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Liban - Commentaire

La politique du n’importe quoi...

Lorsque le populisme primaire dépasse les limites de l'entendement, il atteint rapidement le stade de l'offense à l'intelligence de l'opinion publique. C'est sur cette voie que le courant aouniste s'est malencontreusement engagé en foulant au pied les impératifs de la stabilité interne ou même de l'action politique rationnelle et mûrement réfléchie.

La gesticulation politico-médiatique, hautement stérile, à laquelle se sont livrés le directoire et les partisans du CPL au cours des derniers jours ne mériterait même pas que l'on s'y attarde trop tant elle a pris une tournure loufoque. Il reste que, pour la petite vérité historique, et afin d'éviter bien des égarements, quelques observations devraient malgré tout être soulevées. Car il faudrait quelque part mettre une limite au cycle destructeur qui consiste à crier haut et fort quelque chose et faire, sans sourciller, exactement son contraire.
Dans une tentative flagrante de verser dans la provocation, en mettant sciemment à profit la présence des caméras de télévision, le ministre Gebran Bassil n'a pas attendu hier l'ouverture de la séance du Conseil des ministres pour se lancer, devant les cameramen, dans une virulente diatribe contre le Premier ministre Tammam Salam, l'accusant de violer la Constitution en cherchant à s'accaparer les prérogatives du président de la République ! M. Bassil était sans doute trop jeune en 1988 lorsque son beau-père avait lancé, au palais de Baabda, sa tristement célèbre boutade : « Je suis président et six ministres », faisant fi, sans aucun scrupule, du boycott de son cabinet de transition par l'ensemble du leadership islamique et par les trois ministres musulmans nommés alors par le président Amine Gemayel. Le général Michel Aoun n'avait ainsi trouvé à l'époque aucun inconvénient constitutionnel à maintenir au pouvoir pendant près de deux ans une équipe ministérielle amputée de sa faction musulmane.
Ironie du sort : celui qui se pose aujourd'hui en porte-étendard des « droits des chrétiens » entrait, quand il était à la tête de ce gouvernement de transition, dans une forte colère lorsque certains journalistes français le qualifiaient de « général chrétien »... À ce propos, précisément, les Libanais se souviennent-ils du discours prononcé par le général Aoun le jour de son retour d'exil, en 2005, lorsqu'il avait déclaré, en substance, devant la foule de ses partisans rassemblés place des Martyrs, qu'il fallait bannir le discours confessionnel, invitant expressément ses adeptes à le ramener à l'ordre et lui réclamer des comptes s'il venait à adopter une ligne de conduite confessionnelle ?
Les temps ont changé, pourraient répliquer certains. Qu'à cela ne tienne, venons-en au contexte actuel. Le leader du CPL est à la tête du bloc du « Changement » et de la « Réforme », et il a choisi en outre comme cheval de bataille, entre autres, la dénonciation de la corruption politique. Nombre de questions fusent spontanément dans ce cadre. Pourquoi le député aouniste de Jezzine, Issam Sawaya, est-il toujours absent, quasiment, de la scène parlementaire, depuis pratiquement les dernières élections législatives ? Par quelle gymnastique de l'esprit est-il possible de concilier, dans ce même ordre d'idées, ce slogan de la « réforme » et du « changement » avec le népotisme à caractère familial qui ne cesse de dicter le comportement politique du chef du CPL ? Seul le général Aoun est ainsi habilité à être président de la République. C'est ou lui (et lui seul) au palais de Baabda, ou le blocage sine die de la présidentielle. Cela n'empêche pas cependant de stigmatiser sévèrement les atteintes « à la démocratie », « aux prérogatives du président de la République » et aux « droits politiques des chrétiens »...
Sur base de la même logique, seul le beau-fils doit être nommé à la tête de l'armée. À défaut, le gouvernement doit être paralysé et, au besoin, il ne faudrait surtout pas hésiter, pour arracher cette nomination, de provoquer des troubles et de faire vibrer la fibre sectaire, au risque de porter atteinte (pourquoi pas?) à la paix civile, déjà bien fragile. L'expérience à cet égard avait déjà été tentée lors de la formation du cabinet Hariri, au lendemain des élections de 2009, lorsque la naissance du gouvernement avait été retardée de plusieurs mois parce qu'il était impératif d'octroyer un portefeuille ministériel à l'autre beau-fils. Le « changement » et la « réforme » peuvent se permettre après tout quelques déviations, au service de la famille.
La lutte pour le pouvoir est, certes, légitime et monnaie courante. Mais lorsque les slogans affichés sont constamment et durablement aux antipodes de la pratique politique, on dépasse alors le cercle réducteur de la realpolitik pour verser pitoyablement dans la politique du n'importe quoi.

Lorsque le populisme primaire dépasse les limites de l'entendement, il atteint rapidement le stade de l'offense à l'intelligence de l'opinion publique. C'est sur cette voie que le courant aouniste s'est malencontreusement engagé en foulant au pied les impératifs de la stabilité interne ou même de l'action politique rationnelle et mûrement réfléchie.
La gesticulation...

commentaires (11)

ET QU'EN SORT-IL ?.... DU VENT !!!

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 07, le 10 juillet 2015

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • ET QU'EN SORT-IL ?.... DU VENT !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 07, le 10 juillet 2015

  • Pauvre Liban, tombe entre les mains d'abrutis et foule au pieds par des voyous. Que reste-il de ce Liban qui jadis etait qualifie de la Suisse du Moyen rien? RIEN, strictement rien, et tout le monde veut encore croire que c'est une democratie.....

    IMB a SPO

    15 h 53, le 10 juillet 2015

  • L'ABRUTISSEMENT ET L'HÉBÉTUDE FRAPPENT TOUS LES ABRUTIS SANS EXCEPTION AUCUNE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 09, le 10 juillet 2015

  • Il y a indéniablement, depuis le retour d’exil de ce bigaradier dépassé du siècle passé, un genre populiste boSSfaïr dont ce pays ne sort pas indemne. Pour le pire, et non pour le meilleur tout de même. Une sorte de poujadisme de rupture orange amère. Avec notamment l’usage de la provocation s'exprimant, e.g. dans l’insulte comme dans la diatribe ; exercices devenus emblématiques de ce courant d’air en roue "libre". Il faut distinguer quelques événements majeurs, genre raz de marées confessionnelles et sectaires de "style pur" boSSfèèèr, qui font que ces 2 ou 3 Cazas "chréti(e)ns" orangés n'ont plus eu la même couleur ! Type cette saleté de politique politicienne bon marché qui re- dévasta cette nouvelle archaïque société et suscita de nouvelles solidarités au raz des pâquerettes ultras intra-communautaires sectaires ; un fanatisme aveugle qui fait que le savoir et l'intelligence a minima sont devenus improductifs dans ce milieu si "chréti(e)n" ; l'effondrement de la centralité de l’Etat qui généra une multitude de "courant d’air sectaires prédominants pareils, ayant à gérer seuls l'intrusion du sectarisme bête ; et un conflit en sœur-syrie à côté qui imposa son tempo infernal ! En tout cas, il reste au genre "chréti(e)n" à se délecter de toutes ces sortes de petites gâteries oranges-amères. Et, cependant que le Grand-Liban croule sous ses fondations, sœur-syrie en sa partie Saine persévère, en revanche elle, dans sa Sainte Révolution. On l’appelle : l’Arabe Printanière !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 01, le 10 juillet 2015

  • Ce n'est pas la politique du n'importe quoi, c'est essentiellement de la "saleté" politique....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 57, le 10 juillet 2015

  • Je suis toujours étonné et abasourdi devant la grande et impudente mauvaise foi des partisans quels que soient les partis ! Comme si être partisan revient à renier l'intelligence et le droit (ou la justice) . Merci pour votre article plein d'enseignements!

    Hamed Adel

    09 h 55, le 10 juillet 2015

  • Vous avez oublié le marteau (chakouche) avec lequel Michel Aoun avait promis de casser la tête de Bachar el-Assad et qu'après peu, il est allé en Syrie pour lécher le c... de ce même Bachar. Dans tous les cas, à trop jouer avec le feu on se brûle. Ni Michel Aoun (82 ans) n'arrivera à Baabda ni son gendre à Yarzé. C'est réglé. Dont acte.

    Un Libanais

    09 h 27, le 10 juillet 2015

  • et c'est ce n'importe quoi qui pretend vouloir contrôler notre destinée et nous engouffrer un peu plus dans la m..... Absolument risible et nauséeux.

    Tabet Karim

    09 h 20, le 10 juillet 2015

  • Iznogoud-Aoun n'est pas le représentant des Chrétiens, il représente un des partis politiques chrétiens. Nul ne l'a désigné représentant des Chrétiens libanais. De surcroît, cet homme ignore la mesure, la pondération, la modération, le sang-froid. Tout chez lui est émotionnel, démesuré, impulsif, emporté, bouillant, irréfléchi, loin des attributs de l'art de la politique et du pragmatisme nécessaire à la solution des problèmes. Il s'acharne dans une lutte d'intérêts personnels déguisés en débat de grands principes. Devenu vieux, il semble n'avoir rien appris tout au long de sa vie. Et l'on se demande comment un homme incapable de se maîtriser lui-même sera-t-il en mesure de gouverner un pays?

    Dounia Mansour Abdelnour

    09 h 11, le 10 juillet 2015

  • Merci Michel Touma. Vous avez resume en quelques lignes 17 ans de notre vie, avec Michel Aoun et sa poursuite du "pouvoir". Je me suffirai de citer Jorge Luis Borges, ecrivain argentin, qui disait:" l'idee de commander et d'etre obei est le propre d'une mentalite infantile." C'est triste a mourir.

    michele bibi

    05 h 10, le 10 juillet 2015

  • "Une politique du n'importe quoi" et un enfantillage "loufoques". Une décadence indescriptible et à toute épreuve. Pauvre pays !

    Halim Abou Chacra

    03 h 58, le 10 juillet 2015

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