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Liban - Crise

Un débat stérile de quatre heures en Conseil des ministres

Incertitudes autour d'une prochaine réunion du gouvernement.

Hier en Conseil des ministres, un débat stérile de quatre heures. Photos Ibrahim Tawil

« Je n'ai rien compris », n'a pu s'empêcher de lancer spontanément le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, à la journaliste qui venait de l'interroger sur les débats en Conseil des ministres, hier, alors que la séance venait d'être levée. La réunion que le gouvernement a tenue en matinée a été comparée à une tour de Babel.
Quatre heures durant, alors que les Libanais attendaient désespérément une solution quelconque à la crise des déchets ménagers, le Conseil des ministres s'est embourbé dans un débat stérile dans lequel l'écologie et le politique se sont mélangés. Il a été question pêle-mêle de déchets, de partenariat national, de mécanisme de décision, d'échéances financières... Un débat qui a pris fin sans résolution aucune et sans qu'une date ne soit fixée pour une autre réunion. Même à ce niveau, le cafouillage a été total. Le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, a répondu par l'affirmative à la journaliste qui lui demandait si un Conseil des ministres était prévu jeudi prochain. La réponse de sa collègue des Affaires des déplacés, Alice Chaptini, à la même question était, elle, négative.

Durant la séance, le chef du gouvernement, Tammam Salam, a laissé entendre que si ce rythme se poursuit, un Conseil des ministres sera inutile. Il avait pourtant essayé d'orienter les débats dès l'ouverture de la réunion. Dans son intervention habituelle avant le début des discussions, il a tenté d'expliquer pourquoi il est important de transcender les conflits politiques, en montrant que l'unanimité pour la prise de décision était devenue un facteur de blocage. Mais ses propos sont tombés dans l'oreille d'un sourd, le groupe des ministres frondeurs ayant jugé, pour toute réponse, que « le partenariat national ne peut pas être sélectif »...
M. Salam avait pourtant insisté dès le départ sur le fait que trois dossiers ont besoin d'être réglés urgemment. Le premier est bien entendu celui des déchets « qui peut être résolu d'autant que des sites pour l'aménagement de décharges existent, pour peu que les tiraillements cessent ». Il a fait état de tractations qui se déroulent « tantôt publiquement, tantôt dans le secret, sans aboutir », dénonçant des « susceptibilités, des divergences de vues, des promesses non tenues, des surenchères négatives, des atteintes au Conseil des ministres et aux responsables ». « L'État est devenu l'otage d'une anarchie et de pratiques anormales. Si cette situation n'est pas réglée, le dossier des déchets s'aggravera. Nous n'avons d'autre choix que de briser ce cercle vicieux et de régler nos différends », a martelé Tammam Salam.

(Lire aussi : Le ramassage reprend, mais la solution d'urgence se fait toujours attendre)

Des accords en suspens
Il s'est ensuite attardé sur les échéances financières de l'État : « Un grand nombre d'accords et de dons attendent d'être débloqués par la signature de décrets en Conseil des ministres : un projet de développement pour la Békaa-Ouest, d'une valeur globale de 32 millions de dollars, un autre concernant les réfugiés syriens (27 millions de dollars), un troisième scientifique et sportif (1,2 million de dollars), un projet hydraulique de développement durable (20,9 millions de dollars)... Quant aux accords de prêts, ils s'élèvent à 142 millions de dollars, sans oublier les échéances des euro-obligations, les salaires des fonctionnaires, les sommes dues à la compagnie aérienne Imperial Jet », pour ne citer que cela, a affirmé le chef du gouvernement, qui a abordé en troisième lieu la question du mécanisme de prise de décision en Conseil des ministres. Il a rappelé dans ce contexte que c'est l'entente qui avait été adoptée à la base avant de céder la place à l'unanimité « devenue un facteur de blocage ». M. Salam a rappelé toutes les anomalies de comportement qui ont paralysé son équipe avant de souligner que l'impasse semble persister et que « dans ce cas, toutes les options sont ouvertes ».

Après avoir exprimé sa solidarité avec Rachid Derbas, dont la voiture avait été attaquée lundi, place Riad el-Solh, par des manifestants en colère, le chef du gouvernement a exprimé le souhait que les points de vue soient avancés sans provocation,« sinon nous serons contraints de nous adresser aux médias et de recourir à ce qui est de nature à satisfaire nos partisans », a-t-il dit, menaçant ainsi de recourir lui aussi aux méthodes démagogiques.

 

(Lire aussi : Joumblatt répond avec ironie au « Akhbar » : Que chaque communauté et chaque parti ouvre une décharge)


Les ministres Akram Chehayeb et Sejaan Azzi ont tous deux insisté sur la nécessité de dissocier les dossiers politique et écologique, avant que leur collègue Achraf Rifi ne dénonce l'attaque contre M. Derbas et le jet de sacs de poubelles devant les domiciles de Tammam Salam et Fouad Siniora. « Si quelqu'un croit pouvoir nous imposer un président à travers un deuxième 7 Mai (en allusion aux événements du 7 mai 2008), il se trompe », a-t-il averti, avant de se demander si tout ce qui se passe ne serait pas l'effet de l'accord sur le nucléaire entre l'Iran et la communauté internationale.

Cette intervention a permis au ministre Hussein Hajj Hassan de rendre hommage de nouveau au Premier ministre et de rebondir sur la question du mécanisme de prise de décision. « Nous apprécions votre patience. Nul ne peut vous envier pour ce qui se passe dans le pays », a-t-il dit au chef du gouvernement et il s'est demandé qui peut être responsable du blocage du Conseil des ministres : « celui qui réclame un droit ou celui qui refuse de lui accorder ce droit ? Nous réclamons un partenariat national qui est la solution aux problèmes qui se posent. Une partie politique veut qu'on s'associe à elle pour régler le problème des ordures mais n'accepte pas l'association dans d'autres sujets », a-t-il déploré avant de s'interroger sur le point de savoir pourquoi les incinérateurs, prévus du temps de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, n'ont pas été construits.
Il a aussi répondu à M. Rifi en estimant que les jeunes qui ont jeté des sacs de déchets devant les domiciles de MM. Tammam et Siniora « n'appartiennent pas forcément à Amal ou au Hezbollah, même s'il est vrai qu'ils sont chiites ». « Il est vrai qu'il existe un conflit au sein du gouvernement mais nous sommes attachés à celui-ci beaucoup plus que vous ne le pensez », a ajouté le ministre de l'Industrie.

« Ils se sont opposés à un renouvellement du contrat de Sukleen mais ils ont perdu », a commenté ensuite ironiquement le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, avant que le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, ne mette l'accent sur l'ampleur du problème et son impact « catastrophique » pour le Liban, puis de proposer comme solution l'envoi des déchets, à travers les ports du Liban, aux États qui s'en servent. M. Pharaon a aussi relevé qu'une solution définitive devrait inclure un déplacement de l'usine de tri de La Quarantaine « car il n'est pas normal de maintenir en place une usine qui a été construite il y a des années pour une durée déterminée et avec une capacité de base qui correspond à la moitié de ce qu'elle accueille actuellement ».

M. Bassil devait enchaîner de nouveau sur la question du partenariat dans le dossier des déchets. « Comment peut-on participer aux résultats alors qu'on n'a pas pris part à la décision ? » s'est-il étonné, en imputant la responsabilité de ce qui se passe aux administrations. « Le partenariat n'est pas sélectif et une des causes de tous les problèmes politiques est l'absence de partenariat. Nous voulons aider, mais nous n'acceptons pas de politique des deux poids deux mesures », a-t-il ajouté.
Le débat s'est poursuivi autour des sites qui peuvent être sélectionnés pour les décharges parmi les carrières désaffectées. Il s'est terminé sans rien donner, ce qui a fait dire au ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk : « Nous avons six mois difficiles au plan écologique en perspective. »

Résultat de ce débat dans tous les sens : le décret de promotion d'officiers et d'élèves officiers n'a pas pu être signé parce qu'il n'a pu recueillir que la signature de 17 ministres. La réunion a été levée sans que la date d'une autre ne soit fixée.

 

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« Je n'ai rien compris », n'a pu s'empêcher de lancer spontanément le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, à la journaliste qui venait de l'interroger sur les débats en Conseil des ministres, hier, alors que la séance venait d'être levée. La réunion que le gouvernement a tenue en matinée a été comparée à une tour de Babel.Quatre heures durant, alors que les Libanais...

commentaires (3)

Ce "débat?" stérile, ne sera ni le premier ni le dernier.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 31, le 31 juillet 2015

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Commentaires (3)

  • Ce "débat?" stérile, ne sera ni le premier ni le dernier.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 31, le 31 juillet 2015

  • pourtant avec les avances de la medecine, la sterilite peut etre soignee au 21e siecle, non? vite un rendez vous chez un medecin!

    Le Herisson

    12 h 52, le 31 juillet 2015

  • S'ILS NE PEUVENT PAS S'ENTENDRE SUR LES ORDURES... SUR QUOI D'AUTRE PEUVENT-ILS S'ENTENDRE ? ALLEZ, DÉGAGEZ ! MAIS... C'EST CE QUE CERTAINS CHERCHENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 24, le 31 juillet 2015

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