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Moyen Orient et Monde

L’inscription de la République sahraouie dans les relations internationales

À el-Aïoun, un camp sahraoui démantelé par l’armée marocaine en 2010. Photo AFP

Dans un contexte où l'Espagne s'engage à mettre fin à sa présence au Sahara occidental, le Polisario déclare, fin février 1976, la naissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le nouvel État est immédiatement reconnu par l'Algérie. En conséquence : le Maroc et la Mauritanie rompent leurs relations diplomatiques avec Alger. Par la suite, le nouvel État est reconnu par neuf pays dont huit sont africains. Mais aucun État arabe, à l'exception de l'Algérie, n'accepte de reconnaître la nouvelle République.
Dès 1978, le Polisario intensifie ses attaques contre les troupes marocaines et le conflit armé débute. En juin 1976, le Polisario lance une attaque contre la Mauritanie et ses soldats arrivent jusqu'à Nouakchott en proie aux tirs de mitrailleuses, de mortiers et de canons pendant plusieurs heures. Les forces mauritaniennes parviennent finalement à neutraliser le Polisario et l'empêchent de battre en retraite. Le but politique de cette action était de renverser le gouvernement mauritanien, jugé trop pro-marocain. La Mauritanie fait porter la responsabilité de l'opération à l'Algérie. Mais des fissures commencent à apparaître au sein du régime mauritanien. Effectivement, deux ans plus tard, en juillet 1978, l'ancien régime est renversé par un coup d'État organisé par des officiers de l'armée.

Marionnette
Naturellement, le conflit a eu de grandes répercussions en Espagne : des secteurs de l'opinion publique ont estimé que le gouvernement a trahi le peuple sahraoui, et les partis d'opposition, notamment les communistes et les socialistes, ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement afin qu'il dénonce les accords de Madrid conclus avec le Maroc et qu'il exige le retrait des troupes marocaines et mauritaniennes du Sahara. L'Algérie, pour sa part, mécontente de la position officielle espagnole, a accordé son soutien aux mouvements séparatistes dans les îles Canaries, notamment le MPAI, qui avait son siège à Alger. Mais ce conflit-là s'inscrivait dans le cadre plus global de la guerre froide.
Le Maroc et de nombreux pays considéraient que c'était une guerre par procuration, le Polisario n'incarnant à leurs yeux qu'une marionnette du pouvoir algérien. Cette position était partagée par la Mauritanie et la France, mais également par de nombreux États arabes. Bien que l'Algérie se soit toujours opposée à cette lecture, l'analyse des alliances de chaque partie révèle que chacun des protagonistes articulait sa stratégie sur celle de l'un des deux axes. Le Maroc était principalement soutenu par les pays considérés comme pro-américains (bien que certains pays arabes dits « progressistes » faisaient exception comme l'Irak, le Yémen du Sud et la Libye, mais essentiellement pour des considérations nationalistes arabes), tandis que l'Algérie bénéficiait du soutien des pays socialistes de Cuba jusqu'au Vietnam, en passant par la Yougoslavie et la quasi-totalité des républiques de l'Europe de l'Est pro-soviétique. Pourtant, durant les années 70, les deux grands, à savoir les États-Unis et l'Union soviétique, tenaient des positions beaucoup plus mesurées.

Phosphate marocain
Il est vrai qu les États-Unis avaient soutenu les accords de Madrid, craignant que le problème du Sahara ne déstabilise le gouvernement espagnol après la mort de Franco. Ils avaient des bases installées au Maroc et des recherches ayant démontré qu'on pouvait produire de l'uranium à partir du phosphate, les USA négociaient avec le Maroc en vue d'aboutir à une coopération dans ce domaine. Cependant, Washington ne reconnaissait pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara, mais seulement une responsabilité administrative.
En 1977, ils reprochent au royaume l'utilisation d'armes américaines dans la répression du Polisario. En 1978, les bases américaines sont fermées. La prudence de Washington s'expliquait en raison de ses relations commerciales étroites avec l'Algérie, son premier partenaire en Afrique, auquel il achetait la moitié de sa production de pétrole et la moitié de sa production de gaz.
De son côté également, l'URSS entretenait de bons rapports avec l'Algérie, pays auquel elle fournissait son armement, et appuyait la cause du Polisario. Cependant, elle a refusé de reconnaître la RASD pour préserver ses intérêts économiques. En effet, les Soviétiques s'intéressaient de près au phosphate marocain. Par ailleurs, l'URSS constituait le premier débouché des agrumes marocains et avait passé des accords sur la pêche avec le royaume.

« Représentant du peuple sahraoui »
La situation bascule cependant après le coup d'État en Mauritanie. Le Maroc perd un allié précieux puisque le nouveau gouvernement militaire conclut un accord avec le Polisario à Alger, en août 1979, par lequel la Mauritanie renonce à ses droits sur le Sahara et reconnaît le Polisario comme seul « représentant du peuple sahraoui ». Aussitôt, les troupes marocaines se déploient sur l'ensemble du territoire du Sahara. Dès cette date, le Polisario concentre ses attaques contre le Maroc.
En 1981, 80 pays reconnaissaient la RASD, dont seulement quatre États arabes. Par ailleurs, l'Espagne renoue ses relations diplomatiques avec l'Algérie qui cesse de soutenir les indépendantistes des îles Canaries. De même, avec le renversement de régime en Mauritanie, la France freine ses interventions militaires dans la région et approuve le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination bien qu'elle ne reconnaît pas le Polisario avant l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, qui prend position en faveur du Front. En revanche, les États-Unis, sous la présidence de Jimmy Carter, s'engagent plus directement dans le conflit et fournissent au Maroc d'importants moyens militaires, bien que les services de renseignements américains, CIA, et une partie de l'opinion (exprimée dans un article du New York Times cité par Maurice Barbier), préconisent de ne pas trop soutenir Hassan II dont le trône vacille du fait des tensions internes. Ils soulignent aussi le risque de s'aliéner l'Algérie. Cette divergence s'exprime encore plus clairement, quand une délégation du Congrès américain visite le camp de refugiés de Tindouf. Cependant, à l'arrivée de Ronald Reagan à la Maison-Blanche, celui-ci réitère de nouveau le soutien américain au Maroc.

Isolement marocain
La situation interne au Maroc était de plus en plus tendue, notamment après les tentatives de coup d'État ratés en 1971 et 1972. Le roi a par la suite accentué la répression. L'augmentation des dépenses militaires pour ce conflit a englouti une partie importante du revenu national et conduit à l'inflation. Les revendications sociales et politiques des partis politiques et des syndicats devenaient de plus en plus pressantes et exigeaient des changements radicaux. Même le parti Istiqlal, qui était au gouvernement, réclamait des reformes. Par ailleurs, tous les partis, toutes tendances confondues, dénonçaient la présence au Maroc du chah d'Iran et la position du roi concernant les accords de Camp David entre l'Égypte et Israël.
Hassan II change alors de Premier ministre, prend ses distances à l'égard du président égyptien Anouar el-Sadate, rompt ses relations diplomatiques avec l'Égypte et invite le chah à quitter le pays. Cependant, les accords d'Alger entre la Mauritanie et le Polisario, ainsi que le changement d'attitude de la France et de l'Espagne affaiblissent la position du Maroc qui se retrouve de plus en plus isolé sur le plan international. Il peut, toutefois, grâce au soutien américain, poursuivre sa politique d'annexion du Sahara administré de facto comme une province marocaine. De son côté, le Polisario bénéficie toujours du soutien militaire de l'Algérie, y compris après la mort du président Houari Boumediène.
En 1991, un cessez-le-feu intervient sous l'égide de l'Onu entre le Maroc et le Polisario, après plus de 15 ans de conflit armé. Tout au long de cette guerre, plusieurs instances régionales et internationales se sont saisies du problème. La nature du conflit et la multiplicité des acteurs laissent penser que la solution devrait être nécessairement être régionale, mais qu'elle n'est pas encore prête de voir le jour.

Dans un contexte où l'Espagne s'engage à mettre fin à sa présence au Sahara occidental, le Polisario déclare, fin février 1976, la naissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le nouvel État est immédiatement reconnu par l'Algérie. En conséquence : le Maroc et la Mauritanie rompent leurs relations diplomatiques avec Alger. Par la suite, le nouvel État est reconnu...

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