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Culture - Performance

Qui a dit qu’on ne peut pas dialoguer avec les immeubles...

Donner la parole à treize immeubles en ruine dans une ville qui n'en finit pas de panser ses blessures béates... en béton. C'est le défi de Raafat Majzoub, architecte et auteur de la performance « Hello, Can You See Me ? » qui se déroule aujourd'hui.

Photo Raafat Majzoub.

Qui peut, aujourd'hui, (se) représenter Beyrouth sans ses innombrables immeubles en ruine ? Les buildings aux façades criblées de balles et aux fenêtres brisées sont devenus emblématiques de la capitale libanaise. Aux yeux de beaucoup, ces immeubles sont devenus invisibles. Et pourtant, ces témoins de l'histoire auraient tellement de choses à raconter. Les faire parler ? C'est le défi un peu fou que s'est lancé le jeune architecte Raafat Majzoub, fils de la ville et auteur du projet « Hello, Can You See Me ? qui se déroule aujourd'hui en treize lieux différents de la capitale. Questions...

Pouvez-nous raconter comment va se dérouler l'expérience ?
Une camionnette de légumes, en apparence banale va sillonner les rues de Beyrouth, en vendant ses concombres et ses courgettes aux passants. Son parcours compte treize immeubles abandonnés emblématiques de Beyrouth. Par moments, l'écran LED qui affiche les prix des légumes changera son texte. « Hello, Can You See Me ? » Mais de qui parle-t-on ? De l'immeuble abandonné juste derrière. Grâce à leur téléphone portable et aux réseaux sociaux, les passants pourront alors converser en direct avec le bâtiment. Depuis ma voiture reliée à l'écran LED par une connexion wi-fi, je me mettrai dans la peau de l'immeuble et j'écrirai les dialogues. Les gens peuvent suivre sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram. Il y a des vidéos postés en direct. C'est une première pour moi aussi !

Faire parler les immeubles? C'est un projet un peu futuriste... Comment vous est venue une telle idée ?
Ce n'est pas si futuriste ! Un camion de légumes et un écran LED, c'est la chose la plus banale qui existe à Beyrouth. Ma conviction, c'est que les immeubles ont quelque chose à nous dire : ils ont une histoire. Certains s'ennuient, certains sont mégalomanes, et ils ont tous leur caractère un peu étrange. Mais nous ne les voyons même plus. Parce que l'on n'a rien à faire avec eux, parce qu'il y a des caméras et des murs autours d'eux, on est un peu embarrassés, on passe à côté sans lever la tête, et nous finissons tout simplement par... les faire disparaître. Beaucoup de Libanais sont par exemple incapables de situer le Holiday Inn à Beyrouth. On les oublie, et en même temps on pense qu'on les aime, qu'ils font partie de notre histoire, qu'ils disent quelque chose de nous. En réalité, ces immeubles ne nous appartiennent plus. Ils sont tous aux mains d'investisseurs privés ou de familles du Golfe. On voudrait prétendre qu'ils appartiennent au patrimoine libanais, mais on ne mérite même plus ces immeubles.

Ce dispositif, c'est pour tirer la sonnette d'alarme ? Vous voulez sensibiliser les gens ?
Je n'aime pas dire que je fais de la sensibilisation, mais cela fait forcément un peu partie de mon travail. Je ne suis ni éducateur, ni journaliste, ni homme politique. Sinon, j'aurais organisé une exposition de photos ou une conférence. Je suis architecte, je voudrais juste que les gens se demandent : « Pourquoi pas ? » Un simple « pourquoi pas ? ». Et si les immeubles avaient vraiment une histoire à nous dire ? On a tant besoin de ce « pourquoi pas ? » au Liban. Cela changerait beaucoup de choses.

Et après ? Que comptez-vous faire avec les « résultats » de cette expérience ?
Il y aura des publications, des vidéos sur Internet et un documentaire, mais c'est aussi et surtout pour mon travail d'écriture. Cela fait trois ans que je rédige une nouvelle, The Perfumed Garden, pour laquelle je m'inspire des différents projets que je mène. C'est une sorte d'autobiographie sur le monde arabe où le personnage principal est l'espace. Je ne voulais pas que ce soit uniquement imaginaire. J'ai des idées imaginaires, comme des immeubles parlants, mais je voulais inscrire ces idées dans la réalité. Si les gens suivent cette expérience et lisent le roman après. Ils pourront avoir en mémoire des scènes réelles alors même que l'idée est imaginaire. Un pied dans la fiction, un pied dans la réalité.

Liens Internet

Pour suivre l'itinéraire :
www.hellocanyouseeme.com
Instagram :
https://instagram.com/hellocanyouseeme
Facebook :
https://goo.gl/qR4697
Twitter :
https://twitter.com/allosheyefne

Qui peut, aujourd'hui, (se) représenter Beyrouth sans ses innombrables immeubles en ruine ? Les buildings aux façades criblées de balles et aux fenêtres brisées sont devenus emblématiques de la capitale libanaise. Aux yeux de beaucoup, ces immeubles sont devenus invisibles. Et pourtant, ces témoins de l'histoire auraient tellement de choses à raconter. Les faire parler ? C'est le défi un...

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