«Maman, c'est quoi un gay?» C'est quelqu'un qui aime quelqu'un du même sexe. «Et ils s'embrassent sur la bouche?» Oui. «Parce qu'ils s'aiment?» Oui. «Un garçon avec un garçon, c'est-à-dire ? » Oui, et une fille avec une fille. «Et tu as des amis gays?» Oui. «Ah, OK. Et pourquoi il y a des gens qui disent que ce sont des pédés?» Ah, ça... Ne laisse jamais personne dire à quelqu'un que c'est un «sale pédé», chéri. «Akid, je lui casserai la gueule.» Ça serait bien que tout le monde pense comme toi. Parce qu'ici, chéri, ceux qui se font casser la gueule, ce sont les «pédés». Les gays. Ce ne sont pas ceux qui les insultent, les jugent, les humilient, les emprisonnent et les torturent qui s'en prennent une. Malheureusement. Délit d'homosexualité. Menottes au poignet et menace d'un médecin légiste pour prouver «qu'on en est». Avec un œuf cru.
Où vit-on? Le 27 juin, la Cour suprême des États-Unis légalisait le mariage gay sur la totalité du territoire. Des arcs-en-ciel partout. Des sourires. La Maison-Blanche qui se teinte du drapeau aux sept couleurs qui, il y a des décennies, ne flottait que sur quelques toitures de Castro à San Francisco. Des rainbows et encore des rainbows. #lovewins. L'amour gagne. Il gagne du terrain un peu partout. Enfin. Le triomphe de la (non) différence. L'amour gagne.
Oui, mais pas chez nous. Au Liban, l'amour fait perdre. L'amour homo fait perdre. Perdre sa dignité à un jeune couple, arrêté à un barrage. Perdre leur dignité aux spectateurs d'un cinéma, aux clients d'un hammam, à deux hommes chopés sous une porte cochère alors qu'ils volaient un baiser. L'amour ne gagne pas. La saleté, oui. Ici, l'homosexualité est encore taboue. Le sexe est tabou. On n'en parle pas. Et on se planque dans le placard. On se marie pour sauver l'honneur de la famille. On fait des gamins pour noyer le poisson dans l'eau. Et on la ferme. Parce qu'on a peur. Peur de la différence, peur de ce que l'on ne connaît pas. Ici, même si la communauté gay (comme s'il y avait une communauté hétéro...) s'affirme et s'affiche de plus en plus, on se fait traiter de «louté», de «tobjé». Même les gens éduqués se mettent à flipper quand une Cour suprême présidée par un républicain autorise le mariage gay. «Je n'ai rien contre les homos, mais...»
Aucune phase où il y a un «mais» ne laisse présager quelque chose de positif ou d'intelligent. «Si on commence avec les gays, où cela va-t-il finir? Quelles seront les dérives? Le mariage avec les animaux, entre frères et sœurs?» Autant d'inepties entendues tous les jours. «C'est antinature.» Selon qui? Selon quoi? Les idées sont encore arrêtées, l'intolérance est devenue de rigueur. Comment voulez-vous qu'on accepte l'amour homo quand on n'accepte pas la religion de l'autre, le rite de l'autre, la classe sociale de l'autre? «Maman, est-ce que les gays peuvent avoir des enfants?» Dans certains pays (lointains), ils ont le droit d'en adopter. «Comme ça, au lieu de rester orphelins, ils auront des parents qui les aiment.» Voilà. Phrases naïves, phrases d'enfants, phrases de bon sens. Les enfants sont dans la vérité, les adultes en ont peur. Elle est là la vérité. L'amour n'a pas de genre. Ce n'est qu'uniquement de l'amour. Un amour qui ne fait de mal à personne, sauf à ceux qui le ressentent.
Lifestyle - Un peu plus
Tristement gay
OLJ / Par Médéa AZOURI, le 04 juillet 2015 à 00h00
commentaires (4)
Ce sont nos frustrations accumulées et refoulées qui nous interdisent de reconnaître la différence de l'autre, toute différence . L'amour gagnera un jour, patience .Le Liban ne va pas toujours être administré par des frustrés .
SALEH SROUR
19 h 35, le 05 juillet 2015