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Vis de forme

Insupportable d'inconscience et de faiblesse, il faut bien le reconnaître, est ce malade qui ne suit pas les prescriptions des médecins accourus à son chevet, qui s'obstine même à faire tout ce qu'il faut pour aggraver son mal ; mais est-ce là une raison d'arrêter le traitement, de couper la transfusion, de l'abandonner à son sort ?

C'est un peu ce qui se passe en ce moment pourtant, avec ces ultimatums que nous lancent en rafale gouvernements amis et organismes internationaux, nous sommant pratiquement d'adopter un comportement normal : la normalité, pour le Liban, commençant, bien entendu, par l'élection d'un président de la République.

Jeudi, c'est la coordinatrice spéciale de l'Onu qui convoyait au Sérail l'alarmant message : à moins d'une régulation des institutions, notre pays verra lui passer sous le nez bon nombre des aides et crédits qui lui ont été alloués. De même, la Banque mondiale menace d'annuler une série de projets qu'elle se disait prête à financer, si la persistance de la paralysie politique vient s'ajouter à un marasme économique marqué par une croissance minime et un taux de chômage en régulière progression.

Il n'y a pas que les chéquiers cependant qui sont soudain en panne. Toujours jeudi, et pour la première fois aussi clairement, l'ambassadeur Patrice Paoli expliquait le retard apporté à la livraison de matériel militaire français à l'armée par les crises frappant les diverses institutions : chaque projet devenant, déplorait-il, otage des forces politiques. Enfin, et comme pour faire bonne mesure, le Programme alimentaire mondial des Nations unies annonçait, le même jour, une nette réduction de son assistance aux réfugiés syriens, dont un million et quart résident au Liban.

Tant d'amicales exhortations, mais aussi de très sérieuses pressions multiformes, ont-elles quelque chance de porter leurs fruits, dans un pays où l'intérêt national passe bien après les allégeances étrangères et les ambitions dévorantes ? Les Libanais peuvent-ils mieux humer le vent que ces infortunés Grecs proprement balayés par les bourrasques ? On devine l'affligeante réponse. Mais la communauté internationale, elle aussi, devrait prendre garde à ne pas trop serrer la vis.

Châtier le Liban, c'est en effet offrir une prime inespérée à ceux précisément qui, du dedans comme du dehors, s'acharnent à déstabiliser et défigurer l'unique pays, dans ce Levant en flammes, pouvant encore – et malgré tout – se poser en modèle de diversité culturelle. C'est récompenser les naufrageurs, indécrottables adeptes du moi ou personne, qui bloquent l'élection présidentielle et entreprennent maintenant d'émasculer le gouvernement. C'est faire le jeu de l'Iran et de ses instruments ; et par voie de conséquence, c'est aussi offrir un terrain fertile au radicalisme adverse, comme si les viviers que sont les camps de réfugiés n'étaient pas encore assez.

Il rate des notes, le malheureux pianiste libanais ? De lui tirer dessus n'arrangera rien, bien au contraire.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Insupportable d'inconscience et de faiblesse, il faut bien le reconnaître, est ce malade qui ne suit pas les prescriptions des médecins accourus à son chevet, qui s'obstine même à faire tout ce qu'il faut pour aggraver son mal ; mais est-ce là une raison d'arrêter le traitement, de couper la transfusion, de l'abandonner à son sort ?
C'est un peu ce qui se passe en ce moment pourtant,...