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Nos Lecteurs ont la Parole - Samy KHAYATH

Ça sent les ceausescu...

Bucarest, décembre 1989 : foule immense sous le balcon du palais présidentiel. Ceausescu commence un discours à la langue de bois. Mais pour la première fois de sa longue vie de dictateur, il essuie des huées accentuées qui le rendent muet de stupeur. Muet, mais aussi toujours sourd aux ressentiments de son peuple. Très vite, une insurrection met fin à son règne qui se termine par une exécution spectaculaire du couple roumain le plus haï de Roumanie. La même année tombait le mur de Berlin, et, quelques mois plus tard, commençait l'effritement de l'empire soviétique qui mènera à la dissolution de l'URSS. En trois ans, l'image de l'Europe a changé.
Qui sont les tombeurs de Ceausescu ? Une nébuleuse d'opposants dont on ne connaît rien. Pendant les premiers jours de la révolte, on voit apparaître sur les écrans de télévision des visages inconnus du monde entier, avant que ne se mette en place une nouvelle direction du pays.
Beyrouth, août 2015 : des visages inconnus appellent à une insurrection contre la classe politique libanaise. Pour la première fois dans l'histoire contemporaine du pays, ce ne sont pas des leaders politiques qui haranguent leurs compatriotes pour leur demander de battre le pavé. Et pour cause : c'est bien contre ces dirigeants que la révolte éclate. C'est une nébuleuse de jeunes qui apparaît alors sur le petit écran. Ils ont pour nom Ali, Lina, Mouïne, Paul, Ibrahim, Nawal, Marie, Bilal... Des visages au regard modeste et à l'allure déterminée. De jeunes hommes et de jeunes filles de la société libanaise qui agissent sous le fort heureux label de « Vous puez ! ». Un slogan qui séduit des milliers de Libanais. Aucune langue de bois dans leur discours, mais des revendications sobres, distillées sans recherche de vedettariat, devant un peuple médusé qui se reconnaît parfaitement dans ce ras-le-bol longtemps contenu. Pour la première fois, personne ne cherche à savoir à quelle communauté appartiennent ces jeunes. On le pressent vite, ce sont des compatriotes purs et durs qui représentent toutes les classes de la société libanaise, qui ne demandent rien pour eux et dont le passé, tout aussi inconnu du grand public, ne présente aucune caractéristique propre à la très décriée faune des politiques du pays. C'est pour cette raison qu'on leur fait confiance sans retenue.
Le seul qui comprend de suite qu'un tsunami d'un autre genre va déferler sur le pays, c'est Walid Joumblatt qui s'écrie : « Nous sommes fichus. » Peu importent les revirements qui s'ensuivent, ou les tentatives de récupération politicienne, ou encore l'usage de la force contre les manifestants ; quelque chose a changé dans le pays ; quelque chose qui augure de vrais bouleversements dans le paysage libanais. Et ce « mur de la honte », érigé en quelques heures et dont le président Salam a eu la courageuse initiative d'exiger le démantèlement, aura été, l'espace d'un matin, le témoin éminemment ostensible de la sensibilité patriotique (et artistique) des jeunes manifestants qui l'ont recouvert de joyeux graffitis (malgré un ou deux slogans naïfs à la limite de la bienséance, mais ô combien compréhensibles dans ce climat de révolte populaire).
Nos dirigeants auront tort de ne pas tenir compte de cette nouvelle et surprenante donne. Mais que peuvent-ils faire alors que le peuple les a tous mis dans le même sac... poubelle ?
Les craintes sur l'avenir du pays commencent alors à fuser : si, après la vacance présidentielle, devaient suivre celle du cabinet ministériel et celle du Parlement, où irions-nous ? Qui dirigera le pays ? ... Mais les révolutions ne s'encombrent jamais de ce genre d'appréhensions. À la guillotine, les aristos ! On s'organisera après...
Sans aller aussi loin, force est de constater que l'on ne peut plus ignorer les droits des citoyens exclus, dans leur écrasante majorité, de la gestion de la chose publique. L'effet boule de neige a beau être contenu par un soi-disant parapluie sécuritaire régional et international, le couvercle de la marmite finira bien par sauter un jour. Aux jeunes alors de s'organiser pour assurer la relève, dans l'ordre et la discipline, sans vindicte ni démesure, en laissant à leurs aînés honnis par la société un couloir de sortie sécurisé...
Bientôt émergeront des leaders ; bientôt se mettra en place une peau neuve de dirigeants que l'on souhaite respectueux des revendications légitimes brandies par les manifestants.
Si ce processus réussit, il restera à peaufiner un citoyen libanais nouveau qui ne lâchera plus ses eaux usées sur les pentes des collines, qui ne laissera plus ses ordures dans les aires de pique-nique, qui respectera le code de la route et les permis de construction, les droits des plus démunis ainsi que des femmes battues, des enfants, des handicapés, du personnel de maison, ne massacrera plus tout volatile qui passe dans le ciel du Liban, respectera le droit à la différence de... du... de la... des...
Il n'est pas interdit de rêver.

Bucarest, décembre 1989 : foule immense sous le balcon du palais présidentiel. Ceausescu commence un discours à la langue de bois. Mais pour la première fois de sa longue vie de dictateur, il essuie des huées accentuées qui le rendent muet de stupeur. Muet, mais aussi toujours sourd aux ressentiments de son peuple. Très vite, une insurrection met fin à son règne qui se termine par une...

commentaires (1)

On le pressent vite, yîîîh, ce sont des "compatriotes" purs et durs qui représentent "toutes" les classes de la société ! Touuutes les Claaasses de la société ? En êtes-vous, yâââï, si sûûûr ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 06, le 28 août 2015

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Commentaires (1)

  • On le pressent vite, yîîîh, ce sont des "compatriotes" purs et durs qui représentent "toutes" les classes de la société ! Touuutes les Claaasses de la société ? En êtes-vous, yâââï, si sûûûr ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 06, le 28 août 2015

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