cours d'un point de presse, sa position à l'égard de la crise en cours, appelant ses partisans à manifester le 4 septembre en faveur d'une feuille de route qui comprendrait soit l'élection du chef de l'État au suffrage universel, soit la reconstitution des institutions par l'élection d'un nouveau Parlement . M. Aoun a affirmé qu'il ne démissionnera ni du gouvernement ni du Parlement et a sagement pris ses distances par rapport aux manifestations de la société civile, en affirmant que « tous les politiciens ne sont pas corrompus », et en leur demandant de « rendre les slogans » qu'ils ont « volés au CPL », s'ils ne sont pas d'accord avec lui.
C'est en distinguant la légitimité de la légalité que le général Michel Aoun a entamé hier sa conférence de presse. Tout en indiquant que les deux concepts « sont nécessaires à l'exercice du pouvoir », il a précisé que la légitimité, définie comme « délégation par le peuple de l'autorisation de gouverner selon des normes bien définies », doit être placée au-dessus de la légalité, entendue comme « application et respect de lois particulières ».
« Le dirigeant qui ne jouit pas de la légitimité populaire, qui lui est accordée par le vote, ne peut donc gouverner. Les démocraties occidentales ont choisi, pour cette raison, l'élection au suffrage universel », a-t-il commenté.
Une juste parité
Pour une « solution juste et globale » de la crise, le général Aoun propose la feuille de route comprenant soit l'élection d'un président au suffrage universel, soit des élections législatives transparentes sur la base d'une loi basée sur la représentation proportionnelle et assurant « une juste parité ».
Suivraient alors l'élection d'un président par le Parlement, puis la formation d'un « gouvernement d'unité nationale qui mettrait en œuvre un programme de réformes de tous les secteurs, suivant un ordre de priorité dicté par les circonstances ».
« Les États amis expriment toujours le souhait de voir la stabilité préservée et le gouvernement libanais recevoir l'appui qu'il mérite, a ajouté en résumé Michel Aoun. Nous déployons à cet effet tous les efforts possibles, mais vous savez qu'un pouvoir qui a perdu sa légitimité populaire alimente l'anarchie et porte atteinte à la stabilité, et que la corruption s'est infiltrée à tous les échelons de l'État. La majorité sait que nous sommes attachés au gouvernement, mais sachant par ailleurs que la formation d'un autre est impossible, d'autant qu'il incarne l'autorité du chef de l'État, elle exerce un chantage sur la minorité, décide de ce qui lui plaît et conduit le pays sur des voies très dangereuses, ce qui a fait perdre patience à la population. »
Promesses en l'air
En ce qui concerne le Parlement, Michel Aoun a affirmé que « son rôle s'efface en l'absence d'un chef de l'État » et qu'il ne peut agir et légiférer que dans deux cas : d'une part, pour reconstituer le pouvoir, et d'autre part, à titre exceptionnel, s'il y va de l'intérêt supérieur de l'État ».
Et de rappeler que, sur promesse de mettre au point une nouvelle loi électorale, le Parlement a prorogé son mandat à deux reprises (juin 2013 et en 2014), et qu'il n'a tenu promesse ni la première ni la deuxième fois, sachant que certains députés « se sont promis de dormir sur les marches du Parlement jusqu'à ce qu'une nouvelle loi électorale soit votée... ».
Heureux du réveil du peuple
En ce qui concerne la campagne du collectif « Vous puez! », le général Aoun s'est dit « heureux que le peuple se soit réveillé pour réclamer ses droits spoliés ».
« Il ne fait pas de doute, a-t-il précisé, que la plupart de nos problèmes politiques sont dus aux scandales financiers que nous avons soulevés, sachant que les dirigeants ont ignoré la Constitution et les lois pour empêcher tout contrôle préalable des dépenses publiques, sans qu'un contrepoids a posteriori ne soit exercé non plus, ce qui fut la voie ouverte à tous les abus. »
Toutefois, Michel Aoun s'est désolidarisé des manifestations en cours, en affirmant « qu'on ne peut généraliser l'accusation de corruption », et que « s'il existe une classe politique corrompue, il existe aussi des politiciens réformistes ».
« La généralisation de l'accusation abrite et soulage ceux qui sont véritablement corrompus et décourage ceux qui ne le sont pas », a-t-il noté.
Gare à l'extrémisme
Par la même occasion, le général Aoun a recommandé aux manifestants « d'éviter tout extrémisme qui risque de faire échouer leur mouvement et de semer l'anarchie ».
En réponse aux questions qui lui ont été posées, M. Aoun a affirmé que le CPL ne démissionnera pas du gouvernement, et qu'il l'aurait fait « depuis longtemps s'il savait possible la formation d'un autre ». Toutefois, M. Aoun a manifesté à ce sujet une volonté d'apaisement, affirmant qu'en dépit de tout, « le gouvernement s'est abstenu de soulever des sujets controversés ».
« Je ne veux pas soulever aujourd'hui le problème du gouvernement, qui est en cours de traitement ; je ne veux pas accroître la tension », a-t-il indiqué.
« Il en est de même d'un Parlement qui, en notre absence, manquerait d'être contrôlé. Nous resterons donc aussi bien au gouvernement qu'au Parlement », a-t-il dit.
Oui au dialogue
Michel Aoun a par ailleurs salué toute initiative reposant sur le dialogue qui pourrait faire avancer les choses, en référence à une volonté prêtée à Nabih Berry d'appeler à la réunion de la conférence nationale du dialogue.
À l'idée que son courant est « rejeté » par les manifestants de la société civile, Michel Aoun a affirmé que si telle est leur volonté, le courant ne participera pas à leur manifestation.
« Mais qu'ils ne participent pas non plus à la nôtre, dans ce cas, a-t-il lancé, et qu'ils sachent que la rue n'appartient à personne, et que s'ils occupent une partie de la place, nous pourrions, à notre tour, en occuper l'autre partie. »
Le général Aoun a quand même pressé la classe dirigeante d'opter rapidement pour une solution. « Le mouvement actuel va aller crescendo, a-t-il dit. Il n'y aura pas de retour en arrière. Un règlement de la crise est donc souhaitable aujourd'hui plutôt que demain, et demain plutôt qu'après-demain. »
S'il y a accord avec les Forces libanaises, pourquoi le problème n'est-il pas déjà réglé ? « C'est que le président ne tire pas sa légitimité des seuls chrétiens, mais de tout le peuple libanais, des chrétiens comme des musulmans », a répondu le général Aoun.
commentaires (11)
CORRECTION ! MERCI : "..... De cette "basse époque".... Takfiriste révolutionnaire surtout SUNNITE !...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
08 h 41, le 01 septembre 2015