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Moyen Orient et Monde - nucléaire iranien

« Un bon accord est un accord qui rassure les alliés des grandes puissances »

Djamchid Assadi, professeur à l'École supérieure de commerce de Dijon et spécialiste de l'Iran, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Les ministres des grandes puissances et de l’Iran se sont retrouvés hier autour de la même table à Vienne, dans l’espoir d’arracher enfin un compromis historique sur le nucléaire. Département d’État américain/AFP

Dénouement attendu ce soir pour l'accord sur le nucléaire iranien, qui aura tenu le monde en haleine durant deux années de négociations avec quelques rebondissements. Une nouvelle extension de la date butoir d'aujourd'hui paraît peu probable. Dans deux jours, la Maison-Blanche sera tenue d'envoyer le texte de l'accord final au Congrès américain. Au cas où les négociations seraient amenées à être prolongées, l'examen ne prendra plus trente jours mais le double, ce qui permettrait aux opposants à l'accord de faire capoter le processus.

Si les 5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Russie, France et Allemagne) et l'Iran parviennent à un accord, quels en seront les termes?
Ce qu'on attend de la République islamique est très clair. Il n'est pas exagéré de dire que l'accord que la République islamique se serait engagée à respecter correspond pratiquement à la fin de l'énergie nucléaire que Téhéran espérait mettre sur pied. La technologie sera bien contrôlée, de même que l'enrichissement de l'uranium. S'il y a un accord, la question principale sera de savoir quelles seront les échéances de la levée des sanctions. On peut espérer un engagement plus clair en ce qui concerne les failles du contrôle de la part de la communauté internationale.

Quelles seront les conséquences politiques au niveau de la communauté internationale en cas d'accord ?
Je pense qu'il y a également une mission qu'on aimerait bien confier à l'Iran dans la région, comme cela a déjà été le cas, en l'occurrence la lutte contre Daech (acronyme du groupe État islamique en arabe) et le jihad islamique. Cette idée n'est pas dépassée, elle est toujours sur le tapis, mais elle a énormément inquiété les pays arabes et Israël. Je pense que la communauté internationale attend beaucoup plus sur l'énergie nucléaire. Dans un premier temps, les États-Unis ont très souvent montré une certaine indulgence à l'égard du programme nucléaire iranien quand la République islamique était engagée dans le combat contre Daech. Mais depuis que cette position a inquiété les pays arabes et Israël, elle s'est durcie.


(Lire aussi : La Maison-Blanche n'exclut pas que les négociations se poursuivent au-delà de la date butoir)

 

Après l'accord, est-ce que chacune des grandes puissances aura le même type de relation avec l'Iran? Une diplomatie bilatérale est-elle possible?
Non, une diplomatie bilatérale n'est pas encore possible. De manière générale et dans le meilleur des cas, l'Europe va bénéficier énormément des privilèges économiques en Iran. Quant au gain des Américains, il sera surtout d'ordre politique. Concernant les 5+1, la différence réside dans le fait que l'Europe est impliquée dans les sanctions contre la République islamique par le truchement des sanctions approuvées par le Conseil de sécurité et dans le cadre de l'UE qui a soutenu ce dernier. Or les États-Unis avaient imposé des sanctions contre l'Iran avant même la révolution. Même si elles existaient déjà, les sanctions américaines ont été renforcées après les résolutions du Conseil de sécurité. Lorsqu'on va commencer à alléger les sanctions, ce sera surtout celles du Conseil de sécurité. L'un des litiges entre le groupe 5+1 et la République islamique est le suivant : celle-ci a dit « d'accord, nous acceptons tout », et c'est elle qui a pratiquement tout accepté, mais elle réclame la levée immédiate des sanctions. Ce sera au groupe 5+1 et surtout au Conseil de sécurité de lever les sanctions. Quant au Congrès américain, ce sera une autre paire de manches.


(Reportage : Maisons closes et balades en vélo en marge des négociations sur l'Iran)

 

L'un des points de désaccord a été les sanctions sur les technologies balistiques qui, pour les Iraniens, ne devraient pas être reliées à la question du programme nucléaire...
Concernant les technologies balistiques, il s'agit avant tout de rassurer Israël, les pays arabes ainsi que la Turquie, et de montrer que l'Iran sera très loin de l'armement nucléaire potentiel. Pour ce faire, non seulement les grandes puissances demandent la restitution de l'uranium hautement enrichi et requièrent un contrôle de la technologie nucléaire, mais elles exigent également que les sanctions sur les technologies balistiques soient maintenues.

Après accord, les adversaires pourront-ils encore agir ?
Je pense que c'est surtout avant l'accord que cela est possible. Après, ça ne changera pas grand-chose. Les États, à part Israël, les pays arabes et la Turquie attendent de voir un « bon accord ». Obama et Kerry ont répété qu'ils souhaitent un bon accord, ce qui sous-entend un accord qui rassure les alliés dans la région.

Si l'accord est trouvé, il est supposé s'inscrire dans la durée. Pourra-t-il pour autant être rompu à force de volonté politique ?
Personne ne peut prévoir que l'interlocuteur va respecter sincèrement un accord. On ne peut pas dire que les deux parties vont le respecter, et plus particulièrement la République islamique. S'il y avait un mécontentement au niveau de la République islamique, c'était justement à cause de cela. L'Iran a dit qu'elle concède tout si les sanctions sont levées sur-le-champ. Mais la communauté internationale ne peut y répondre positivement car il faudra un moment pour voir si les engagements seront respectés. On ne peut pas savoir à l'avance. Il y aura toujours une période d'essai parce que, pour la communauté internationale, le problème est le suivant : si jamais la République islamique ne respecte pas ses engagements, la communauté internationale est une société de droit qui ne peut pas du jour au lendemain rétablir les sanctions. Le processus prend du temps. Donc elle préfère annoncer qu'elle lèvera les sanctions au fur et à mesure.

 

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