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Liban - L’éclairage

Pourquoi la démarche antiblocage de Salam marque le début d’une nouvelle étape...

Les ministres du Courant patriotique libre (CPL) ont tenté jeudi, en Conseil des ministres, de soulever la question des prérogatives constitutionnelles du président du Conseil en s'opposant à l'ordre du jour de la séance. Les ministres aounistes ont ainsi estimé que ce qui s'est produit représente une atteinte au mécanisme d'action du Conseil. Cette position a été interprétée par certains ministres comme une menace de recours à l'escalade, ce qui a poussé le Premier ministre Tammam Salam à y répondre illico presto. « Vous avez abusé de ma patience, mais celle du pays a des limites. Vous pouvez protester, mais je ne me soumettrai pas aux sautes d'humeur. Cela fait un an que vous tentez d'empêcher le cabinet de fonctionner, et vous tentez de prendre l'aspect de la victime, alors que c'est nous qui sommes les victimes de la politique de blocage », a affirmé M. Salam, à l'adresse des ministres aounistes.
Exprimant son soutien au président du Conseil, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, s'est lui aussi adressé aux ministres du CPL : « Vous considérez que les questions importantes nécessitent une unanimité. La nomination du commandant en chef de l'armée entre dans le cadre de cette catégorie de questions, et ce que vous proposez ne fait pas l'unanimité. Or vous voulez que votre proposition soit adoptée, alors qu'elle n'a même pas la majorité des voix. » M. Machnouk a rappelé aux belligérants qu'il avait lui-même proposé précédemment la nomination de Imad Othman à la tête des Forces de sécurité intérieure (FSI) et qu'il n'avait pas obtenu de consensus autour de cette démarche... « Je n'ai pas bloqué les séances du Conseil des ministres pour autant », a souligné le ministre de l'Intérieur.
Mettant fin à plus de trois semaines de paralysie du gouvernement, la séance de jeudi représente une volonté farouche de briser la logique du blocage, de combler le vide et de redynamiser les institutions, ou, tout au moins, le Conseil des ministres, puisque la décision d'ouvrir une session extraordinaire de la Chambre n'a pu recueillir les voix de la moitié des membres du gouvernement. La séance a permis de soulever plusieurs problématiques, notamment sur le plan consensuel, constitutionnel, légal, etc. Certains ont tenté de rester attachés au mécanisme appliqué par Tammam Salam lorsque les ministres du CPL avaient détruit le précédent mécanisme, lors de la séance sur les nominations des membres de la commission de contrôle des banques. Si bien que, pour un ministre membre de la Rencontre consultative centriste, le CPL paie aujourd'hui le prix de ce mécanisme qu'il a lui-même détruit à l'époque.
Selon des sources proches du Grand Sérail, Tammam Salam entend revitaliser le pouvoir exécutif et empêcher tout retour au blocage. Le président du Conseil est désormais convaincu que certains prennent prétexte du consensus pour paralyser les séances du Conseil des ministres. Il est vrai que le consensus est essentiel, mais il se transforme en mal aussitôt que certains l'exploitent pour bloquer la bonne marche des institutions, souligne un ministre proche du Premier ministre. En l'absence de consensus, le mécanisme de prise de décision prévoit le recours au vote, en vertu des usages constitutionnels. Quant à ceux qui se cachent derrière le prétexte des prérogatives du président de la République, qu'ils commencent d'abord par se rendre à la Chambre et par assurer le quorum pour l'élection présidentielle, souligne un ministre du courant du Futur. Aucune partie ne peut en effet imposer son point de vue, la démocratie consensuelle n'est pas le blocage et l'unilatéralisme, et consensus et diktat ne font pas bon ménage, ajoute ce ministre.
Reste à savoir si l'une des parties est prête à torpiller le cabinet Salam, comme cela avait été le cas en janvier 2011, avec le cabinet Hariri. Des sources politiques bien informées estiment qu'aucune des formations n'a intérêt à l'heure actuelle de torpiller le cabinet et de provoquer un vide global. Le Hezbollah s'attache à l'équipe actuelle, en dépit de « toutes ses tares ». Le vide constitutionnel est inquiétant pour le parti chiite, qui a besoin de se parer d'une certaine légalité dans sa lutte contre le terrorisme, afin que lui-même ne soit pas associé, à travers le monde, aux formations radicales qu'il combat. De plus, le maintien du cabinet Salam reste une garantie de stabilité et de sécurité pour toutes les parties. Or aucune partie n'a intérêt à contribuer à l'érosion de ce qui immunise encore la scène libanaise, surtout à l'heure où l'ensemble de la région est ravagé par la violence sectaire. Aucune, et surtout pas le Hezbollah, qui ne veut en aucun cas que son fortin, situé au Liban, ne puisse être menacé alors que ses troupes se trouvent en campagne à travers la Syrie. Partant, les propos concernant la perspective d'un nouveau 7 Mai – c'est-à-dire de nouvelles expéditions punitives du Hezbollah contre ses partenaires nationaux – ne sont pas à prendre au premier degré : le Hezbollah a beaucoup trop à faire en Syrie pour ouvrir un nouveau front sur la scène interne et sait bien qu'il suffirait d'une étincelle pour que les crispations identitaires débouchent sur une explosion de violence incontrôlable.
En dépit des positions en flèche adoptées jeudi soir par le chef du CPL, Michel Aoun, Tammam Salam a convoqué hier à une réunion du Conseil des ministres la semaine prochaine. Cette réunion pourrait avoir lieu dans un climat régional moins tendu, après la signature prévue de l'accord entre l'Iran et la communauté internationale sur le nucléaire. Nombre d'observateurs s'attendent en effet à ce que la phase suivant la signature de cet accord soit politique par excellence et ouvre la voie à la recherche de solutions aux problèmes de la région, notamment la crise politico-institutionnelle au Liban. Des sources bien informées font en effet état d'une amélioration significative du climat dans la région une fois que le train des règlements se sera mis en marche – y compris au Liban, où cela devrait se traduire par un déblocage de l'échéance présidentielle. Selon un diplomate, les différents leaders devraient se mettre en phase avec cette nouvelle donne internationale et en profiter pour libaniser les échéances, notamment la présidentielle. Selon lui, la démarche de Tammam Salam s'inscrit dans ce cadre et marque le début d'une nouvelle étape pour le Liban.

Les ministres du Courant patriotique libre (CPL) ont tenté jeudi, en Conseil des ministres, de soulever la question des prérogatives constitutionnelles du président du Conseil en s'opposant à l'ordre du jour de la séance. Les ministres aounistes ont ainsi estimé que ce qui s'est produit représente une atteinte au mécanisme d'action du Conseil. Cette position a été interprétée par...

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