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Moyen Orient et Monde - Interview express

Entre Paris et Téhéran, le retour à une diplomatie normale

Lors de sa visite en Iran mercredi dernier, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a prôné une reprise du dialogue fondée sur une politique de « respect » et de « relance » avec le président iranien Hassan Rohani. Thierry Coville, chercheur à l'Institut des relations internationales (Iris) et spécialiste de l'Iran, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour » sur les enjeux de cette visite.

Le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif et son homologue français Laurent Fabius donnent une conférence de presse à l’issue de leur entretien à Téhéran, le 29 juillet 2015. Behrouz Mehri/AFP

Q. En quoi la visite de Laurent Fabius en Iran mercredi dernier participe-t-elle d'une tentative de normalisation des relations diplomatiques entre Paris et Téhéran ?
R. Les relations diplomatiques entre la France et l'Iran n'ont jamais été simples et évidentes. Depuis la révolution iranienne, des hauts et des bas ont toujours existé entre ces deux États. La guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 n'a pas contribué à l'amélioration des relations compte tenu du soutien apporté par la France à Saddam Hussein. Les relations diplomatiques ont repris un temps en 1990 avec une tentative de normalisation des relations avec la France et l'Union européenne. Il y a eu quelques tensions aux alentours des années 2000 concernant la question du nucléaire. Il ne faut pas oublier qu'en 2003, la question des négociations sur l'arrêt de l'enrichissement de l'uranium a été élaborée à l'initiative des pays de l'Union européenne. Les relations diplomatiques s'amélioraient progressivement. Mais, lorsque Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir en 2008, il y a eu une véritable rupture avec l'Iran. Le président français a adopté une politique dure en imposant à Téhéran des sanctions lourdes procédant d'une politique qui allait au-delà de la question du nucléaire. Le discours du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Bernard Kouchner, rendait l'Iran responsable de la déstabilisation de la région.
En 2007, lorsque Barack Obama disait qu'il faut parler avec l'Iran, Nicolas Sarkozy s'y opposait. Aujourd'hui, même si la France n'est pas d'accord sur tout avec l'Iran, elle n'a plus les mêmes objectifs, c'est pourquoi nous assistons à une reprise des relations et du dialogue. L'idée de repartir sur de nouvelles bases, sur l'existence d'une forme de diplomatie, de discuter avec l'Iran, est l'objet de la visite. L'invitation de Rohani par Laurent Fabius en France et la réunion annuelle entre les ministres des Affaires étrangères sont des processus intéressants dans la reprise des relations diplomatiques. On peut espérer par la suite d'autres réunions entre les diplomates français et iraniens à d'autres occasions. Il y avait en France une véritable diabolisation de ce pays qui était outrancière, il était temps de revenir à une diplomatie normale.


(Lire aussi : Les conservateurs iraniens tirent à boulets rouges sur Fabius)

 

M. Fabius a émis l'hypothèse d'une coopération militaire avec son homologue iranien. Quelle forme pourrait prendre cette coopération ?
Concernant la question de la coopération militaire, il faut rester prudent. L'Iran est un pays particulièrement engagé dans la lutte contre l'organisation État islamique (EI) en Irak et en Syrie, c'est un combat vital. L'EI constitue la première menace stratégique pour l'Iran actuellement. À ce stade, il doit y avoir sans doute des échanges d'informations entre les responsables militaires et diplomatiques. Cela fait deux ans que les conseillers iraniens et américains sont sur le sol en Irak. Le problème, ce n'est pas la coopération, c'est l'affichage de la prise de position endossé ensuite par le pays. Il est trop tôt pour dire ce que pourrait apporter cette coopération. En tout cas, actuellement, il n'est pas question d'inclure l'Iran dans la coalition. Il doit également y avoir une coopération politique concernant la lutte contre la drogue. Une coopération a déjà été engagée dans les années 1990-2000 dans l'Union européenne.

La France est-elle en train de rééquilibrer sa politique étrangère dans la région, après s'être montrée en première ligne aux côtés des monarchies du Golfe ?
Il faut rester prudent, nous n'en sommes qu'au début. En tout cas, ce n'est pas parce que la France a des échanges commerciaux avec l'Arabie saoudite et que François Hollande a pris part à une réunion du Conseil de coopération du Golfe que sa politique étrangère devrait suivre la position de cet État. Ce n'est pas le rôle historique de la France d'être autant que cela dans un camp. Jusqu'à présent on avait vraiment l'impression qu'on avait choisi le camp des pétromonarchies du Golfe. Il fallait revenir à un rôle plus équilibré. La France et l'Europe ont d'ailleurs toujours eu ce rôle de médiateur dans la région. La France doit parler avec tout le monde et ne pas privilégier un acteur ou un autre. Elle doit en conséquence participer à toutes les médiations possibles entre l'Arabie et l'Iran. Ce serait bénéfique pour elle, cela permettrait d'accroître son influence dans la région.

 

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