Rechercher
Rechercher

Liban - Décryptage

Un semi-coma institutionnel

C'était sans doute l'affaire de trop ! Pendant toutes ces années, les Libanais ont avalé toutes les couleuvres noyées dans le jus confessionnel et partisan. Ils ont accepté d'être privés de courant électrique aux périodes les plus chaudes, d'eau pendant les canicules et de leurs droits élémentaires à tous les niveaux, jusque dans le code de la route où ils risquaient leur vie s'ils osaient protester contre un comportement de chauffard. Ils ont aussi subi l'impunité chronique des voyous protégés. Mais là, c'était quand même trop. Que la crise dite des déchets soit le résultat d'années de négligence, de fausses promesses, d'un manque total de vision et de prévision, et d'un règlement de comptes au sein d'un même camp ou entre le courant du Futur et Walid Joumblatt ne cache pas le fait qu'elle met en avant un régime à bout de souffle, ayant épuisé toutes ses ressources et celles du peuple, et désormais incapable d'inventer des solutions durables et efficaces.

De blocage en replâtrage, de paralysie des institutions en laisser-aller et solution de facilité, le système actuel est au bout du rouleau. Ni élections législatives, ni élection présidentielle, ni nominations administratives, ni décisions importantes, la faillite est quasi totale, la violation des lois et de la Constitution est quasi quotidienne alors que la classe dirigeante n'a d'autres programmes que celui de se maintenir au pouvoir avec son système de privilèges, faisant feu de tout bois, et n'hésitant pas à utiliser les fibres confessionnelles pour étouffer une protestation populaire éventuelle.

Le gouvernement de Tammam Salam n'est certes pas responsable de l'état actuel du pays et des institutions étatiques, mais il a le malheur d'être là à une période transitoire et confuse, et surtout d'avoir été formé dans un contexte qui a changé. L'équation régionale et internationale qui a régi la situation au Liban pendant toutes ces années et qui a donné naissance au gouvernement Salam n'est plus valable aujourd'hui. Selon le mot d'un diplomate occidental, c'est comme une application périmée qui attend le téléchargement de la nouvelle version. Mais cette nouvelle version se fait attendre, et, pendant cette période incertaine, aucune décision de fond n'est possible. Même la démission du gouvernement n'est pas possible, à la fois pour des raisons politiques et techniques. Politiquement, toutes les parties locales, régionales et internationales sont convaincues qu'il vaut mieux maintenir ce gouvernement en place, même pour la forme, ne serait-ce que pour éviter le vide total au niveau des institutions. Techniquement, la situation est encore plus difficile : le Premier ministre peut annoncer sa démission et celle de son gouvernement, mais l'acceptation qui doit se faire dans le cadre d'un décret présidentiel ne peut pas se concrétiser, car, en l'absence d'un président, les 24 ministres doivent signer ce décret pour qu'il soit légal. Or on voit mal les 24 ministres s'entendre sur une telle décision.

Pour cette double raison, le suspense jusqu'à la réunion ministérielle d'aujourd'hui reste limité. Au pire, les ministres se disputeront et le Premier ministre sera obligé de lever la séance sans en convoquer une autre dans les semaines qui viennent. Au mieux, les ministres discuteront dans le calme, sans parvenir à une entente sur aucun des dossiers brûlants. D'autres réunions auront lieu sur le même modèle, un peu comme les rencontres des membres d'un club de retraités, forts en prose, mais n'ayant aucun pouvoir de décision. Même au sujet des nominations militaires pressantes, notamment celle du chef d'état-major, une entente semble le scénario le moins probable, alors que le recul de l'âge de la retraite, donc le maintien en place de l'actuel chef d'état-major, paraît acquis, accentuant encore plus le clivage politique du pays.

Comme l'a déclaré le président de la Chambre, les forces politiques qui tiennent les rouages du pouvoir ne sont plus capables de trouver des ententes et de parvenir à des solutions. C'est pourquoi il va falloir attendre que se précise le nouveau schéma régional pour que le Liban puisse être placé sur les rails des solutions. Et ce schéma reste tributaire du nouveau partage des zones d'influence dans la région, entre l'Arabie saoudite, l'Iran et la Turquie, sous la houlette américaine et russe. Malheureusement, les parties en présence au Liban sont devenues otages de leurs positions – et des parties régionales qui les dictent – et elles ont été incapables de faire des concessions pour épargner le pays et le peuple. Ce qui fait qu'aujourd'hui tous les dossiers internes attendent les développements régionaux. Après la guerre, il y a eu Taëf, un accord saoudo-syrien sous parrainage américain ; après le 7 mai 2008, il y a eu Doha sous parrainage qataro-américain ; et après la faillite des institutions, il y a aura une autre réunion dans laquelle l'Iran sera un partenaire incontournable. Mais il faudra pour cela que les Saoudiens et les Turcs acceptent l'idée de partager leur influence avec la République islamique. D'ici là, le Liban restera dans un semi-coma institutionnel.

 

Lire aussi
Conseil des ministres : une solution médiane est envisagée

C'était sans doute l'affaire de trop ! Pendant toutes ces années, les Libanais ont avalé toutes les couleuvres noyées dans le jus confessionnel et partisan. Ils ont accepté d'être privés de courant électrique aux périodes les plus chaudes, d'eau pendant les canicules et de leurs droits élémentaires à tous les niveaux, jusque dans le code de la route où ils risquaient leur vie s'ils...

commentaires (11)

Ras le bol de cette situation qui perdure. Des couleuvres on en avale depuis 50 ans. Au gouvernement ce sont les mêmes noms de famille, la politique de père en fils, et ça ne changera pas. Aucun pays respectable au monde accepte de vivre sans eau, électricité, infrastructures minables, et à présent le problème des ordures ménagères et une economie qui ne fait que chuter. Et tout cela pour garnir les poches de nos chers responsables. Quand est ce que cette léthargie va s'arrêter? Quand est ce que les citoyens vont dire basta à cette racaille? Ras le bol.

El Asmar Claudia

00 h 19, le 06 août 2015

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • Ras le bol de cette situation qui perdure. Des couleuvres on en avale depuis 50 ans. Au gouvernement ce sont les mêmes noms de famille, la politique de père en fils, et ça ne changera pas. Aucun pays respectable au monde accepte de vivre sans eau, électricité, infrastructures minables, et à présent le problème des ordures ménagères et une economie qui ne fait que chuter. Et tout cela pour garnir les poches de nos chers responsables. Quand est ce que cette léthargie va s'arrêter? Quand est ce que les citoyens vont dire basta à cette racaille? Ras le bol.

    El Asmar Claudia

    00 h 19, le 06 août 2015

  • Sous la houlette de l'ETAT LIBANAIS UN POINT À LA LIGNE !!! A revez pas trop

    Bery tus

    16 h 24, le 05 août 2015

  • La situation est tellement pourrie qu'on n'a plus qu'a faire appel aux forces de résistance pour nous ramener l'ordre et la paix . Il n'y a pas d'autres solutions , tous les chiites , chrétiens sunnites druzes et j'en passe , faisant partie des forces des résistances ou affiliées à elles , sous la houlette du hezb résistant prennent les choses en main et rompent avec le passé corrompu des dirigeants encore en place ! Je ne m'inquiète pas plus que ça , we will soon get there ! wait and see !

    FRIK-A-FRAK

    13 h 41, le 05 août 2015

  • Quinze mois de blocage pour arriver à dire "ni élections législatives, ni élection présidentielle". J'arrive à la conclusion suivante : Il est plus facile à un dinosaure de passer par le chas d'une aiguille qu'à l'anticonsensuel Michel Aoun de reprendre le trône de Baabda. Passons à autre chose.

    Un Libanais

    12 h 43, le 05 août 2015

  • Il ne nous reste plus que le coup d’état militaire. L’armée prend le pouvoir pour 4 mois, impose l'application de la constitution telle quelle mais injectée de quelques amendements nécessaires qui ne permettra plus aux partis de se la couler douce et entraver l'action des institutions, comme la clarification du système de vote au sein du gouvernement comme au sein du parlement pour tout vote quel qu’il soit. Donnera plus de prérogatives au President, imposera une nouvelle loi législative, organisera les élections sur cette base, les élections Présidentielles aussi et la république est sauvée. Je doute que qui que ce soit osera lui en vouloir même si certaines décisions ferons ombrages au deux camps. Tant pis pour eux!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 41, le 05 août 2015

  • Un pays qui vit a l ombre des dossiers régionaux Qui est en éternelle attente que les autres s entendent entre eux . Esperer qu un dossier soit réglé ou poireauter jusqu'à l élection d un nouveau président d un pays puissant , un pays qui vit a la traine pour qu'enfin on se retourne pathétiquement vers lui .libanais défaitistes qui osent parler d indépendance , ( de koullouna , comme le dit si bien Gaby Nasr) C est ça la honte .

    Hitti arlette

    09 h 12, le 05 août 2015

  • "Ce qui fait qu'aujourd'hui tous les dossiers internes attendent les développements régionaux. Après la guerre, il y a eu Taëf, un accord saoudo-syrien sous parrainage américain ; après le 7 mai 2008, il y a eu Doha sous parrainage qataro-iranien sous parrainage américain ; et après la faillite des institutions, il y a aura une autre réunion dans laquelle l'Iran sera officiellement mis sur la touche. Mais il faudra pour cela que les Iraniens acceptent cet état de fait et cette nouvelle réalité. D'ici là, le Liban restera dans un semi-coma institutionnel et à la merci d'une confrontation chïïto-sunnite sur son sol cette fois-ci au lieu que ça soit seulement sur le sol de sœur- syrie. Yâ hassirtîîîh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 08, le 05 août 2015

  • SUPERBE ANALYSE OBJECTIVE TRÈS CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD. MAIS QUE LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DÉCLARE QUE S'IL N'Y A PAS ENTENTE ENTRE TEHERAN ET RIYAD IL N'Y AURA POINT AUSSI CHEZ NOUS C'EST LE COMBLE ! IL FAUDRAIT DEMANDER AUX NATIONS UNIES DE NOUS METTRE SOUS TUTELLE... FRANçAISE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 53, le 05 août 2015

  • Scarlett, j’ai lu votre article et je m’empresse d’ajouter ces quelques mots. Dans cette misérable affaire qui réunit une dizaine de groupes de joueurs différents, des « générateurs de déchets »que sont les citoyens, jusqu’à ceux qui sont charges de les ramasser, les trier, et les traiter, sans parler des municipalités et d’autres qu’il serait trop long de citer, nous faisons mine d’oublier l’arbitre qui est supposé régler le jeu. Le Ministère de l’Environnement. Qu’attendons-nous pour le laisser agir, réunir tous les représentants des parties au conflit et élaborer des mesures d’urgence et d’autres à plus long terme ? Le temps presse. Plus nous tergiversons, plus nous reculons.

    George Sabat

    07 h 48, le 05 août 2015

  • comme quoi ya jame3a vous n'avez de salut que par la republique islamique quoi !! deja avec ce qu'on a, on en a pardessus le dos faut il vraiment en rajouter encore ?!?! lol

    Bery tus

    05 h 49, le 05 août 2015

  • "Il va falloir attendre que se précise le nouveau schéma régional pour que le Liban puisse être placé sur les rails des solutions". Que les grandes figures, c'est à dire les marionnettes de cet Etat fantoche aillent attendre en enfer les instructions de leurs maîtres. Au diable eux-mêmes et le "salut" que leurs mensonges nous promettent depuis tant de temps.

    Halim Abou Chacra

    05 h 37, le 05 août 2015

Retour en haut