Le président du parti Kataëb, le député Samy Gemayel, a déclaré, hier, que la société Sukleen, chargée de la gestion des déchets de Beyrouth et du Mont-Liban, faisait de la récente crise des ordures un moyen d'imposer une autre extension de ses 20 contrats, l'accusant de faire partie d'une « mafia ».
« Il y a une société (Sukleen) qui a fait des profits s'élevant à deux milliards de dollars sur plus ou moins 20 ans, au détriment des Libanais et des municipalités desquelles on prenait systématiquement de l'argent sans leur autorisation préalable afin de les verser à Sukleen », a affirmé Samy Gemayel, au début d'un discours passionné sur la crise de la gestion actuelle des déchets. « Avec la plus grande grossièreté, et après avoir gagné ces énormes sommes d'argent, cette société a cessé la collecte des ordures dès le moment où son contrat a pris fin », a-t-il ajouté.
Les tas d'ordures se sont multipliés dans les rues de Beyrouth et du Mont-Liban depuis que Sukleen a arrêté la collecte des ordures dimanche soir après la fermeture de la décharge de Naamé. Aucun autre emplacement n'a été néanmoins aménagé comme alternative aux fins d'y vider les 3 000 tonnes quotidiennes produites par les deux régions.
M. Gemayel a blâmé Sukleen pour avoir « décidé » d'arrêter la collecte des ordures, en disant que cela s'inscrivait dans une « stratégie » utilisée par l'entreprise pour semer la panique et convaincre les dirigeants encore sceptiques de l'obligation de renouvellement de son contrat comme seule échappatoire à la crise. « Le but de leur décision est de menacer les Libanais, avec la poubelle inondant les rues, et forcer le maintien du statu quo pour maintenir le vol systématique des revenus des municipalités », a-t-il dit. « Cette pratique de l'extorsion devait être stoppée il y a longtemps », a-t-il matraqué. Le chef des Kataëb a ajouté que la société a utilisé cette tactique chaque fois que le pays était sur le point de lancer un appel d'offres, d'où l'écart de 15 ans entre le dernier appel d'offres et celui qui a été lancé cette année.
Accusant Sukleen de détournement de fonds publics, M. Gemayel a déclaré que le prix que le gouvernement paie actuellement à la société pour chaque tonne de déchets collectée, et qui est de 140 dollars, correspondait au double du maximum accepté par tout autre pays. En plus de cela, selon le jeune député, la société ajoute à ses profits illégitimes un gain supplémentaire obtenu grâce à l'argent qu'elle perçoit de la vente des déchets recyclables. Cet argent, a-t-il souligné, devrait plutôt être déduit de ce que l'État verse à Sukleen pour ses services.
« Sans l'avis de personne »
Samy Gemayel a également critiqué « la décision de la société de ne pas trier les déchets », la tenant pour responsable d'une grande partie de la pollution. Selon lui, les déchets doivent être triés en trois catégories : les déchets recyclables vendus à des entreprises, les déchets organiques qui pourraient servir d'engrais agricoles, et les déchets solides non polluants utiles pour réhabiliter des zones déformées par les carrières.
« Sukleen a économisé l'argent requis pour ce processus de recyclage qui fait partie intégrante de son contrat, en vendant des déchets recyclables et jetant tout le reste dans les sites d'enfouissement sans aucun tri », a-t-il dit. « Les décharges censées être aménagées selon des normes sanitaires précises ont ainsi été transformées en installations polluantes d'où se propagent des gaz toxiques et des odeurs nauséabondes », a-t-il poursuivi, donnant comme exemple la décharge de Naamé. Il a appelé par ailleurs le bureau du procureur financier de l'État à se pencher sur les chiffres et à retenir la responsabilité de Sukleen dans la violation des contrats et l'abus de fonds publics.
M. Gemayel a souligné que les ministres de son parti avaient suggéré un certain nombre de réformes concernant le cahier des charges, mais qu'elles furent rejetées probablement sous la pression de ladite société, faisant ainsi des responsables politiques ses complices.
Suggérant une « solution immédiate » à la crise actuelle, le président des Kataëb a estimé que l'État devrait mettre la main sur les propriétés publiques utilisées par Sukleen, telles que les usines et les sites d'enfouissement. En effet, pour résoudre ce problème à court terme, le député a proposé au Premier ministre, Tammam Salam, de prendre en charge ce dossier « sans l'avis de personne » car il y va de l'intérêt des Libanais. « Il est vrai que le contrat avec Sukleen a pris fin, mais l'État peut profiter des contrats existants et de l'infrastructure actuelle et acheter tout le matériel et les camions de la société afin de poursuivre la collecte des ordures à titre provisoire, le temps de trancher la question de l'appel d'offres qui doit être transparent afin de motiver d'autres compagnies à se présenter », a expliqué Samy Gemayel.
Quant à la solution à long terme, les fédérations des municipalités doivent, selon lui, prendre le contrôle de ce secteur en choisissant les emplacements de leurs propres sites d'enfouissement.
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LA LIBRE EXPRESSION
09 h 11, le 23 juillet 2015