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À La Une - Europe

De guerre lasse, plusieurs migrants de Calais renoncent à l'Angleterre pour rester en France

Djamal et ses trois amis affirment avoir tenté "toutes les nuits, un mois durant", de franchir l'impressionnante série de barrières et de déjouer la vigilance des policiers.

Dans le quartier soudanais du camp, sorti de terre en quelques semaines à peine, Adam, 26 ans, venu du Darfour, vient de récupérer des palettes afin de terminer sa cabane. AFP / PHILIPPE HUGUEN

"L'Angleterre c'est bien, mais je suis fatigué". Sadam, un Soudanais de 24 ans coincé à Calais, sur la côte française de la Manche, a décidé de faire une demande d'asile en France, mais pour lui comme pour d'autres migrants, davantage par dépit que par réelle adhésion.

Ils sont nombreux en ce vendredi matin à être postés sur le trottoir faisant face à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Offi) dans le centre de la ville, attendant leur tour pour demander l'asile.
"C'est difficile de passer en Angleterre", explique d'une voix lasse Sadam, présent depuis trois mois en France. Les accès aux ferries qui partent du port de Calais, et du tunnel sous la Manche, par où transitent de nombreux camions, font l'objet de mesures de contrôle de plus en plus strictes par la police et la gendarmerie françaises.

Dans la "new jungle", le camp situé à plusieurs km du centre de Calais, et qui compte une bonne partie des 3.000 migrants bloqués dans cette zone côtière, certains ont la même amertume dans la voix. Djamal, jeune Afghan à l'enthousiasme aussi entamé que ses dents de devant, ne veut plus entendre parler de l'Angleterre, et a fait sa demande en France. Ses trois amis et lui, accoudés au comptoir d'une des nombreuses échoppes construites cet été dans le camp-champignon, disent avoir tenté "toutes les nuits, un mois durant", de franchir l'impressionnante série de barrières et de déjouer la vigilance des policiers présents sur le site d'accès au tunnel. Djamal relève le pantalon de son copain Dawlatzal: une large compresse barre son mollet, mutilé par les barbelés. Un autre montre ses plaies aux bras et jambes, au torse... "Et ensuite quand on n'a pas réussi, on doit refaire les deux heures de marche qu'on a fait à l'aller".

 

(Lire aussi : Migrants : l'exaspération monte, Paris et Londres affichent un front commun )

 

Un peu plus loin, Kalim, 28 ans, qui offre volontiers un thé dans son restaurant informel, assure avoir pris la décision de rester en France dès son arrivée. Il explique "aimer les Français" et excuse avec philosophie le gouvernement français, qui doit composer avec "des limitations et ne peut pas donner de maison à tout le monde". Le facteur déterminant pour lui est cependant tout autre: "Quand j'ai vu qu'il y avait des blessés, des morts au tunnel (de neuf à 12 migrants, selon les sources, sont morts depuis le début de l'été, ndlr)... je ne veux pas prendre de risque", confie-t-il.
Dans le quartier soudanais du camp, sorti de terre en quelques semaines à peine, Adam, 26 ans, venu du Darfour, vient de récupérer des palettes afin de terminer sa cabane.

 

Six mois d'attente pour l'asile
Il a eu dès le départ l'objectif de s'installer en France. Mais "quand je suis arrivé à Paris, j'ai vu les gens dans la rue, sans camp organisé, et je suis venu ici à Calais", relate-t-il. C'est une exception, selon Philippe Wannesson, militant associatif depuis des années et auteur du blog "Passeurs d'hospitalité": "rester en France, c'est souvent un choix par défaut, parce qu'on est bloqué". D'autant moins satisfaisant pour les intéressés que les délais leur semblent bien trop longs: "nous devons attendre six, sept mois, on nous dit qu'on nous donnera un logement mais en attendant, qu'est-ce qu'on peut faire?", désespère Djamal.

 

(Lire aussi : L'immigration, principale préoccupation des Européens)

 

Selon la Direction générale des étrangers en France (DGEF), contactée par l'AFP, à Calais les "délais sont plus réduits que pour le reste du territoire et il y a priorisation pour l'accès à l'hébergement", sans davantage de précisions. Maya Konforti, de l'association L'Auberge des migrants, estime que cette accélération du traitement annoncée par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve n'a pas eu d'effet significatif.

"Il y a deux mois, on a donné des papiers à 111 Erythréens en 24 heures. Mais c'était une annonce coup de poing, ils ont fait ça un samedi puis c'était terminé" raconte celle que les migrants appellent affectueusement "Mama". "Le traitement s'est accéléré", tempère M. Wannesson. "On met plutôt moins de six mois que plus".
Mais le militant dénonce la tendance à ce que la "new jungle" devienne "un bidonville servant de stockage aux demandeurs d'asile".

 

 

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