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Liban - Drame

Le meurtre de l’officier Kahil, ses zones d’ombre et l’autosécurité...

À quelques jours près de l'anniversaire des combats de Ersal, un commandant de la cinquième brigade d'intervention de l'armée a été tué dans des circonstances non élucidées.

Rabih Kahil sur le champ de bataille.

La mort hier du commandant Rabih Kahil, un officier des commandos de l'armée libanaise, atteint par plusieurs balles dimanche sur la route de Qmatiyé-Bdédoun (caza de Aley), a suscité un véritable choc sur l'ensemble du territoire libanais.
Né en 1971 et réputé pour sa témérité et sa bravoure, le commandant avait combattu à Nahr el-Bared, Tripoli et Ersal, où il avait été blessé. Dans un hommage publié sur Facebook, le chef de l'unité des commandos, Georges Nader, a qualifié le jeune homme de « héros de l'armée libanaise, un ami de confiance et un homme des plus nobles ».

Marié et père d'un nourrisson âgé d'un mois, également prénommé Rabih, l'officier originaire de Nabatiyé (Liban-Sud), a été blessé dimanche dans un incident entouré de zones d'ombre. Descendu de la voiture dans laquelle il se trouvait et qui était garée sur le rebord de la route, l'homme a en effet essuyé des tirs de la part d'un jeune du nom de Hicham Daou, qui se trouvait à bord d'une jeep noire en compagnie de Élie Daou, fils du président de la municipalité de Houmal (localité voisine de Bdédoun). Hicham Daou a ouvert le feu sur l'officier après lui avoir enjoint de quitter les lieux. Grièvement blessé, Rabih Kahil a été transporté à l'Hôpital américain de Beyrouth, où il a passé trois jours aux soins intensifs avant de succomber à ses blessures hier matin. L'armée a aussitôt quadrillé la région, dressant des barrages entre les villages de Houmal, Bdédoun et Qmatiyé. Une enquête a été ouverte.

Depuis l'incident, les deux jeunes impliqués étaient portés disparus. Hier, en début de soirée, le président de la municipalité de Houmal, Khalil Daou, a remis son fils Élie aux services de renseignements de l'armée. Il avait exprimé plus tôt dans la journée son attachement à la troupe et clamé l'innocence de son fils, affirmant que ce dernier n'était qu'un « simple témoin » de toute cette affaire, sans plus. L'autre suspect présumé, Hicham Daou, aurait quitté le pays à destination de l'Europe via la Turquie, selon des informations diffusées par certains médias.

« Élie n'est pas Hicham »
La nouvelle du décès de l'officier, qui s'est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, a mis les habitants de Houmal dans un état de choc. Très rapidement, l'affaire a été résumée à une altercation sur une priorité de passage entre l'officier et les deux jeunes assaillants. « Ce n'est pas vrai que l'officier a été pris pour cible pour une question de priorité de passage. Tout ce que rapportent les médias est erroné », affirme S. Daou, un cousin du président de la municipalité de Houmal à L'Orient-Le Jour devant la résidence de ce dernier, absent lors de la rencontre. « L'officier avait garé son véhicule dans un endroit jugé suspect par les deux jeunes de la famille Daou. Il a ensuite roué Élie de coups lorsqu'il lui a demandé de divulguer son identité et les raisons pour lesquelles il était garé dans cet endroit isolé. Je ne sais pas pourquoi ils en sont arrivés à tirer sur l'officier, qui a apparemment tenu à garder, pour une raison ou une autre, son identité secrète ! » explique S. Daou. « Élie Daou est un garçon posé et attaché à l'institution militaire, il n'a aucun passé criminel », dit-il, se disant « outré par la désinformation qui circule partout ».

« Je voulais intervenir lors d'une émission à la radio pour m'indigner, mais je n'ai pas pu obtenir la ligne », souligne-t-il. « Élie n'y est pour rien. Je ne peux pas en dire davantage. Élie n'est pas Hicham, et si Hicham est armé, c'est parce que l'armée lui a accordé une licence de détention d'armes et lui a permis d'avoir une voiture aux vitres fumées », indique-t-il. « Il suffit de connaître l'attachement de la famille d'Élie à l'institution militaire pour comprendre qu'il ne pourrait jamais commettre un tel acte, et surtout pas contre un officier de l'armée », explique pour sa part l'ami de S. Daou, sans vouloir donner plus de détail concernant le suspect principal, Hicham Daou, qui circule d'habitude librement armé dans le village, selon des témoins oculaires.

Le commandement de l'armée
Il reste que l'incident est entouré d'un halo de mystère, en dépit de l'explication qui a circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux. Première étrangeté, le lieu de l'incident, fermement protégé hier par des agents des services de renseignements de l'armée et une patrouille de la troupe qui a érigé des barrages et des barricades, est un semblant de parking pouvant accueillir une seule voiture sous une série d'arbres de pins bordant un tronçon désertique qui relie le village de Bdédoun à celui de Qmatiyé. La thèse de la querelle sur une priorité de passage devient ainsi pour le moins fragile.

Contactée par L'OLJ, une source bien informée et proche des milieux des forces d'intervention spéciales et des brigades d'intervention de l'armée, estime par ailleurs qu'il est fort improbable qu'un officier de l'envergure de Rabih Kahil puisse être attaqué facilement par deux civils, même si l'un d'eux est armé. « Le lieutenant Kahil n'est pas un simple officier. C'est un officier supérieur de la cinquième brigade d'intervention de l'armée. Il a combattu dans les plus rudes batailles, notamment à Nahr el-Bared, à Tripoli lors des derniers affrontements et à Ersal. C'est un véritable héros. Il ne circulait sûrement pas sans être armé, même si, apparemment, il se rendait dans un endroit familial qui ne supposait pas de sa part une vigilance ou une mise en garde particulières », indique cette source. « C'est le commandement de l'armée qui va s'occuper de cette affaire et veiller à arrêter les coupables, qui n'ont pas le droit de tirer sur des citoyens civils, et encore moins sur des officiers de l'armée, de leur propre chef, comme si l'État n'existait pas », poursuit-elle. Cette source ajoute que le commandant Kahil était un personnage apprécié de tous ses camarades et supérieurs, qui comptaient sur lui pour les missions délicates.
« Je ne sais pas pour quelles raisons le commandant se trouvait dans cet endroit précis, sans aucune escorte, mais ceci ne justifie en aucun cas l'acte horrible dont il a été victime. L'enquête est dirigée par les services de renseignements de l'armée, qui arriveront en fin de compte à déterminer les circonstances exactes de cet incident. Nous ne pouvons que dénoncer ce crime à ce stade-là de l'enquête et regretter par la même occasion, comme l'a déjà fait son commandant en chef, Georges Nader, qu'il soit mort suite à des blessures qui lui ont été causées lâchement loin du champ de bataille », a-t-elle ajouté.

La dépouille du commandant sera transféré ce matin à 10h de l'Hôpital militaire de Badaro vers la husseiniyé de Khandak el-Ghamik, à Beyrouth, où auront lieu les obsèques après la prière de midi.
Signalons en outre que les habitants de Nabatiyé ont observé hier un sit-in devant le Sérail du village en signe de condamnation du crime. Les municipalités de Bdédoun et Houmal ont également publié un communiqué stigmatisant le crime, qui a quelque peu ravivé le spectre de sinistre mémoire des lignes de démarcation confessionnelles du temps de la guerre civile, dans un pays abandonné de plus en plus à la paranoïa et l'autosécurité, et où l'État et les institutions se trouvent plus que jamais en plein délitement.

 

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La mort hier du commandant Rabih Kahil, un officier des commandos de l'armée libanaise, atteint par plusieurs balles dimanche sur la route de Qmatiyé-Bdédoun (caza de Aley), a suscité un véritable choc sur l'ensemble du territoire libanais.Né en 1971 et réputé pour sa témérité et sa bravoure, le commandant avait combattu à Nahr el-Bared, Tripoli et Ersal, où il avait été blessé....

commentaires (4)

Tout "simplement" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 34, le 30 juillet 2015

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Tout "simplement" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 34, le 30 juillet 2015

  • Bizarre! Tout est devenu tellement bizarre dans ce pays!!!

    Nadine Naccache

    12 h 17, le 30 juillet 2015

  • CIRCONSTANCES NON ÉLUCIDÉES... VOILÀ QUI EST MIEUX QUE LA BOURDE DE PRIORITÉ DE PASSAGE... C'EST UN CRIME PRÉMÉDITÉ... POINT DE DOUTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 57, le 30 juillet 2015

  • Comment permet-on qu'un voyou porte une arme "légale" ? Comment ?

    Halim Abou Chacra

    10 h 01, le 30 juillet 2015

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