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Culture - Festival de Beiteddine

Juan Diego et Joyce ont fait sourire les émirs

Juan Diego Florez a lâché ses batteries à poumons ouverts, à gorge déployée et à murmures proférés. Éblouissant, mais avec un bémol pour l'articulation en français. À ses côtés, est apparue Joyce el-Khoury, radieuse soprane « spinto ». En solos, à l'unisson ou en tendre duel d'amour, le bel canto qui a lancé hier la 30e édition du Festival de Beiteddine n'en finit pas encore de résonner du faîte des arbres au creux des vallons ...

Juan Diego Florez et Joyce el-Khoury : Roméo et Juliette au palais des émirs.

Dans un pays sans voix, désossé et qui tombe en lambeaux et en ruine, comme un havre de paix et une oasis bénie, le 30e Festival de Beiteddine offre avec classe, faste et dans la cohérence un moment de civilisation, de civilité, de sérénité, de convivialité, de grâce, de clarté, d'ordre, de netteté, de propreté, d'organisation, de bonheur. En toute simplicité, mais en tablant sur le concentré et la quintessence du talent, des voix, rien que des voix. Les voix d'un duo de choc. Des voix magnifiques et ductiles qui ont habité l'espace et investi de leurs volutes impalpables l'aire et le firmament.

Dans la grande cour du Palais des eaux du Chouf, sous le ciel étoilé et l'humidité, Juan Diego Florez, ténor péruvien au gosier en pépite d'or et coqueluche des scènes lyriques internationales, a éclipsé, avec le feu d'artifice de ses suraigus, l'écrin princier enveloppé du velours de la nuit.
Un programme un peu mélange de genres, certes, mais touché par une baguette magique où, comme le prisme d'un faisceau lumineux, ont convergé partitions, arias, solos et duos du meilleur aloi de l'art lyrique français et italien. Et quelques airs populaires italiens. Avec une beauté sonore alliant virtuosité et mélodies à souffler le cœur. Pour une tempête d'émotions.
C'est sous le signe de la féerie de Cendrillon dans l'étincelante fluidité de l'Ouverture de Rossini que se coupe le soyeux ruban pour le bal des notes. Avec au fond de la scène, dans le vent du soir et sous la lumière des spots, l'Orchestre philharmonique Gioachino Rossini dirigé par l'efficace et séduisant Christopher Franklin.

Costume noir, nœud-papillon sur col cassé blanc, silhouette menue, cheveux d'ébène et voix retentissante, Florez fait une entrée fracassante avec un public conquis d'avance. De Rossini à Offenbach en passant par Leoncavallo, Gounod et Donizetti, le chant explose comme un cratère de volcan. On savoure cette volée et envolée de notes comme dans un rêve. Mais le plus exquis est ce rêve de Werther de Massenet, où le jeune amoureux ne voudrait plus se réveiller. L'auditoire non plus, tant ce cri du cœur échappé aux cordes vocales a de l'intensité, de la force, de la fragilité, de la beauté. Par ses vibrations séductrices et son ornementation périlleuse. Mais qu'on se tranquillise : la technique et le don de la nature sont ici imparables et sans faille !

Pour donner la réplique au brillant ténor péruvien, enfant chéri aujourd'hui de Pesaro, la ravissante cantatrice Joyce el-Khoury, canadienne d'origine libanaise. Révélation d'un talent et d'un tempérament. Robe moulante rouge écarlate avec traîne à falbalas, cheveux sur des épaules nues pour un décolleté vertigineux, la jeune diva qui a vu le jour au pays du Cèdre a adroitement emboîté le pas, avec ses aigus légers et hauts, au chant de Florez. En un duo tel le Roméo et Juliette de Gounod ou en s'élançant en solo – le pétillant Filles de Cadix de Delibes, le frémissant Russalka de Dvorak ou la valse vocalise de Marguerite de Gounod – dans des trilles cristallins et des rossignolades étourdissantes.

En quatre bis, loin de toute attente, ni Rossini ni folklore du Pérou, mais un tonitruant Donna Mobile de Verdi et un ensoleillé Granada (immortalisé par Mario Lanza) pour plonger au cœur des racines espagnoles en prouvant une fois de plus son aptitude à évoluer avec aisance dans les hautes tessitures. Florez taille cambrée, menton au ciel et pieds plantés au sol a mis la dernière estocade.
Le public, dans son délire et son enthousiasme, a ovationné une prestation à la hauteur d'une réputation bien établie. Quant à Joyce el-Khoury, authentique découverte pour les belcantistes libanais, ses « encore » ont pulvérisé l'applaudimètre. Avec grâce et confondante tendresse, un O mio Babbino caro de Puccini du meilleur cru sous une trombe d'applaudissements.

 

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