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Moyen Orient et Monde - Analyse

Netanyahu lutte-t-il réellement contre l’extrémisme juif ?

Élias Sanbar, ambassadeur de Palestine à l'Unesco, et Thomas Vescovi, chercheur en histoire contemporaine et auteur, analysent le cadre de l'action du gouvernement israélien suite aux actes terroristes commis par des extrémistes juifs dans les colonies de Cisjordanie.

Affrontements entre Palestiniens et forces de sécurité israéliennes après les funérailles de Saad Dawabcheh, le 8 août 2015. Jaafar Ashtiyeh/AFP

Depuis quelques jours, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, semble avoir accentué la pression sur les extrémistes juifs, en qualifiant d'« actes terroristes » l'incendie criminel du 31 juillet en Cisjordanie, dans lequel un bébé de 18 mois a été brûlé vif, ainsi que l'agression meurtrière d'une manifestante juive à Jérusalem lors d'un défilé de la Gay Pride. C'est suite à ces deux affaires, qui ont provoqué une tempête médiatique et scandalisé l'opinion publique internationale, que pour la première fois l'application des détentions administratives aux extrémistes juifs, mesure d'exception normalement réservée aux Palestiniens permettant la détention sans inculpation pendant une période de 6 mois renouvelable, a été approuvée. Dimanche, après le décès du père Saad Dawabcheh qui a succombé à des brûlures au troisième degré sur la quasi-totalité du corps, les auteurs de l'incendie criminel contre la maison de la famille Dawabcheh dans le village de Douma, ainsi qu'une dizaine de suspects ont été placés en détention administrative et relâchés le lendemain.

 

(Pour mémoire : Israël promet la "tolérance zéro" face aux extrémistes juifs)


L'attitude des autorités israéliennes dans cette campagne lancée contre le terrorisme n'est pas sans rappeler le précédent de l'été 2014. L'assassinat de Mohammad Abou Khdeir, un adolescent palestinien contraint de boire de l'essence et brûlé vif par trois colons israéliens du groupuscule « Prix à payer », avait contraint le gouvernement Netanyahu à temporiser en expliquant que ces meurtriers devaient être mis au ban de la société israélienne.
Pourtant, ces actes, que les autorités veulent confiner à l'extrémisme isolé d'une frange précise, sont encouragés par une politique de colonisation tous azimuts menée par le gouvernement qui peu avant le drame du 31 juillet venait d'annoncer la construction de 300 nouveaux logements en Cisjordanie. L'un des auteurs de l'incendie criminel, Meïr Ettinger, est parfaitement connu des services de police israéliens. Le petit-fils de l'ancien rabbin Meïr Kahane est soupçonné d'être à la tête d'un groupuscule, auquel serait attribué notamment l'incendie du 18 juin 2015 de l'église de la Multiplication des pains sur les bords du lac Tibériade, au nord d'Israël. Placé sous surveillance pour des propos qui représentaient une menace pour la sécurité, il n'a jamais pourtant été inquiété.

 

« On croirait qu'ils rêvent toutes les nuits qu'un colon va venir les tuer »

 

Motivations politiques
Ces condamnations sporadiques du gouvernement israélien relèvent surtout d'une stratégie politique interne, selon Thomas Vescovi, chercheur en histoire contemporaine et auteur de La mémoire de la Nakba en Israël, Le regard de la société israélienne sur la tragédie palestinienne. « Benjamin Netanyahu a constitué une coalition politique entre les libéraux du Likoud et les colons religieux. Par cette opération de communication, le Premier ministre israélien cherche à calmer les ardeurs des plus extrémistes en les pointant du doigt. Il tente d'avoir de l'ascendant sur les colons. Mais il ne faut pas se leurrer : la gauche, comme la droite israélienne ont toujours utilisé les colons comme avant-garde du colonialisme. Leurs actes sont récurrents. S'ils ont dépassé les bornes, c'est parce que la presse en a parlé », dit-il.
Cet avis rejoint celui d'Élias Sanbar, ambassadeur de Palestine à l'Unesco, qui met en garde contre l'illusion que peut entraîner la stratégie discursive du gouvernement israélien et son exploitation médiatique, sans qu'elle n'implique des mesures concrètes de répression. « Il ne faut pas confondre la condamnation formelle et les actes. Dans les faits, aucune décision n'a été prise pour arrêter et inculper les auteurs de ces crimes, ceux que l'on a arrêtés ont été relâchés. Il s'agit d'une condamnation de circonstance. C'est tout le problème d'un gouvernement qui adhère en théorie et en pratique à la colonisation et fournit aux colons toutes les occasions d'agir dans l'impunité la plus totale », explique Élias Sanbar. Si ces actes de terrorisme sont banalisés et directement encouragés par la politique de colonisation, ils ne seront pas pour autant le symptôme d'une radicalisation de l'ensemble de la société israélienne.

 

L'état de la société
M. Vescovi rappelle que, depuis quelques années, la dérive ultranationaliste et religieuse est un fait palpable, la société israélienne étant clivée entre ces groupes religieux et une société civile laïque qui n'en est pas moins sioniste. « La gauche sioniste considère également qu'Israël est l'État du peuple juif, elle est contre le démantèlement des colonies, revendique Jérusalem comme capitale, etc., mais elle est cependant antireligieuse. La gauche israélienne est tout autant que la droite en faveur de la colonisation, et des opérations d'agression contre Gaza ont déjà été menées quand cette gauche était au gouvernement », note M. Vescovi.


En revanche, pour Élias Sanbar, il existerait un clivage idéologique réel au sein de la société israélienne. « Elle a développé en son sein le " cancer " de la colonisation dont elle ne peut se défaire qu'au prix d'une guerre civile. La société israélienne est confrontée à un choix qu'elle ne pourra pas ignorer. Pour mener une politique contre la colonisation, c'est dans une véritable guerre civile qu'il faudra se lancer. Elle tente d'éloigner ce spectre mais ne fait qu'en retarder l'échéance. En attendant, nous continuerons à assister à ce déferlement de violence et d'actes que l'on ne peut que qualifier de barbares », estime M. Sanbar.
Les manifestations de milliers d'Israéliens intervenues dans ce contexte ne peuvent constituer un indicateur de la prise de conscience d'une société sur la nature du mal qui la gangrène. Pour Thomas Vescovi, il est encore trop tôt pour définir le sens de cette mobilisation. « En 1982, quand la presse avait parlé des massacres de Sabra et de Chatila au Liban, il y a eu 400 000 manifestants à Tel-Aviv. Cette mobilisation a donné naissance au mouvement qui a servi de prémices aux négociations d'Oslo. Mais il ne faut pas se satisfaire de ce qu'on voit ou lit dans les médias, qui répond à l'émotion du moment. Il faut voir dans quelle direction ira ce mouvement, et si les Israéliens seront capables un jour de renoncer au privilège juif », conclut Thomas Vescovi.

 

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Depuis quelques jours, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, semble avoir accentué la pression sur les extrémistes juifs, en qualifiant d'« actes terroristes » l'incendie criminel du 31 juillet en Cisjordanie, dans lequel un bébé de 18 mois a été brûlé vif, ainsi que l'agression meurtrière d'une manifestante juive à Jérusalem lors d'un défilé de la Gay Pride. C'est...

commentaires (2)

Mais non ! Il n'est quand même pas con !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

12 h 51, le 13 août 2015

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Commentaires (2)

  • Mais non ! Il n'est quand même pas con !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 51, le 13 août 2015

  • DE LA POUDRE AUX YEUX !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 33, le 12 août 2015

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