Contrairement à ce que croient ceux qui ont déjà commencé à préparer leurs « compteurs de têtes », après les appels répétés à la mobilisation au sein du CPL, le général Michel Aoun ne mise pas sur le nombre dans son nouveau plan d'action contestataire. C'est en principe jeudi, pendant ou à la fin de la réunion du Conseil des ministres, que M. Aoun donnera probablement le signal du début des protestations. Mais il miserait pour cela sur un noyau dur de quelques milliers de partisans qui seraient prêts à descendre dans la rue, à bloquer certains lieux officiels et éventuellement des artères principales. En dépit de la volonté de certains de présenter cette action comme « l'expression désespérée de l'échec » ou comme « une réaction de dépit improvisée », le général Aoun a bien calculé son coup. Les protestations de demain devraient donc être bien différentes de celles qui ont eu lieu au cours des dix dernières années.
D'abord, l'armée ne sera probablement pas dans les rues pour contrer le déploiement des « aounistes », car dans une situation aussi délicate, le commandement de l'armée ne souhaite sans doute pas s'impliquer dans les conflits internes, d'autant que les nominations militaires sont au cœur des revendications du CPL. Ensuite, contrairement à ce qui s'est passé au cours de protestations précédentes, cette fois, les militants des Forces libanaises ne devraient pas descendre dans la rue pour contrer l'action du CPL, ni même les partisans des Kataëb. Tout en se distinguant de la position aouniste, les FL et le parti Kataëb ne peuvent pas se déclarer ouvertement hostiles à la « bataille pour la reconquête des droits chrétiens », comme appellent désormais les aounistes ce mouvement de protestation. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le timing de ce mouvement de protestation a été décidé après l'entente sur une déclaration d'intentions entre le CPL et les Forces libanaises, qui porte essentiellement sur la nécessité de redonner aux chrétiens leurs droits, et de renforcer leur présence et leur poids au sein de l'appareil étatique.
Dans ce contexte, les Forces libanaises ne déclareront certes pas leur appui au recours à la rue pour obtenir les droits, mais au moins, elles devraient se cantonner dans une sorte de neutralité positive, et de toute façon, elles ne sont pas prêtes à descendre dans la rue contre le mouvement de protestation du CPL. Même chose pour les Kataëb, qui n'ont certes pas apprécié le dialogue entre le CPL et les FL, mais qui ont aussi fait des droits des chrétiens leur cheval de bataille, le nouveau chef du parti ayant même promis aux chrétiens de « les sortir de la situation d'humiliation dans laquelle ils se trouvent ».
Quant au chef du courant des Marada, l'ancien ministre Sleiman Frangié, il appuie les revendications du CPL tout en évitant de participer directement au mouvement dans la rue. C'est dire qu'aujourd'hui, et avec le silence tonitruant de Bkerké, le général Aoun a réussi, bon gré, mal gré, à convaincre la majorité des composantes chrétiennes de la justesse de la cause qu'il défend et il a imposé son credo à la situation politique dans son ensemble. Le gouvernement se trouvera dans l'obligation d'envoyer les FSI rouvrir les routes que fermeront les partisans du CPL, mais au final, cela ne fera que renforcer ce dernier sur le plan populaire.
Sur le plan stratégique, la décision de Michel Aoun de recourir à la rue s'inscrit aussi dans une lecture précise des développements régionaux et internationaux. En dépit de la signature probable d'un accord sur le dossier nucléaire iranien entre l'Iran et les six puissances, il semble que la région se dirige vers plus de tensions et de conflits. Selon des sources proches du 8 Mars, le mot d'ordre de la période actuelle serait d'ailleurs venu de l'Arabie saoudite. Au cours de sa dernière visite officielle à Djeddah à la tête d'une délégation gouvernementale, le Premier ministre Tammam Salam a entendu des propos très fermes de la part des dirigeants saoudiens sur la nécessité de ne faire aucune concession au Hezbollah ou à ses alliés parce que la confrontation avec l'Iran se poursuit et elle est même appelée à s'amplifier. Certes, le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah doit se poursuivre avec un plafond assez bas, celui d'éviter les dérapages sur le terrain, mais pour le reste, aucune solution ne peut être envisagée. La tendance générale est donc à l'escalade politique, et l'action de protestation que compte lancer Michel Aoun est en phase avec cette tendance. Certaines parties locales et régionales estiment à cet égard qu'il serait peut-être utile de pousser les conflits jusqu'à l'extrême pour provoquer une solution... Sachant toutefois qu'il n'est pas question de mettre en cause la stabilité interne, celle-ci restant une priorité à la fois locale, régionale et internationale. Dans ces conditions, le recours à la rue reste dans les limites de l'acceptable, c'est-à-dire qu'il ne menace pas la stabilité, tout en aboutissant à paralyser les institutions pour pousser justement ceux qui tiennent les clés de la solution à l'intérieur comme à l'extérieur de songer sérieusement à les utiliser.
commentaires (11)
c'est vraiment croire que les chretiens sont spolies au Liban les chretiens perdent parce qu'ils ne sont pas unis derriere un chef Que cesse cette bagarre entre eux et les Chretiens auront tous leurs droits Que continue cette bagarre et on les retrouvera tous sur le chemin de l'exil un jour prochain A entendeur SALUT
LA VERITE
16 h 21, le 08 juillet 2015