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Moyen Orient et Monde

Le nationalisme sahraoui, de l’idée à l’action

Le leader du Polisario, Mohammad Abdelaziz. Archives AFP

La résolution du Conseil de sécurité adoptée mardi 28 juillet, qui proroge le processus devant mener à l'organisation d'un référendum au Sahara occidental jusqu'au 30 avril 2016, demande à toutes les parties prenantes au conflit de coopérer pleinement aux opérations de la Minurso et de faire preuve de volonté politique afin d'engager des négociations sur le fond du dossier. Le Conseil de sécurité était également saisi d'un rapport du secrétaire général, Ban Ki-moon, sur la situation concernant le Sahara occidental, dans lequel il constatait l'absence de progrès sur la voie d'un règlement d'un conflit dont il s'est saisi en 1963, soit trois ans après l'adoption de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays colonisés. À l'époque, la démarche était en opposition avec l'Espagne, puissance coloniale, qui durant les années 1960 tentait de faire face aux pressions de plus en plus accrues pour libérer ces territoires, en menant une politique bilatérale avec chacun des trois États frontaliers au Sahara : le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie. À partir de la fin de cette décennie et dans les années 1970, un nouvel acteur émerge et rend la donne plus complexe : le nationalisme sahraoui.

Influences externes
Dans son ouvrage Le conflit du Sahara occidental, le politologue Maurice Barbier s'appuie sur une grille de lecture socio-économique pour expliquer l'émergence du nationalisme sahraoui. Il estime que la sédentarisation croissante résultant des conditions climatiques (fortes sécheresses), le désir de changement social et la conscience de la richesse représentée par les réserves de phosphate ont joué un rôle dans l'éveil d'un nationalisme tardif, à la suite du colonialisme européen.
De son côté, l'universitaire libanais Georges Corm, dans son ouvrage L'Europe et l'Orient (de la balkanisation à la libanisation), souligne que « l'identité collective, qu'on désigne sous le nom d'identité ethnique, ou nationale, ou ethnico-nationale, est un phénomène non seulement complexe, mais aussi très mouvant à travers les périodes historiques. L'identité d'une société n'est pas endogène. Son évolution est fonction des influences externes, de la circulation des idées, des cultures et des civilisations ; elle est aussi dépendante des rivalités pour le pouvoir à l'intérieur de chaque société, rivalités qui sont elles-mêmes attisées directement ou indirectement par les influences externes, par le jeu des équilibres et des déséquilibres à l'échelle des grandes régions géographiques, et donc des rivalités de puissances régionales ou internationales ». Ainsi, les premiers mouvements proprement sahraouis qui traduisent des revendications identitaires ne sont apparus qu'à la fin des années 1960, et étaient divisés entre ceux qui réclamaient l'indépendance et ceux qui prônaient le rattachement du Sahara au Maroc.

Étudiants/nationalistes
En 1968, un journaliste, Mohammad Saïd Ibrahim, crée le mouvement de libération du Sahara espagnol revendiquant l'autonomie interne et le « respect de la personnalité sahraouie ». Il organise une manifestation contre la présence espagnole à El Aioun, en juin 1970, qui est alors sévèrement réprimée. Par la suite, d'autres groupes voient le jour comme le Nidam en 1969 et le Mehob (Mouvement de résistance des hommes bleus), créé au Maroc en 1971, qui entretenait des liens avec de nombreuses organisations progressistes en Europe et réclamait l'indépendance du Sahara avant de se rallier à la thèse du rattachement au Maroc en 1975.
Mais le plus important et le plus médiatique, le Polisario (Front populaire pour la libération de la Seguiet el-Hamra et du Rio de Oro), tient son premier congrès constitutif en 1973. Il était formé de deux groupes de militants nationalistes : d'un côté des étudiants sahraouis établis à Rabat, de l'autre des nationalistes sahraouis réfugiés à Zouerate (Mauritanie) après les manifestations de 1970. Il réclame l'indépendance du Sahara, s'oppose à son rattachement au Maroc ou à la Mauritanie et préconise la lutte armée contre l'occupation espagnole.
Quelques mois plus tard, il réalise sa première opération en attaquant et en occupant un petit poste militaire espagnol près de la frontière marocaine. C'est à partir de 1974 que le Polisario bénéficie de l'aide de l'Algérie, qui lui permet d'agir dans la région de Tindouf, et surtout de la Libye, son pourvoyeur d'armes et principal soutien diplomatique. Les affinités idéologiques entre les deux pays et l'organisation étaient évidentes à la lecture de la charte de cette dernière, sans doute inspirée du modèle algérien de développement. Le mouvement y expose un projet politique en faveur de l'unité nationale, de la mise en place d'un régime républicain et d'une économie planifiée en nationalisant les ressources minières, une politique d'industrialisation, et souhaite assurer la protection des femmes tout en maintenant l'héritage religieux.

Autonomie interne
En 1975, à l'occasion d'une visite d'une mission de l'Onu dans le Sahara, le Polisario organise une manifestation qui montre l'ampleur de son implantation. Au même moment, les manifestations contre la présence espagnole s'intensifient. Par crainte que la situation ne lui échappe, le général Franco élabore une stratégie visant à offrir une autonomie interne au Sahara tout en le maintenant sous la tutelle coloniale : les affaires internes étaient transférées à un gouvernement sahraoui tandis que Madrid assurait ses relations extérieures et garantissait son intégrité territoriale, sa défense et sa sécurité. Cette stratégie est dénoncée autant par le Polisario que par le Maroc, la Mauritanie et même les Nations unies. Bien que les instances internationales se soient saisies de l'affaire du Sahara depuis les années 60, le conflit s'internationalise de plus en plus (voir texte ci-dessous).

James Baker 1 et 2
En 1985, le secrétaire général de l'Onu élabore en collaboration avec l'Organisation de l'unité africaine (OUA) un plan de règlement qui prévoit une période de transition durant laquelle le Sahara serait géré administrativement par le Maroc. Mais un planning devait être fixé pour mettre en place un référendum par lequel le peuple sahraoui choisirait entre l'indépendance et l'intégration au Maroc.
Douze ans plus tard, le secrétaire général de l'Onu nomme James Baker, ancien secrétaire d'État américain sous la présidence de George Bush (père), comme son représentant spécial pour le Sahara. Il dirige des pourparlers directs entre les deux parties à Houston aux États-Unis, qui aboutissent à un accord signé par le Maroc et le Polisario. Cet accord connu depuis sous le nom du plan James Baker 1 a permis à la Minurso de reprendre son travail.
Mais en 2003, du fait du peu d'avancement dans le processus de mise en place du référendum, un nouveau plan de paix dit Baker 2 est adopté. Il prévoit une période transitoire (4 à 5 ans) d'autonomie sous administration marocaine, au terme de laquelle un référendum doit être organisé. Le plan a été accepté sur le principe, mais un an plus tard, James Baker démissionne. La presse dira qu'il a « baissé les bras » devant le peu d'effort accompli surtout de la part du Maroc.
À son arrivée, Ban Ki-moon nomme Christopher Ross comme envoyé personnel du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara occidental. Il est toujours en fonctions. Il poursuit les négociations directes entre le Maroc et le Polisario qui ont débuté en 2007. Mais le principal point d'achoppement entre les deux parties, et dont M. Ross doit s'occuper, est le refus du Maroc d'envisager l'indépendance du Sahara. La médiation de l'Onu en est donc au même point, et le Polisario menace de reprendre la lutte armée.

La résolution du Conseil de sécurité adoptée mardi 28 juillet, qui proroge le processus devant mener à l'organisation d'un référendum au Sahara occidental jusqu'au 30 avril 2016, demande à toutes les parties prenantes au conflit de coopérer pleinement aux opérations de la Minurso et de faire preuve de volonté politique afin d'engager des négociations sur le fond du dossier. Le Conseil...

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