Le jet nocturne de sacs d'ordures contre les résidences du Premier ministre, Tammam Salam, et du chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, attribué à des éléments de la Brigade de la Résistance, ainsi que l'attaque, mardi, contre la voiture du ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, place Riad el-Solh, font craindre des débordements qui vont au-delà du débat autour des solutions possibles au problème des ordures ménagères.
Les réactions à l'attaque contre la voiture de Rachid Derbas sont éminemment politiques, comme en témoignent les propos tenus notamment par Mohammad Kabbara, député de Tripoli. Quant à l'attaque, elle dépasse le cadre de la simple protestation contre un fait qui irrite l'ensemble des habitants de Beyrouth et du Mont-Liban, les principaux concernés par l'affaire des ordures.
Hier, deux manifestations de protestation ont été organisées l'une dans la matinée, devant le Palais de justice, et l'autre en fin d'après-midi, devant le siège du ministère des Affaires sociales, pour réclamer la libération de quatre personnes impliquées dans l'agression dont a été victime M. Derbas et dont l'identité d'un seul a été révélé : Tarek Mallah, un jeune qui aurait sollicité l'aide du ministère pour déterrer une histoire vieille de 12 ans. Les manifestants ont réclamé la libération jeune homme et de ses compagnons, accusant le ministre de chercher à se venger du jeune et protestant contre le fait que son avocat n'a toujours pas été autorisé à le voir.
Il est intéressant de préciser dans ce contexte que Tarek Mallah s'était rendu il y a quelque temps auprès du ministre pour l'informer qu'il avait été victime d'une agression sexuelle, il y a 12 ans, à l'orphelinat islamique, et lui demander d'ouvrir une enquête, requête à laquelle le ministre n'a pas donné suite, l'affaire remontant à plus d'une dizaine d'années. Tarek Mallah a ensuite été l'hôte du talk show à scandales de Joe Maalouf sur la LBCI, au cours duquel il a pris à partie le ministre qui, sollicité par l'animateur, n'a pas voulu prendre part à une campagne contre l'orphelinat, fondée sur une histoire qu'il est difficile de vérifier 12 ans plus tard.
Mardi, la voiture de Rachid Derbas a été encerclée par des manifestants en colère munis de bâtons, qui se sont rués contre le véhicule, place Riad el-Solh, cabossant la carrosserie et essayant de briser les vitres. Le ministre était seul dans la voiture avec son chauffeur et un garde du corps. Pas de convoi. Il a reconnu Tarek Mallah dans la foule qui l'injuriait et le traitait de « voleur ». « Tu vas voir », lui a crié le jeune homme en ponctuant son nom d'un chapelet d'injures. Lorsque le garde du corps est descendu pour tenter de disperser les protestataires, un manifestant lui a pulvérisé un insecticide dans les yeux. L'attaque a duré 15 minutes, avant qu'un individu dans la foule n'ordonne aux protestataires de faire machine arrière. Ces derniers ont vite obtempéré.
Les forces de l'ordre ont pu interpeller Tarek Mallah et trois autres jeunes. Le ministre n'a pas porté plainte, mais la procédure judiciaire a suivi son cours normal. Il est évident que parmi les protestataires, un grand nombre est descendu spontanément à Riad el-Solh pour manifester contre une situation devenue insupportable. Mais d'autres semblent avoir été manipulés. C'est ce que M. Derbas a déclaré à L'Orient-Le Jour en s'arrêtant sur le fait que ses agresseurs n'ont cessé de cogner sur sa voiture et de l'insulter que lorsqu'un individu leur a demandé de reculer. Le ministre est indigné et révolté par ce qui s'est passé, d'autant que ses agresseurs s'en sont pris, a-t-il dit, à un homme désarmé. Il a exprimé l'espoir que les autorités feront le nécessaire pour sanctionner ce comportement inacceptable, en assurant que dans le cas contraire, il poursuivra lui-même la procédure judiciaire.
Il convient de rappeler que M. Derbas est un ancien bâtonnier de Tripoli. Pour lui, l'attaque dont il a été victime, ainsi que le jet de sacs-poubelle devant les domiciles de MM. Salam et Siniora sont tous liés et « n'ont rien d'innocents ». Nombreux sont d'ailleurs ceux qui ont affirmé redouter que les mouvements spontanés de protestation populaires ne soient infiltrés par des fauteurs de troubles, de gens qui ont intérêt à voir l'équipe Salam malmenée et soumise à une pression encore plus grande.
Kabbara : Une alliance ordurière
Plusieurs personnalités ont pris contact hier avec MM. Salam, Siniora et Derbas pour leur exprimer leur indignation et leur solidarité. Le mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Deriane, a dénoncé un « comportement immoral qui porte atteinte à tous les Libanais » et qu'il a qualifié de « honteux ». Le mufti a affirmé redouter « qu'une campagne ne soit orchestrée contre certains leaderships du pays, notamment le Premier ministre, dans une tentative ratée de déstabiliser le pays ».
Le ministre des Affaires sociales a reçu en son bureau le vice-président de la Chambre, Farid Makari, les députés Antoine Saad, Amine Wehbé, Henri Hélou et Kassem Abdel Aziz, ainsi que les anciens députés Ayman Schoucair et Nasser Nasrallah, venus lui exprimer leur solidarité et dénoncer l'attaque dont il a été victime. M. Makari a exprimé la crainte que des fauteurs de troubles n'exploitent les mouvements populaires légitimes de colère pour essayer de porter atteinte à la sécurité et d'atteindre ainsi des objectifs politiques limités. « Il est normal que la société civile réagisse et exprime sa colère contre le niveau auquel le pays est tombé, mais les comportements (les attaques) inacceptables de certains protestataires nuisent à ce mouvement civil et le dévient de son cadre pacifique et civilisé », a dénoncé le député qui a rendu un vibrant hommage à M. Derbas. Un hommage que lui ont rendu également les députés Mohammad Kabbara et Ahmad Karamé.
M. Kabbara a cependant vu dans les trois agressions une attaque contre la communauté sunnite, dont il a attribué la responsabilité au camp du 8 Mars qu'il a violemment critiqué, le désignant par « l'alliance ordurière ». « L'alliance ordurière prend pour cible la communauté sunnite, dans ses régions et dans ses leaderships, dans une tentative de l'assujettir, soit en essayant de faire tomber le gouvernement de Tammam Salam, soit en imposant l'élection d'un président qui serait son serviteur », a-t-il dénoncé dans un communiqué qu'il a fait paraître hier.
« Le spectacle ordurier projeté sur l'écran du pays a commencé par la démonstration de force de Gebran Bassil (ministre des Affaires étrangères) et son attaque contre le chef du gouvernement en Conseil des ministres, puis par le festival aouniste qui s'est soldé par un échec devant les portes du Sérail, en dépit des tentatives de porter atteinte à la présidence du Conseil, assimilée à Daech », éponyme de l'État islamique, a fulminé Mohammad Kabbara. Il a accusé indirectement le Hezbollah d'être derrière ces attaques et mis en garde contre « une répétition de ces agressions contre la communauté sunnite ». « L'alliance ordurière n'élit pas un président et ne fait pas tomber un gouvernement. Elle noie le pays », a-t-il accusé.
Son collègue Ahmad Karamé a demandé aux autorités de déférer devant la justice les agresseurs de M. Derbas, dénonçant une attaque « abjecte » et saluant l'intégrité du ministre. Il a demandé aux responsables de sécurité d'être « plus fermes dans la chasse aux actes de vandalisme dans plusieurs régions », estimant que cette situation « menace la stabilité et la paix civile ».
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commentaires (8)
Mais arrêtez donc de leurrer le peuple, ça suffit!!!! Si des personnes manifestent afin de déplorer la situation dramatique du dégagement des ordures, elles sont accusées à tort et à travers. Ça veut dire que personne n'a le droit d'ouvrir sa bouche. Bougez vos c.... et agissez, cela ne suffit pas que vous voulez nous imposer vos chères personnes, maintenant vous voulez enterrer la population sous les déchets. Enough is enough. Ras le bol. Arrêtez de nous fourrer vos doigts dans nos yeux
El Asmar Claudia
19 h 23, le 30 juillet 2015