Alors qu'on pouvait espérer que le week-end rendrait possible une quelconque tentative de rapprocher les points de vue totalement divergents entre le Sérail et Rabieh, il n'en fut rien. Contacté par L'Orient-Le Jour, le ministre des Affaires sociales Rachid Derbas a confirmé hier la tenue du Conseil des ministres jeudi prochain « à moins d'être empêché par les foules d'accéder au Sérail », a-t-il relevé non sans une pointe d'ironie.
Le Premier ministre Tammam Salam ne change donc pas le cap, et à l'ordre du jour figurent quelques points qualifiés de vitaux par le Sérail, parmi lesquels « la validation d'une donation dont doit bénéficier le Liban, l'approbation de certains crédits et, enfin, la question des appels d'offres dans le cadre du nouveau plan national de gestion des déchets ». Du côté du Changement et de la Réforme, le député Alain Aoun a assuré que son bloc attendait d'obtenir une copie de l'ordre du jour de la séance ministérielle pour prendre position, mais que, dans le même temps, « le Courant patriotique libre va user de tous les moyens possibles pour ne pas paralyser l'action du gouvernement ». Car il faut également savoir qu'au sein des alliés du Courant patriotique libre, l'enthousiasme n'est pas palpable quant à un blocage total du gouvernement. En effet, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, n'avait-il pas affirmé en fin de semaine dernière que son parti était « attaché au gouvernement » ? Ce à quoi a répondu Rachid Derbas hier que Tammam Salam ne souhaitait « la démission d'aucun pôle de son gouvernement ».
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Il convient de noter qu'en plus du clash Sérail-Rabieh, la question de la redynamisation du Conseil des ministres laisse perplexes plusieurs pôles chrétiens, dont le parti Kataëb pour lequel l'essentiel de l'énergie politique devrait actuellement être axé sur l'élection d'un successeur à Michel Sleiman. Ce à quoi Rachid Derbas rétorque que « l'élection présidentielle étant inenvisageable en l'état actuel des choses, il faut bien commencer quelque part ». Et d'ajouter que les appels de Michel Aoun à investir la rue « sont irresponsables car ils interviennent à un moment où l'État tout entier est en train de s'écrouler ». Une crainte également exprimée hier par le chef du Parti national libéral Dory Chamoun qui a déclaré : « Michel Aoun ne voit personne d'autre que lui accéder à la présidence de la République (...) et nous espérons que le Hezbollah n'ira pas jusqu'à priver le pays de gouvernement à cause de cela. »
Pendant ce temps, les responsables des Forces libanaises ont choisi de se murer dans un silence médiatique vis-à-vis de tout ce qui concerne l'appel à la mobilisation populaire lancé vendredi dernier par M. Aoun. Hier soir, les membres du courant du Futur ont quant à eux été convoqués toutes affaires cessantes à Djeddah en Arabie saoudite afin de s'entretenir avec l'ancien Premier ministre Saad Hariri et convenir de l'attitude à adopter dans les prochains jours. Bref, l'embarras de la classe politique est presque palpable, et c'est peut-être ce qui a poussé le député aouniste Ibrahim Kanaan à s'exclamer : « Le seul fait que les chrétiens se rencontrent a provoqué des tempêtes. Qu'en sera-t-il lorsqu'ils tomberont d'accord? »
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Sur le terrain, les préparatifs en vue de la mobilisation populaire promise par Michel Aoun vont bon train. Elle concernerait les régions du Mont-Liban, de Baabda et du Koura. Tout devrait être prêt en vue d'investir les rues dans la soirée de jeudi, c'est-à-dire après la tenue de la séance ministérielle. Tout semble donc dépendre de l'atmosphère qui y régnera et de la teneur des décisions qui vont y être prises. Certaines sources informées évoquent également la possibilité de sit-in à durée indéterminée qui devraient être organisés autour de certains axes névralgiques comme le port et l'aéroport, mais aussi les alentours du Sérail.
En parallèle, les efforts tendant à donner un nouveau souffle à un pouvoir législatif presque moribond vont bon train. Les tractations pour parvenir à la signature, par un nombre suffisant de députés, du décret d'ouverture d'une session parlementaire extraordinaire tournent à plein régime. Cette initiative est perçue par les observateurs comme la confirmation de la consolidation des relations Sérail-Aïn el-Tiné, et c'est dans ce contexte que le député Amal Abbas Abbas affirmait hier que le président de la Chambre Nabih Berry « a opté pour le dialogue, seul moyen de protéger le tissu libanais et de sauver les institutions ».
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Il est temps de mettre fin à la paralysie politique qui plombe la vie politique et le fonctionnement normal des institutions. Le Premier Ministre a raison de convoquer un Conseil des Ministres car plusieurs dossiers urgents doivent être traités et débattus. Le Général Aoun et ses partisans auraient mieux fait de collaborer pleinement avec le Premier Ministre et envoyer leurs députés au Parlement pour élire démocratiquement comme il se doit, un nouveau Président de la République.
Tony BASSILA
12 h 00, le 06 juillet 2015