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Économie - Liban - Focus

Tourisme médical : radiographie d’un filon que le Liban peine à exploiter

Pionnier sur le marché régional des soins, le Liban cherche depuis des années à renforcer son attractivité en matière de tourisme médical. Mais de nombreux handicaps pourraient compromettre cette ambition...

Pour attirer les patients étrangers, le secteur hospitalier libanais peut notamment compter sur des ressources humaines nombreuses et bien formées. Niyazz/Bigstock

« Le Liban est, et a toujours été depuis les années 1970, l'hôpital du Moyen-Orient » déclarait, en octobre dernier, le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, lors du 9e congrès mondial du tourisme thérapeutique à Dubaï. Dès lors, pourquoi ne pas transformer ce legs historique en remède à la crise économique qui frappe le pays ?
L'idée n'est pas neuve – elle a par exemple été exposée dans un rapport publié en 2009 par l'Autorité de développement des investissements au Liban (Idal) – mais tarde à se concrétiser pleinement. Et ce alors même que la mondialisation du marché des soins ne cesse de s'accentuer : « Le nombre de patients qui se rendent à l'étranger pour recevoir des soins aurait doublé en cinq ans, passant de 7,5 millions en 2007 à 16 millions en 2012. Ce marché mondial est aujourd'hui estimé à 60 milliards d'euros », estime le « think tank » France Stratégie dans une note publiée en mars dernier.

Changement de la demande
Le secteur médical libanais possède depuis longtemps des atouts indéniables pour se positionner sur ce marché. D'abord, la densité et la qualité de ses ressources humaines. Selon le rapport d'Idal, le pays compte 35 médecins par 1 000 habitants, alors que la moyenne mondiale est de seulement 14 ‰. « Le Liban compte beaucoup de médecins bien formés, spécialement pour les soins avancés en cardiologie, en chirurgie et neurochirurgie et en traitements oncologiques », ajoute le Dr Mounes Kalaawi, cofondateur et directeur général de l'hôpital Clemenceau. Ensuite, une certaine compétitivité prix, en particulier face aux pays développés. « Les tarifs des soins au Liban sont de 50 % à 60 % moins chers qu'en Europe », affirme Sleiman Haroun, président du syndicat des hôpitaux privés au Liban.
De fait, le Liban fait figure de précurseur en la matière : en 2005, le Liban accueillait environ 10 % de patients étrangers, soit 235 000 patients – majoritairement issus des pays du Golfe –, selon le rapport d'Idal. Or, du fait de la conjoncture politico-sécuritaire, « cette demande est en recul depuis 3 ans. Et le taux d'occupation des hôpitaux n'excède pas les 65 %, nous avons donc la capacité d'accueillir au moins 200 000 malades étrangers par an, ce qui pourrait représenter 1 milliard de dollars », déplore M. Haroun. « Depuis le début de la crise syrienne, la demande des ressortissants du Golfe en chirurgie esthétique a baissé de 50 % », confirme Nabil Hokayem, président de la Société libanaise de chirurgie esthétique.

Si elle a fait fuir les riches patients du Golfe, la situation politico-sécuritaire, régionale cette fois, a aussi entraîné un changement de profil au sein de la demande étrangère. « Les réfugiés syriens et irakiens représentent désormais 30 % du total de nos patients », témoigne Georges Maroun, directeur de l'Hôpital Maroun. « Quelque 10 % de nos patients viennent d'Irak se faire soigner pour des maladies chroniques, des cancers ou suivre des soins de dialyse », confirme Georges Khalil, directeur administratif de Patient Health Care, qui fournit des soins médicaux à domicile.
Et cette mutation humanitaire du tourisme médical impacte naturellement les perspectives de facturation des prestations ; même si la solvabilité de ces nouveaux patients est en partie garantie. « Pour les personnes souffrant de maladies graves ou pour les femmes prêtes à accoucher, nous assumons, en coordination avec le ministère de la Santé, 75 % du coût total de l'hospitalisation au sein des hôpitaux publics et privés. Chaque mois, 2,5 millions de dollars sont ainsi consacrés à ce type de soins », explique Dana Sleiman, responsable des relations publiques au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Du coup, quelques hôpitaux n'hésitent pas à miser résolument sur ce nouveau créneau : « Nous sommes en pourparlers avec des ONG irakiennes pour mettre en place des contrats nous permettant d'attirer davantage de patients de ce pays », indique par exemple Fady Farran, directeur des affaires médicales de l'Hôtel-Dieu.

« Package deals »
Au-delà de la conjoncture, le Liban doit aussi faire face à une concurrence régionale de plus en plus acharnée. Jadis pourvoyeurs de patients, les pays du Golfe dépensent désormais des sommes colossales pour développer leurs infrastructures hospitalières. « Comme ces pays manquent de personnel qualifié, ils n'hésitent pas à débaucher de nombreux médecins et infirmiers libanais, en proposant des salaires plus élevés. Mais la Jordanie reste notre premier concurrent dans la région. Ils ont développé leurs infrastructures et offrent des facilités aux touristes médicaux comme des "package deals" qu'ils proposent en partenariat avec des agences de voyages », explique M. Haroun.
Une formule déjà expérimentée au Liban dans le domaine de la chirurgie esthétique, où de nombreuses cliniques privées proposent déjà leurs « package deals », certaines possédant même leurs propres hôtels. Ces initiatives privées inspirent d'ailleurs les pouvoirs publics, qui ont pris conscience que le pays ne peut résolument prendre le risque de sortir du circuit.

« Il est vrai que le Liban ne propose pas encore ce type de "package deals" reposant sur une collaboration étroite entre des agences de voyages et des hôpitaux. Le prochain congrès mondial du tourisme médical, qui se tiendra en septembre à Dubaï, sera donc l'occasion de définir une véritable politique publique en la matière avec le ministre de la Santé et tous les acteurs du secteur – hôpitaux, syndicats et ONG – pour mieux exploiter le fort potentiel du pays en matière de tourisme médical », indique M. Pharaon à L'Orient-Le Jour. Une perspective qui enthousiasme Sleiman Haroun, qui ajoute néanmoins : « En attendant, il faudra pouvoir garantir une certaine stabilité sécuritaire et commencer par ramasser les poubelles... »

 

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commentaires (1)

Pour attirer les patients etrangers...il suffit de facturer juste un forfait journalier....comprenant tous les soins..le sejour...et les honoraires des medecins..comme cela le malade saura combien le sejour va le couter et ne sera plus a la merci des voyous..

Houri Ziad

15 h 53, le 02 août 2015

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Commentaires (1)

  • Pour attirer les patients etrangers...il suffit de facturer juste un forfait journalier....comprenant tous les soins..le sejour...et les honoraires des medecins..comme cela le malade saura combien le sejour va le couter et ne sera plus a la merci des voyous..

    Houri Ziad

    15 h 53, le 02 août 2015

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