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Culture - Rencontre

Le père Khalil Rahmé veut servir Dieu en musique

Il y a du conte surnaturel dans l'histoire de ce maître de chœur. Inédit : rencontrer le Créateur à travers le déferlement des orgues.

Floraison d’orgues à Beyrouth où plus de huits instruments ont affûté leurs claviers. Photos Michel Sayegh

En ces temps noirs où les églises au Proche-Orient sont pillées et saccagées, et en oubliant les mésaventures des fidèles et des moines agressés par des cavaliers ottomans envahissant les lieux de prière avec leurs montures (d'où des portes basses et étroites aux chapelles pour faire barrière à de telles cavalières et sacrilèges attitudes...), un vent de ferveur souffle sur la région. La floraison des orgues, ces instruments d'abord liturgiques mais aussi de musique profane vite récupérés par les compositeurs, interprètes et musiciens, est parfaitement perceptible. Beyrouth tout autant que l'Égypte, Nazareth et Amman (qui l'eut crû ou dit ?) sont actuellement dans ce courant très tendance.
Pour notre seule capitale déjà, en restauration ou en voie de restauration (avec un ajout pour la cathédrale Saint-Louis des capucins, une donation de Jean-Louis Mainguy), prêts à jeter leur nuage de notes célestes et majestueuses, plus de huit orgues ont affûté leurs claviers, leurs tuyaux et leurs soufflets. Orgue mécanique, cela va de soi, et sûrement pas électronique...

Mais pour en parler, en termes éclairants et passionnés, voilà les mots du père Khalil Rahmé. Qui souhaite garder la fascination des sons de l'orgue, certes, mais veut surtout servir le Créateur à travers l'ordre maronite mariamite, où l'aumônier des Chevaliers de Malte, le maître de chœur de la NDU et le compositeur, même homme à plusieurs casquettes, a prononcé ses vœux. Qui évoque dans la foulée, avec grande tendresse, ses souvenirs d'enfance à Tripoli (église Saint-Maron à la rue Azmi), Bécharré, Mejlaya, du Collège des pères carmes à celui des Frères maristes, à la rue Zahriyé qui avait alors un visage et un profil diamétralement opposés à ceux d'aujourd'hui...
Cinquante-deux ans, une barbe de quelques jours, cheveux plus sel que poivre, chemisette bleu marine délavée, voix posée et calme et yeux vifs azur intense sous les verres des lunettes.
« Tout remonte pour moi à cette prime enfance où j'officiais en tant que serveur de messe et d'autel. J'étais totalement envoûté et chaviré dès que l'orgue tonnait et que s'élevait l'Ave Maria du clavier », confie cet homme de Dieu qui n'en est pas revenu encore de la puissance de séduction de cet instrument-orchestre qui a du faste, de la majesté et le fait vivre au diapason céleste... «Au départ, je voulais être tout simplement organiste, même si je confondais encore le ré et le la », enchaîne-t-il en se moquant de lui-même, avec le recul du temps. « Je voulais aussi servir Dieu en musique, c'est ainsi qu'est né l'appel de ma vocation ! Monseigneur Antoine Dehman me disait : "Je vais t'envoyer à Roumieh", en pensant bien entendu à Rome... » Et chose fut faite : étude dans la Ville éternelle à l'École de la musique sacrée sous la coupe de son président, Mgr Valentino Miserachs, maître aussi de la basilique Sainte-Marie-Majeure (Vatican). Mais pour être organiste, c'était trop tard : il fallait des études de piano plus approfondies. « Alors, c'est le chant qui l'a emporté. Avec diplôme en main. »

Une école pour enseigner l'orgue
Bien sûr, tout le monde connaît en lui le maître de chant et de chœur. Mais comment expliquer aujourd'hui son zèle pour l'orgue ?
«En effet, j'ai fondé à la NDU une école de musique, mais aussi une chorale, avec plus de 50 voix mixtes, ainsi qu'une chorale pour enfants de 7 à 14 ans. De même qu'en 2003, j'étais l'instigateur de la chorale du Conservatoire. Mais mon attachement pour l'orgue ne s'est jamais assoupi. Je reste fidèle à ce moment éblouissant où j'ai entendu pour la première fois la Toccata de Bach. L'œuvre chorale du cantor me troublait avec ses fusions de voix, ses canons, son architecture dentelée, précise, adroite. Et aujourd'hui, je suis littéralement transporté, je ne reste plus sur terre lorsque j'entends le Concerto en la mineur de Vivaldi transcrit pour orgue par Bach. C'est avec la NDU, il y a trois ans, où l'institution Tanburuni a ajouté 12 jeux à un orgue racheté de Rome et décoré ici par Habib Salamé, que s'est concrétisé le projet des orgues en l'inaugurant à Noël. Depuis, une école pour orgue s'est formée, avec un enseignement rigoureux. Et il y a déjà plusieurs élèves. Mon ambition est de faire une semaine d'orgue (probablement le lancement sera en février prochain) avec des concerts pour ces jeunes apprentis des claviers (c'est ainsi qu'on révèle la force d'envoûtement de cet instrument-orchestre et qu'on le fait aimer du public), mais aussi en invitant des interprètes étrangers. Déjà Cosimo Prontera, qui a récemment interprété La Symphonie n° 3 de Saint-Saëns à l'USJ, avec ses nombreuses visites au pays du Cèdre, a déblayé le chemin. Nagi Hakim en tête de liste de nos guest stars, mais aussi Édouard Leysen (titulaire de la basilique de Lisieux), Paul Lecot (basilique de Lourdes)... Et pour ceux qui l'ignorent, l'orgue a une cérémonie de consécration, parfaitement sérieuse, avec eau bénite aspergée... Cet engouement et ce renforcement aux orgues s'étendent actuellement au privé. Tel Teddy Rahmé qui, dans sa demeure à Adma, installe un orgue, non à titre décoratif, mais pour le plaisir sonore entre improvisation et morceaux écrits. »

Entre ses multiples activités, Khalil Rahmé a-t-il le temps de s'adonner à la composition ?
«Bien sûr. Il y a d'abord l'oratorio de Saint-Paul de Tarse (avec une orchestration de Iyad Kanaan) donné au Carnegie Hall, Le Cantique à Gibran (bon sang de Bécharré ne saurait pas mentir!) et l'oratorio al-Mawarina wa majd Loubnan (texte du père Mouannès et musique en collaboration avec Fady Tawk) où pour la première fois la voix de Jésus (toujours avec baryton ou ténor) est ici chantée par un trio de jeunes enfants garçons. »

 

Pour mémoire
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