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Économie - Liban - Artisanat

Les bijoutiers de Bourj Hammoud s’allient pour briller à l’étranger

Un projet de « cluster » mis en œuvre par l'Onudi doit permettre aux bijoutiers du quartier arménien de Beyrouth de repenser leur production pour mieux résister à une conjoncture difficile.

Les bijoutiers de Bourj Hammoud assurent environ 60 % de la production nationale. CH

« Les Arméniens sont à la bijouterie ce que les Suisses sont à l'horlogerie », dit l'adage. Et les ruelles alambiquées de Bourj Hammoud, où quelque 5 000 artisans, joailliers et vendeurs s'affairent à la tâche, derrière les vitrines des 500 bijouteries du quartier, l'illustrent bien. « Ce quartier est réputé pour sa joaillerie qui fonctionne essentiellement grâce à une forte solidarité et à son esprit communautaire, car toute la chaîne de production est située à Bourj Hammoud », confirme Arpi Mangassarian, directrice de l'association Badguèr, un centre de promotion des artisans et de la créativité à Bourj Hammoud.

Baisse de la demande
Concentration, solidarité et savoir-faire, autant d'atouts qui ont permis à cette industrie d'être retenue par l'organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) pour y créer un projet de « cluster ». Ce terme désigne la concentration d'entreprises et d'institutions travaillant dans un domaine particulier sur un territoire géographique donné. Lancé par l'Onudi, en partenariat avec le ministère de l'Industrie, ce projet s'inscrit dans un programme plus large visant à créer d'ici à 2017 des « clusters » d'industries culturelles et créatives dans sept pays du sud de la Méditerranée, via un financement global de l'Union européenne et de l'Agence de coopération italienne à hauteur de 5,6 millions d'euros. Au Liban, deux clusters ont été retenus, l'un pour l'ameublement à Tripoli, l'autre pour la joaillerie à Bourj Hammoud.
Ce quartier représente à lui seul environ 60 % de la production nationale de bijoux. Avec les métaux précieux, les bijoux représentent toujours le premier poste d'exportation du Liban en 2014, pour une valeur totale de 542 millions de dollars. « Mais la demande régionale, qui absorbe généralement 80 % de la production de Bourj Hammoud, a baissé de 70 % ces dix dernières années. Ce projet a donc pour but de soutenir un secteur qui peine à maintenir la tête hors de l'eau », explique Soha Atallah, coordinatrice de projets à l'Onudi. Et la tendance s'est accentuée ces dernières années : les exportations ont baissé de 23 % en valeur entre 2012 et 2013 et de 28 % entre 2013 et 2014, alors que les volumes n'ont eux baissé que de 11 % en 2014, à 1,86 tonne. Car le secteur est surtout tributaire des fluctuations du marché de l'or et des métaux précieux, dont le prix réel a chuté considérablement depuis 2012, tandis qu'en 2014 la demande mondiale en or a diminué de 18 %, affectant tous les segments du marché, selon un rapport de l'Onudi.
L'association Badguèr, qui coordonne la mise en œuvre du projet sur le terrain, a donc recensé plus de 220 ateliers et points de vente de bijoux qui pourraient être sélectionnés pour la formation du « cluster ». Ce, afin de leur permettre de se repositionner sur un marché international toujours plus concurrentiel. « Sur la scène régionale, la concurrence de Dubaï, ou encore de l'Inde et de la Turquie, est de plus en plus rude », affirme Soha Atallah.

Héritage culturel
Ce repositionnement international suppose de surmonter un certain nombre d'obstacles structurels. D'abord, l'organisation très informelle d'un secteur où la plupart des professionnels ne tiennent même pas de registres. « Ces artisans n'ont généralement pas de compétences en gestion des affaires ou en comptabilité, et pour pouvoir traiter à l'étranger il leur faudra se moderniser à ce niveau », explique Soha Atallah. Autre obstacle, la pénurie croissante de ressources humaines. « La majorité des artisans sont payés à la pièce et subissent des conditions de travail difficiles », constate Soha Atallah. « Les jeunes ne sont plus intéressés par les métiers d'artisans bijoutiers et les cours de formation à ces métiers sont de plus en plus délaissés », déplore Boghos Kurdian, président du syndicat des bijoutiers et des orfèvres. Des séries d'ateliers seront donc organisées pour former les bijoutiers à la gestion d'entreprise, au marketing ou à l'utilisation d'un logiciel de design.
Plus généralement, le projet vise surtout à leur permettre de repenser leur offre à travers une stratégie de vente basée sur la diversification et l'identité des produits, afin de s'adapter aux changements de goût des consommateurs locaux, voire séduire une nouvelle clientèle internationale. « Des rencontres seront organisées entre les commerçants et artisans de Bourj Hammoud et des commerçants et designers européens. Nous espérons d'ailleurs signer un contrat de distribution avec une enseigne européenne », explique Soha Atallah. L'Onudi souhaite en outre créer une collection pour l'été 2016 qui proposera à la fois des pièces haut de gamme et des accessoires plus abordables. Et plutôt que d'affronter les designers étrangers sur leur territoire, quitte à en copier les modèles, les bijoutiers arméniens sont invités à puiser dans leur héritage culturel. À cet égard, l'association Badguèr a organisé une sortie au musée du catholicossat arménien avec un groupe de designers locaux pour qu'ils y trouvent des sources d'inspiration pour leur future collection.

 

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Où était l'ONUDI lorsque "Souk es-Saghas" était à la Place-des-Canons côté ouest avec, à sa tête, les dynasties Moughanni et Mouzannar ? Où était l'ONUDI lorsque Borj-Hammoud détenait le monopole de la fabrication du basturma et du sujuk, spécialités arméniennes par excellence ?

Un Libanais

16 h 29, le 19 août 2015

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Commentaires (1)

  • Où était l'ONUDI lorsque "Souk es-Saghas" était à la Place-des-Canons côté ouest avec, à sa tête, les dynasties Moughanni et Mouzannar ? Où était l'ONUDI lorsque Borj-Hammoud détenait le monopole de la fabrication du basturma et du sujuk, spécialités arméniennes par excellence ?

    Un Libanais

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