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Économie - Consommation

Imbroglio sur le remplacement des bonbonnes de gaz

Le ministère de l'Industrie a dénoncé les dessous du projet de remplacement du parc libanais de bouteilles de gaz à usage domestique, qui doit bientôt être officialisé par une décision du ministère de l'Énergie et de l'Eau. Retour sur une polémique aux nombreuses implications, en termes de sécurité comme sur le plan financier, pour les consommateurs.

De nombreuses bonbonnes de gaz devraient être retirées du marché en raison de leur état vétuste. Photo PHB

La polémique autour de l'affaire du projet de remplacement des bonbonnes de gaz continue de prendre de l'ampleur. Le ministre de l'Industrie, Hussein Hajj Hassan, a reproché mardi aux professionnels du secteur – importateurs, entreprises de remplissage et distributeurs de bonbonnes – de « jouer sur les peurs » pour tirer le plus grand bénéfice possible du dispositif devant être mis en place à cet égard.

« Cela peut être dangereux »
Le ministre s'adresse ainsi indirectement à Jean Hatem, le président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz, qui regroupe 350 professionnels. Ce dernier indiquait début août que l'entretien des bonbonnes n'était plus assuré par ces derniers depuis plusieurs mois et que nombre d'entre elles étaient toujours en circulation alors que leur état imposait qu'elles en soient retirées. Selon lui, cette décision était motivée par la multiplication des accidents dus à des vices de fabrication ou à des défauts d'entretien, sans pour autant pouvoir fournir de chiffres permettant de mesurer la portée réelle de cette augmentation. « Nous ne pouvons plus supporter les coûts. Nous savons que cela peut être dangereux et nous appelons tous les responsables à accélérer la procédure de remplacement des bonbonnes de gaz », avait-il ajouté.

En janvier dernier, une commission parlementaire, créée un an plus tôt et réunissant les ministères de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Eau et de l'Intérieur, l'institut des normes libanaises (Libnor) ainsi que plusieurs professionnels du secteur du gaz domestique, avait en effet mis en exergue les carences du secteur des bonbonnes de gaz au Liban, pointant par exemple du doigt l'absence de référencement, d'autorité de contrôle ou encore de standards. Dans ses conclusions, la commission dessinait les grandes lignes d'un plan de mise en conformité du parc libanais avec son remplacement sur dix ans par de nouvelles bonbonnes, en fonte ou en plastique. Ce plan doit notamment répondre aux carences du précédent. « La dernière campagne de remplacement s'est avérée plus que lacunaire, comme on peut le constater en observant l'état d'usure ou de détérioration de nombreuses bonbonnes mises sur le marché en 2003, alors que ces dernières sont normalement conçues pour servir pendant 20 ans », explique M. Hatem à L'Orient-Le Jour. « Nombre d'entre elles ne devaient pas être conformes aux normes lorsqu'elles ont été mises en circulation, sans parler de celles défectueuses qui ont été maquillées pour être réutilisées. Vous pouvez par exemple trouver une bonbonne de fabrication italienne sur laquelle on a fixé une poignée produite en Chine, ou un réservoir sur lequel les traces de rouille ont été dissimulées avec de la peinture », ajoute-t-il.

Outre le retard pris dans sa mise en place, cette nouvelle procédure est sujette à de nombreux problèmes. Le premier portait sur l'autorité compétente, parmi les trois ministères représentés dans la commission, pour chapeauter les opérations. Tout en considérant désormais cette question secondaire, M. Hajj Hassan reste convaincu que son ministère aurait dû être chargé de la mise en place de cette campagne, finalement confiée au ministère de l'Énergie et de l'Eau. « La décision ministérielle a déjà été validée par le Conseil d'État et devrait être bientôt publiée au Journal officiel », révèle la directrice générale de l'Institut des normes libanaises (Libnor), Lina Dargham.

Qui paiera la facture ?
Autre problème, la bataille de chiffres qui oppose le ministère de l'Industrie aux professionnels du secteur au sujet de la taille du parc de bonbonnes de gaz domestique en circulation au Liban. « Nous avons estimé (le parc) à approximativement 4 millions d'unités, entre les bonbonnes de 10 kg et celles de 30 kg », détaille une source au ministère de l'Industrie. « Ce résultat a été obtenu en combinant le nombre de foyers libanais répertoriés par le ministère de l'Intérieur – environ 900 000 - et celui des bonbonnes de gaz remplacées lors de la campagne de 2003 – près de 2 millions d'unités. Nous nous sommes ensuite basés sur les statistiques des distributeurs qui évaluaient la hausse du nombre de bonbonnes sur le marché libanais à près de 40 000 unités par an », poursuit-elle. Selon M. Hajj Hassan, les acteurs du secteur – distributeurs, sociétés de remplissage et importateurs – auraient gonflé ce chiffre pour atteindre les 7 millions. Une affirmation qui surprend M. Hatem, qui affirme que son syndicat « partage l'estimation du ministère » et se demande si cette surenchère n'est pas le fait des autres maillons de la chaîne de distribution.

Car le fond de l'affaire concerne sans doute le financement de l'opération de remplacement. M. Hajj Hassan a réitéré, lors d'une conférence de presse vendredi dernier, « (son) désaccord avec toute décision concernant ce dossier qui ferait porter l'intégralité de la charge du renouvellement du parc libanais aux citoyens ». La commission parlementaire préconisait en effet de faire payer le consommateur et tablait sur une augmentation de 1 000 livres libanaises par bonbonne achetée, un surcoût calculé sur une base de 100 livres par kilogramme de gaz.

« L'impact financier de cette mise à jour reste minime dans la mesure où le Liban importe déjà une grande partie des bouteilles de gaz depuis la Turquie ou l'Union européenne, où la production est déjà conforme aux normes », expose, pour sa part, Mme Dargham. La directrice générale de Libnor explique ainsi que « l'essentiel du surcoût est lié à l'opération de remplacement elle-même, notamment en ce qui concerne l'acheminement, le stockage et l'éventuelle destruction des bonbonnes devenues obsolètes. » « Les acteurs du secteur souhaitent, eux, multiplier ce montant par 2,5 », révèle de son côté une source au ministère de l'Industrie.

Pour M. Hatem, il est naturel que le consommateur mette la main à la poche car « c'est lui qui conserve une bouteille de gaz l'essentiel du temps et qu'il peut donc être considéré comme son copropriétaire ». Un avis contesté par Boutros Arbid, le codirecteur de Hideco. Cette société importait 6 % du gaz libanais jusqu'en 2010, avant d'être obligée de suspendre cette activité pour se reporter sur l'importation d'autres dérivés pétroliers. Hideco a néanmoins participé à l'ultime réunion de la commission parlementaire sur le sujet. « Le citoyen ne devrait pas être obligé de verser un centime pour financer le remplacement du parc, qui peut être aisément absorbé par les marges confortables accumulées par les importateurs de gaz depuis des années », avance-t-il.

 

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