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Culture - Festival de Beiteddine

Anna, tsarine rayonnante et plénipotentiaire

La voix d'Anna Netrebko a fait surgir, hier soir, une aurore boréale dans le soir du Chouf.

Plein les oreilles dans un décor levantin princier. Les mélomanes ont retenu leur souffle comme pour le lever d'une aurore boréale. Une voix pure et cristalline – desservie hélas par une sonorisation agressive – a envahi firmament, longs corridors, vastes salons et arrière-cour d'un palais brusquement tout ouïe, pour imposer silence et recueillement. Anna Netrebko, dans son cortège de reine de la scène lyrique mondiale, a chanté. À ses côtés Yusif Eyvazov, pour lui donner une réplique, pas toujours au diapason de son énergisante prestation.
De toute évidence, le trentenaire Festival de Beiteddine a dépassé cet été la qualité de ce que le public éclairé, cultivé, averti et exigeant attend. Avec le récital d'Anna Netrebko, au sommet de son art à 44 ans, la palme de la considération est accordée non seulement pour les belcantistes, mais pour tout auditoire qui tend vers un spectacle d'ordre majeur et non composé de broutilles.
Altière dans son port de comédienne, puissante quand elle lâche ses fortissimos, touchante à faire pleurer quand elle caresse de son sotto voce une chute de phrase, étourdissante quand elle attaque un tempo enlevé, séductrice quand elle esquisse quelques pas de danse et lance des aigus à faire taire tous les micros cachés et révélés, Anna Netrebko est à la hauteur de sa redoutable réputation : une artiste au timbre splendide, à la présence captivante.
Avec elle, l'art lyrique est transcendé. Et c'est étonnant qu'une cantatrice même adulée et portée aux nues ait brusquement un tel pouvoir sur son auditoire. Le pouvoir d'une tsarine rayonnante, impavide et plénipotentiaire.
Sur scène l'Orchestre philharmonique Gioachino Rossini, celui même qui a accompagné pour la soirée d'ouverture Juan Diego Florez et Joyce el-Khoury, mais placé cette fois sous la houlette de Marco Boemi. Qui n'a jamais perdu une miette de la prestation donnée, tout en dirigeant avec sobriété et une attention soutenue.
Pas chaloupés de sultane dans une robe djellaba en gaze vaporeuse saumon aux motifs fleuris dorés pour une forme sculpturale presque enveloppée, cheveux relevés en chignon haut perché (« c'est une extension, mes cheveux sont courts » dira-t-elle en fin de concert !), la plus courtisée des divas fait une entrée remarquable sous les ovations.
Deux vases oblongs transparents avec une monumentale de gerbe de fleurs du côté droit de la scène pour les accords de la Gioconda de Ponchielli qui ouvrent le bal des notes. Notes orchestrales aux ourlets touchés par une polka sémillante.
Et Adriana Lecouvreur s'épanche bien plus que Voltaire ne l'aurait imaginé à travers la voix d'Anna Netrebko qui campe brusquement, en ton péremptoire, une tragédienne consommée. Cilea est bien servi ! Ténor dramatique, Yusif Eyvazof, nœud papillon sur col blanc cassé, veste queue-de-pie noire, gilet gris argenté sur bedon, visage poupin avec une barbe bien taillée, reprend en douce le flambeau pour une aria d'Adriana Lecouvreur. Lamento qui ne manque ni de tendresse ni d'une certaine véhémence, mais comme saisi d'un léger trac.
Si Anna Netrebko s'est montrée une véritable force de la nature, maîtrisant toujours l'ampleur et la nuance de ses tirades et de ses vocalises, de Boito à Puccini (sublime ce Un bel di vedremo de Madame Butterfly de Puccini ainsi que l'émouvant O mio babbino caro (Gianni Schicchi) toujours de Puccini) en passant par l'ensorcelant Rusalka de Dvorak, le public avait à faire ce soir-là à une tornade vocale qui saisit au collet et cloue l'auditeur au siège.
À côté d'elle, en solo ou en duo, son futur mari (du propre aveu de la cantatrice !) Yusif Eyvazov, a bien du coffre pour un ténor, aussi bien physiquement que vocalement. Surtout pour les chutes de phrases où sa voix s'ouvrait à pleins poumons pour une montée retentissante.
Couple en amour et amoureux, Anna et Yusif ont conquis le public qui les a bissés plus de quatre fois. Duo verdien (La Traviata copieusement servie !) a charmé tout le monde, le courage de Calaf (en abaya !) de Turandot de Puccini a surpris, mais on retient surtout l'admirable prouesse scénique et vocale d'Anna Netrebko. Déchaussée de ses sandales, pieds nus, bouquet de roses baccarat en main, déchaînée, elle se livre à une bacchanale infernale. En une mélodie russe pétaradante telle une danse succube. Le public n'en est pas encore revenu !

Plein les oreilles dans un décor levantin princier. Les mélomanes ont retenu leur souffle comme pour le lever d'une aurore boréale. Une voix pure et cristalline – desservie hélas par une sonorisation agressive – a envahi firmament, longs corridors, vastes salons et arrière-cour d'un palais brusquement tout ouïe, pour imposer silence et recueillement. Anna Netrebko, dans son cortège de...

commentaires (2)

Merci M. Abou Chacra, l'erreur a été corrigée. Bien à vous.

L'Orient-Le Jour

12 h 19, le 28 août 2015

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Commentaires (2)

  • Merci M. Abou Chacra, l'erreur a été corrigée. Bien à vous.

    L'Orient-Le Jour

    12 h 19, le 28 août 2015

  • Veuillez remarquer : petite erreur de frappe : o moi (au lieu de : mio) babbino caro.

    Halim Abou Chacra

    03 h 33, le 28 août 2015

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