Rechercher
Rechercher

Diaspora - Liban-Monde

L’émigré, un partenaire au développement

Riad Saadé, consul honoraire du Chili, intervient au Congrès des jeunes libanais émigrés à Saydet el-Jabal.

Riad Saadé, au centre, entouré de jeunes congressistes d’origine libanaise.

« Le Liban, c'est quoi ? ». Sous ce titre faussement ingénu, Riad Fouad Saadé, consul honoraire du Chili au Liban depuis plus de 40 ans, est intervenu le 24 juillet dernier à l'ouverture du Congrès de l'Union culturelle mondiale de la jeunesse libanaise émigrée à la maison d'accueil Saydet el-Jabal.
Ingénieur agronome bien connu, diplômé de l'Institut national agronomique de Paris, PDG du groupe Les Comptoirs du Levant, une entreprise couvrant le Moyen-Orient et active dans les domaines du développement agricole, de l'industrie agroalimentaire et de l'environnement, Riad Saadé visite le Chili chaque année depuis 1994 et y donne des séminaires sur le Moyen-Orient à l'Académie diplomatique.
Son contact permanent avec l'émigration libanaise l'a familiarisé comme nul autre avec les rapports entre le Liban résident et le Liban émigré. Rejoignant en cela l'un des thèmes centraux de la pensée de Michel Eddé, Riad Saadé pense que l'émigré est un partenaire au développement du Libanais résident, et qu'il n'est pas moins « Liban » que son compatriote résident. Nous reprenons ci-dessous de larges extraits de sa conférence :

Pourquoi rester au Liban ?
« Il y a une vingtaine d'années, alors que Liban traversait une de ses multiples crises politiques, et que la situation économique poussait les jeunes à l'émigration, je fus sollicité d'intervenir auprès d'un groupe de jeunes avocats sur le thème : "Pourquoi devrions-nous rester au Liban" ».
« J'avoue avoir manqué d'arguments logiques et cartésiens dans ma réponse, mais le débat aboutit à nous convaincre de l'importance de poursuivre notre vie dans ce pays.
« Partis le plus souvent par obligation, le Libanais ne cesse jamais de se souvenir de ses racines, de sa famille rapprochée, de son village, de sa communauté religieuse mais également des éléments de culture qu'il a laissés derrière lui. La cuisine, les chants, la dabké ainsi que sa foi religieuse, qu'elle soit chrétienne ou musulmane. Il s'agit principalement d'éléments émotionnels plus personnels que nationaux. En fait le Libanais émigre avec les habitudes et les comportements sociaux qu'il pratiquait au pays. Son impuissance avant l'émigration, d'influencer quoi que ce soit au niveau national libanais, va généralement l'accompagner outre-mer.
« Normalement l'émigré libanais souhaite venir en aide à son pays. Cependant cette volonté va être neutralisée, voire bloquée, chaque fois qu'il entreprendra d'investir au Liban. Car il faut bien comprendre que si les liens affectifs qu'il a gardés avec la mère patrie sont d'ordre émotionnel, l'émigré qui envisage d'entreprendre un projet au Liban ne s'y lancera qu'après en avoir analysé sa faisabilité et s'être assuré de sa rentabilité et de sa durabilité. C'est là que se pose le problème fondamental de la relation entre la métropole et l'émigration.

Se cantonner aux discours
« Tout émigré digne de ses racines libanaises, même s'il y a seulement transité (je pense à certains Arméniens, Syriens, Égyptiens ou Irakiens), souhaite d'une manière ou d'une autre renforcer ses liens avec le Liban. Face à cette réalité, le Liban officiel dans sa quasi-intégralité, le Liban de la société civile dans son immense majorité, ainsi que le Liban des villages et des communes, se cantonnent malheureusement dans des discours et des congrès et ne disposent pas d'un cadre opérationnel et pratique qui faciliterait et encouragerait les investissements des émigrés au Liban.
« Mais où sont donc :
1- Les études sectorielles et géographiques des besoins du Liban ou les émigrés pourraient envisager d'investir de manière lucrative pour eux et bénéfiques pour notre pays ?
2- Les plans d'accueil des capitaux émigrés, à travers des programmes visant à leur faciliter les formalités administratives et à les encourager à s'investir ?
« Divulguerai-je un secret en rappelant le nombre de milliardaires libanais qui se sont présentés plein de bonne volonté et qui ont juré de ne plus envisager la possibilité d'investir au Liban dans les conditions actuelles ?

Finie la fable du « cousin d'Amérique »
« Il est grand temps que le Liban, tout le Liban, officiel, communautaire, celui de la société civile des villages et des municipalités, modifie sa vision de l'émigré et commence à le traiter comme partenaire au développement et non plus comme un cousin d'Amérique, d'Australie ou d'Afrique, source d'une richesse accessible à la suite d'une grande réception officielle et populaire.
« Sans plan de partenariat entre le Libanais de la métropole et celui de l'étranger, n'escomptez pas que les émigrés viendront s'investir au Liban. N'oubliez pas que c'est moins de leur argent qu'il s'agit, que de leurs réseaux relationnels immenses et de leurs capacités à ouvrir les marchés du monde à la production nationale libanaise.
« Un mot au sujet des "émigrés qui vivent au Liban", je veux parler de ceux qui gèrent l'économie libanaise internationale qui a son siège au Liban mais qui ne travaille qu'à l'étranger. Cette économie est en plein essor car le Libanais mondialiste a découvert que le meilleur siège pour ses affaires demeure le Liban. Il y trouve des ressources humaines capables et avides de réussite, il est géographiquement au centre de trois continents en plein essor et il dispose d'une liberté enviable d'opération. Mais surtout, il bénéficie, pour sa tranquillité personnelle, d'un cadre culturel et de qualité de vie inégalés pour sa famille au Liban ( ...) Encore faut-il que les conditions et facilités leur soient assurées par les pouvoirs publics et par la société civile.

Élargir l'horizon
« Jeunes libanais émigrés ou descendants d'émigrés, vous pouvez être fiers de vos racines. Elles sont d'une richesse culturelle inégalée, non seulement ont-elles inventé l'alphabet, mais elles ont constamment prôné la liberté et la convivialité, deux concepts que le monde entier doit découvrir et appliquer pour garantir l'avenir de la planète.
« Le Liban a besoin de vous. Apprenez à le connaître. Pour ceux parmi vous qui ne l'ont pas encore fait, reprenez votre nationalité libanaise et encouragez tous vos parents et semblables en émigration à le faire.
« Que vos rassemblements visent à donner un sens à votre engagement à créer un partenariat entre le Libanais de la métropole et celui de l'outre-mer. Puissiez-vous en association avec les jeunes du Liban œuvrer à travers ce partenariat au changement des mentalités locales exiguës et à élargir les horizons du développement de notre Liban. »

« Le Liban, c'est quoi ? ». Sous ce titre faussement ingénu, Riad Fouad Saadé, consul honoraire du Chili au Liban depuis plus de 40 ans, est intervenu le 24 juillet dernier à l'ouverture du Congrès de l'Union culturelle mondiale de la jeunesse libanaise émigrée à la maison d'accueil Saydet el-Jabal.Ingénieur agronome bien connu, diplômé de l'Institut national agronomique de Paris,...