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Moyen Orient et Monde - Conflit

Les frappes turques en Syrie sont « un signal politique tout autant que stratégique »

La nouvelle politique d'Ankara est périlleuse, au vu notamment des risques de représailles qu'elle peut entraîner.

Photo d’archives montrant un F-16 turc quittant son hangar pour décoller de la base militaire d’Incirlik, dans le Sud turc. Umit Bektas/Reuters

La décision de frapper militairement le groupe État islamique (EI) en Syrie constitue un tournant dans la politique jusqu'à présent très ambivalente d'Ankara, mais qui n'est pas sans risques, estiment des experts.
L'aviation turque a lancé hier son premier raid aérien contre des positions jihadistes en territoire syrien, rompant avec une retenue qui alimentait les suspicions sur l'attitude d'Ankara. « Le signal est politique tout autant que stratégique », estime Michael Stephens, de l'antenne au Qatar du Royal United Services Institute (RUSI), un centre de réflexion britannique. En restant l'arme au pied face à la progression de l'EI, « les Turcs étaient arrivés à un point où leur réputation était quelque peu entachée. L'EI est devenu trop important pour que la Turquie puisse continuer de faire mine de l'ignorer », ajoute-t-il. Pour Didier Billion, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, cette intervention « signifie que la Turquie entre réellement dans la coalition » internationale menée par les États-Unis pour lutter contre l'EI en Irak et en Syrie, dont Ankara était jusqu'à présent un partenaire discret. Les bombardements turcs « ne sont pas un simple avertissement » mais constituent « une nouvelle séquence politique », assure-t-il.


Certains analystes voient aussi un repositionnement d'Ankara dans le « grand jeu » qui se déroule entre puissances de la région à la faveur du conflit syrien. « La Turquie donnait jusqu'à présent la priorité à la lutte contre les forces du président (Bachar el-) Assad plutôt que l'EI. Les développements des derniers jours suggèrent que cela change », affirme Ege Seckin, spécialiste de la Turquie, basé à Londres, dans une analyse diffusée par l'institut d'études géopolitiques IHS. Pour ce chercheur, il est « aussi probable que la Turquie cherche à s'assurer une position en Syrie » face à la montée en puissance de Téhéran, soutien avéré du régime de Damas, qui se profile après le récent accord sur le nucléaire iranien.

Moins de tension avec Washington
La décision d'Ankara de permettre à l'aviation américaine d'utiliser la grande base d'Incirlik, dans le sud du pays, pour agir en Syrie va offrir à Washington un tremplin idéal pour frapper l'EI. Et lever un point de tension entre Ankara et Washington, qui réclamait cette mesure avec insistance. « Il y a beaucoup d'autres bases dans la région d'où les États-Unis peuvent opérer, mais être à une centaine de kilomètres à peine de la zone de contact offre un énorme avantage en termes de logistique et de frappes au sol », souligne Michael Stephens. Il faut s'attendre à voir arriver sur la base « toute une panoplie » de moyens aériens, « des avions d'attaque au sol et des drones », ajoute-t-il.

 

(Pour mémoire : La Turquie risque de s'enfoncer plus dans le bourbier syrien)


Le risque de voir les Kurdes de Syrie – et par extension ceux de Turquie – tirer profit de cette nouvelle donne vient toutefois compliquer l'équation pour la Turquie. « La Turquie cherche aussi à prévenir les aspirations autonomistes kurdes et assurer sa domination sur les groupes armés d'opposition en Syrie », souligne Ege Seckin. Dans ce cadre, les frappes turques pourraient présager « une entente avec les Américains » pour « l'établissement d'une zone-tampon » en Syrie, près de la frontière turque, permettant de contrer les jihadistes comme leurs adversaires kurdes. Pour Aaron Stein, collaborateur de l'Atlantic Council Rafic Hariri Center, implanté aux États-Unis, Ankara « veut que les opérations aériennes frappent l'EI dans la région, mais sans devenir un soutien aérien au PKK ». Le renforcement annoncé de la sécurité à la frontière turco-syrienne répond aussi au risque de voir cet engagement militaire en Syrie se traduire en représailles avec un regain d'attentats sur le territoire turc. Pour Michael Stephen, « les Turcs sont sur une corde raide, parce que s'ils commencent à attaquer l'EI à la racine et dans ses ramifications, il va se venger. Ils en sont conscients ».
(Source : AFP)

La Turquie déclare la guerre à l'EI

La Turquie s'est résolument engagée dans la lutte contre le groupe État islamique (EI) en menant hier ses premières frappes aériennes contre des positions jihadistes en Syrie, quatre jours après l'attentat-suicide meurtrier attribué à l'EI qui a visé la ville frontalière de Suruç (Sud). Trois chasseurs F16 de l'armée de l'air turque ont ainsi bombardé plusieurs positions tenues par le mouvement radical sur le territoire syrien, face à la ville turque de Kilis (Sud).


Les frappes turques ont visé trois bâtiments situés jusqu'à 14 km à l'intérieur de la Syrie, dans les districts d'el-Tabiye, el -ahiriye et Burgi, a rapporté l'agence progouvernementale Anatolie. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les frappes turques ont tué 9 combattants jihadistes. La frontière est restée calme hier dans ce secteur, surveillé par d'importants effectifs militaires, a constaté une journaliste de l'AFP. Seuls quelques tirs isolés d'origine inconnue ont été entendus dans la journée côté syrien. À l'heure de mettre sous presse, de nouveaux raids turcs étaient en cours en Syrie. D'autres avions ont décollé hier soir de la base de Diyarbakir dans le sud-est pour frapper plusieurs camps des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak, selon les télévisions turques.
Le raid des avions turcs a été ordonné en représailles à l'attaque menée jeudi par un groupe de combattants jihadistes contre un poste avancé de l'armée turque près de Kilis. Un sous-officier turc a été tué et deux autres soldats blessés.
« L'opération menée contre l'EI a rempli son objectif et ne s'arrêtera pas », a affirmé devant la presse le Premier ministre Ahmet Davutoglu. « Ce qui s'est passé depuis quelques jours montre que la situation n'est plus sous contrôle », a renchéri le président et homme fort du pays, Recep Tayyip Erdogan, « ce n'est pas une opération d'une nuit, elle continuera avec détermination ».

 

Près de 300 arrestations
Sur leur propre sol, les autorités turques ont également mené hier dans tout le pays un coup de filet inédit contre des membres présumés de l'EI, la Turquie constituant le principal point de passage des recrues jihadistes vers la Syrie. Cette opération antiterroriste a également visé l'extrême gauche et, surtout, les rebelles du PKK, qui ont revendiqué le meurtre de deux policiers en riposte à l'attentat de Suruç. Selon M. Davutoglu, 297 personnes soupçonnées d'appartenir à un « groupe terroriste » ont été arrêtées dans 16 provinces du pays, dont 37 ressortissants étrangers. Parmi elles figure Halis Bayancuk, également connu sous le nom d'Abou Hanzala, présenté par l'agence Anatolie comme un responsable du groupe État islamique (EI) à Istanbul.


Comme presque chaque jour depuis l'attentat de Suruç, une manifestation contre l'EI et la politique syrienne de M. Erdogan a été violemment dispersée par la police hier soir à Istanbul. Et des milliers de personnes sont attendues demain après-midi dans la plus grande ville de Turquie pour une « marche pour la paix », à l'appel du principal parti kurde de Turquie.

 

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commentaires (3)

ILS ESSAIENT DE JUGULER L'ÉLAN KURDE... LES ACTIONS ATTIRERAIENT LES RÉACTIONS...

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 24, le 25 juillet 2015

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Commentaires (3)

  • ILS ESSAIENT DE JUGULER L'ÉLAN KURDE... LES ACTIONS ATTIRERAIENT LES RÉACTIONS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 24, le 25 juillet 2015

  • Maintenant qu'il a decide d'agir sur 2 fronts on va expliquer ce qui va se passer . Soit il ment , il ne frappe que sur un cote et fait croire que c'est kif kif , la question est sur qui il frappe vraiment ? Soit il frappe vraiment des 2 cotes , il va se mettre a dos tout le monde , parce que derriere chaque cote se trouve tapis des forces occultes qui les soutiennent , par exemple les yankys sont avec les kurdes et les arabies yahoudites avec les salafowahabites . De tout cote , ce mec portera le titre de erdocon parce qu'a entendre les specialistes parler de la situation en erdoconnerie , pour ce pays , les carottes sont cuites . Ce qui l'a rendu fou c'est les accords NPRIran /yanky , mais il n'y a pas que lui ..suite au prochain numero ...

    FRIK-A-FRAK

    10 h 59, le 25 juillet 2015

  • Le petit sultan Erdogan bombarde (ses amis de ) Daech et en même temps le PKK en Irak. Pour l'"équilibre" !

    Halim Abou Chacra

    05 h 32, le 25 juillet 2015

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