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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Entre Pyongyang et Séoul, le nouveau Graal de la « normalité »

« Rien n'est vraiment normal (...). Ce qui serait anormal, c'est qu'ils aient une relation normale », ironise un analyste à propos de l'accord de compromis signé mardi par les deux Corées.

La géopolitique complexe, volatile et parfois surréaliste à l'œuvre entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, qui sont techniquement en guerre depuis 65 ans, est tout sauf « normale ». Mais il semblerait que décider de ce qui est normal, ou pas, va prendre une importance diplomatique de premier plan depuis l'accord de compromis, qui a permis mardi aux deux Corées d'éviter un affrontement dangereux.
Aux termes de cet accord, Séoul a fait taire les haut-parleurs qui diffusaient à plein volume des messages de propagande à la frontière. Pyongyang a exprimé de son côté ses regrets pour l'explosion de mines antipersonnel qui ont mutilé deux soldats sud-coréens. Séoul a également demandé à Pyongyang de s'abstenir à l'avenir de toute provocation et les deux parties se sont accordées sur cette formulation énigmatique : les haut-parleurs resteront silencieux « sauf s'il se produisait un incident anormal ».

Une clause utile ?
Les deux Corées ne sont d'accord quasiment sur rien. Il semble alors improbable qu'elles puissent parvenir à un consensus sur ce qui relève de « l'anormalité » telle que décrite par l'accord. « Rien n'est vraiment normal dans ce contexte. Ce qui serait anormal, c'est qu'ils aient une relation normale », ironise John Delury, professeur d'histoire à l'Université Yonsei de Séoul, spécialiste de la Chine et de la Corée du Nord.
Le ministre sud-coréen de la Défense, Han Min-goo, interrogé sur le sujet par une commission parlementaire, n'a été guère disert. « Plutôt que de définir dès à présent comme anormale une circonstance spécifique, nous utiliserons cette définition lorsqu'une situation précise se produira », a-t-il dit.
Cette clause « d'anormalité » pourrait pourtant avoir son utilité. Séoul savait très bien que Pyongyang ne s'engagerait jamais à éviter toute provocation de manière précise. Mais la Corée du Sud voulait tout de même obtenir une définition dont elle pourrait se servir comme bâton. « Il fallait qu'ils le fassent, ajoute John Delury. Il fallait prendre date (pour l'avenir). C'est peut-être très vague, mais c'est quelque chose qu'ils pourront invoquer. »

Un accord tacite
« La Corée du Sud pourra s'en servir pour avertir qu'elle va rallumer ses haut-parleurs sans avoir à en brandir explicitement la menace. C'est un outil efficace », explique Paik Hak-soon, directeur du Centre d'études nord-coréennes de l'Institut Sejong. Compte tenu de la propension de Pyongyang à la provocation, cet outil pourrait s'user rapidement. « Il va falloir qu'ils en usent avec discernement, commente John Delury. Il y aura de l'anormalité, nous nageons en plein dedans, et si le Sud l'invoque sans cesse, le concept perdra vite de sa valeur. »
Certains responsables estiment que le terme devra être réservé aux cas où des vies auraient été directement menacées. « L'anormalité » pourrait donc définir les incidents frontaliers plutôt que les grandes manœuvres spectaculaires nord-coréennes, entre tirs de fusées ou essais nucléaires.
Pour Choi Kang, vice-président du cabinet d'études Asian Institute à Séoul, c'est à cause de la subjectivité même du terme que le mot « anormal » figure dans l'accord final. « On peut en faire ce qu'on veut, mais entre nous, entre les Corées, je crois qu'il y a un accord tacite sur ce qui pourrait être considéré comme ''anormal'', et c'est important. »

Giles HEWITT/AFP

La géopolitique complexe, volatile et parfois surréaliste à l'œuvre entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, qui sont techniquement en guerre depuis 65 ans, est tout sauf « normale ». Mais il semblerait que décider de ce qui est normal, ou pas, va prendre une importance diplomatique de premier plan depuis l'accord de compromis, qui a permis mardi aux deux Corées d'éviter un...

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