Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Analyse

Les États-Unis, une puissance (de nouveau) en déclin ?

Alors que les USA fêtent ce 4 juillet leur indépendance, deux experts dissèquent pour « L'Orient-Le Jour » le bilan des années Obama, la politique américaine, notamment diplomatique et militaire, ayant constitué une rupture avec son prédécesseur, sans pour autant enregistrer de succès non plus.

Le président américain, Barack Obama. Saul Loeb/AFP

À la fin des années 1980, le politologue Samuel P. Huntington publiait « Les États-Unis : déclin ou renouvellement? » dans Foreign Affairs, article dans lequel l'auteur développe la théorie selon laquelle une puissance n'en est réellement une que lorsqu'elle a la capacité de se relever. L'histoire des États-Unis étant marquée de déclins suivis de régénérescences et ainsi de suite, la détérioration du système de l'époque – en 1988, plus précisément – ne pouvait être que temporaire.
Effectivement, peu après, la chute du mur de Berlin, suivie de celle de l'Union soviétique, ne pouvait que mettre en relief l'impression selon laquelle les États-Unis étaient la seule puissance apte à gérer les affaires du monde. La mondialisation qui a suivi, touchant au passage les pays adhérant à l'idéologie communiste, a néanmoins vite fait de démentir, ou en tout cas de tempérer, cet unilatéralisme au cours des années qui ont suivi. Au cours de ses mandats, le président Georges W. Bush a essayé de faire régner l'ordre dans le monde en utilisant au maximum la puissance militaire des USA. En Afghanistan comme en Irak, le résultat ne correspondait pas à l'ambition affichée par les États-Unis, rappelle Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris et spécialiste des Amériques. Et d'expliquer que le président Barack Obama est arrivé sur ce constat d'échec des stratégies de la force pratiquées par son prédécesseur. Il a par la suite tenté de mettre en place une autre diplomatie, dès le départ contestée essentiellement par le Parti républicain. L'un de ses moments forts, son discours historique du Caire (le 4 juin 2009), marquait d'ailleurs une rupture avec l'ère Bush, donnant le premier rôle au dialogue, notamment avec l'islam.

Rupture avec le passé
C'est cette même diplomatie nouvelle qui a conduit le président Obama, depuis quelque temps, à prendre un certain nombre d'initiatives qui ont surpris, d'autant plus qu'il n'a plus de majorité ni au Sénat ni à la Chambre des représentants. En matière internationale, le président américain a coupé avec la longue tradition politique de rapports de force. Il s'est considérablement rapproché de l'Iran et a mis fin à l'embargo qui isolait Cuba des frères Castro. Il a également, en matière de politique intérieure, mis en place une nouvelle protection sociale pour les migrants, nombreux aux USA, et un processus de régularisation des sans-papiers. Il semble pourtant que cette diplomatie n'a pas donné plus de résultats que la précédente, et que finalement la gestion des affaires du monde par un grand pays, même le plus puissant en termes d'armes, d'économie, de culture, etc., dépassait ses capacités.
Les États-Unis sont-ils en phase de « renouvellement », tel que le présentait Samuel Huntington, ou de « déclin » ? Les détracteurs du président américain affirment aujourd'hui que ce pays n'est plus ce qu'il était, notamment depuis le début des mandats de Barack Obama, et que ce « déclin », diplomatique et militaire notamment, même relatif, « est une réalité que tous les indicateurs confirment (...). C'est une tendance qui s'inscrit dans la durée », juge Barthélémy Courmont, maître de conférences à l'Université catholique de Lille, directeur de recherche à l'Iris et rédacteur en chef de Monde chinois, nouvelle Asie.

 

(Lire aussi : Comment rénover l'ordre mondial)

 

Vigueur perdue
Cette volonté de progresser par à-coups vers autre chose que ce qui était déjà en place crée un trouble certain chez les anciens alliés des USA, habitués aux interventions militaires. Ils estiment aujourd'hui que l'Oncle Sam a perdu de la vigueur idéologique et militaire qu'il manifestait quelques années auparavant.
Depuis le premier mandat d'Obama, la présence militaire américaine a de fait été considérablement modifiée, ne serait-ce qu'au Moyen-Orient. « Cette modification était nécessaire et inscrite dans les promesses de campagne d'Obama, notamment le retrait progressif d'Irak, conflit long et coûteux, et dont les bénéfices étaient plus que discutables. Il y a eu ensuite des réajustements en fonction des événements, de la crise libyenne à la naissance de Daech, en passant par la lutte contre le régime de Bachar el-Assad. Le problème est que ces revirements traduisent plus que jamais une absence de vision sur le long terme », estime M. Courmont, pour lequel « la capacité d'influence ne se mesure pas en nombre de troupes présentes dans une région ».
Ces « réajustements », d'après M. Kourliandsky, permettent à la présence militaire américaine dans le monde d'être moins visible, plus légère, mais aussi plus mobile, capable de réagir à la demande. Il s'agit d'éviter, comme on l'a vu par le passé, des interventions massives qui coûtent très cher et qui s'embourbent, comme ce fut le cas au Vietnam, en Irak, en Afghanistan.

 


Le président américain Barack Obama, lors de son discours historique au Caire, en juin 2009. Goran Tomasevic/Reuters

 

Et le nucléaire iranien ?
Dans ce contexte, l'accord sur le nucléaire iranien qui semble sur le point d'aboutir « serait un immense succès diplomatique » et aurait sans doute « un impact positif sur l'image des États-Unis dans le monde, affirme M. Courmont. Mais dans le même temps, les alliés arabes de Washington, ainsi qu'Israël, y verraient une forme de trahison ». Il y a aussi d'autres facteurs à prendre en compte, explique M. Kourliandsky : la volonté de se désengager du Proche et du Moyen-Orient, maintenant que les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole. Cette région est donc devenue moins importante stratégiquement, et en s'y retirant progressivement, les USA auraient les mains plus libres pour affronter la concurrence montante en Asie, c'est-à-dire la puissance chinoise. À ce sujet, la stratégie du pivot vers l'Asie de Barack Obama était nécessaire compte tenu à la fois de l'émergence de l'Asie dans sa dimension économique, mais aussi politique. « Le problème est que cette stratégie est un échec, les États-Unis n'étant pas parvenus à véritablement renforcer leur présence dans la zone », indique Barthélémy Courmont.
Sur ce, la nouvelle diplomatie d'Obama est passée à la vitesse supérieure, ce qui est peut-être lié au fait que les États-Unis sont entrés en période de campagne électorale. « C'est à la fois un accélérateur d'idées et d'initiatives pour Obama, mais cette politique étrangère reste dans le même temps assez fragile, ne bénéficiant pas du consensus général, avec le Parti républicain engagé contre les démocrates dans la présidentielle. Le devenir de cette politique étrangère reste suspendu à la dynamique de cette élection et son résultat. Il faudrait donc refaire le point d'ici à deux ans », conclut Jean-Jacques Kourliandsky.

 

---

 

Les candidats en lice pour les primaires démocrates

L'ancien sénateur Jim Webb a annoncé jeudi sa candidature à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle américaine de 2016. Ils sont désormais cinq prétendants officiellement déclarés à se disputer l'investiture du Parti démocrate pour la course à Maison-Blanche pour laquelle Hillary Clinton, ex-chef de la diplomatie américaine et épouse de l'ancien président Bill Clinton, est considérée comme la favorite.
Cette dernière entend effacer son échec de 2008, lorsque Barack Obama lui avait barré la route lors de sa première tentative d'investiture du Parti démocrate pour une élection présidentielle. À 67 ans, l'ex-Première dame, qui a également été élue sénatrice de l'État de New York en 2000 et fut la secrétaire d'État de Barack Obama pendant son premier mandat, survole les intentions de vote auprès des sympathisants démocrates. Elle a la préférence de plus d'un électeur potentiel sur deux. À ce stade de la précampagne, Clinton concentre ses interventions sur l'égalité hommes-femmes et la défense des classes moyennes.
Quatre autres candidats sont engagés.
Le sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, âgé de 73 ans, se qualifie de socialiste et veut démanteler les grandes banques et réduire l'influence des milieux d'affaires sur les élections américaines. Martin O'Malley, ancien gouverneur du Maryland, entend se positionner, à 52 ans, comme une alternative plus à gauche que Hillary Clinton. Sa précampagne s'est focalisée sur les excès de Wall Street et les injustices sociales. À 62 ans, Lincoln Chafee a d'abord été un élu républicain au Sénat avant de se présenter en candidat indépendant à l'élection du gouverneur de Rhode Island pour finir au Parti démocrate en 2013. Il veut extraire les États-Unis de leur implication dans de coûteuses guerres à l'étranger et fait de l'éducation, des infrastructures et de la santé ses priorités. Jim Webb, 69 ans, a représenté la Virginie au Sénat américain de 2007 à 2012. Dans son annonce sur son site Internet, JimWebb'16, il indique avoir pris sa décision d'être candidat après avoir réfléchi pendant plusieurs mois. L'ancien sénateur, qui a fait la guerre du Vietnam, est connu pour ses critiques sans détour de la politique étrangère des États-Unis et pour son soutien aux militaires américains en mission à l'étranger.

Obama ironise sur les « Hunger Games » des républicains

« Une sacrée bande ! » : Barack Obama a ironisé jeudi sur le nombre de candidats républicains qui se bousculent pour tenter de lui succéder à la Maison-Blanche en 2017. « Je n'arrive plus à compter le nombre de républicains qui sont candidats », a lancé le président démocrate devant des étudiants à La Crosse, dans le Wisconsin (Nord). « Il y en a assez pour un vrai Hunger Games ! » a-t-il ajouté, en référence aux livres et films à succès décrivant une société futuriste dans laquelle ses habitants sont contraints de participer à un jeu télévisé dont la règle consiste à tuer pour espérer survivre.
Le gouverneur républicain du Wisconsin Scott Walker, qui a accueilli jeudi le président à sa descente d'Air Force One, a officialisé dans la journée sa candidature à l'investiture républicaine. Il devient ainsi le 15e à entrer dans la course. Six gouverneurs anciens ou actuels, cinq sénateurs anciens ou actuels, une ancienne dirigeante d'entreprise, un magnat de l'immobilier et un neurochirurgien se sont également lancés. Les primaires commenceront en janvier 2016 dans l'Iowa, la convention d'investiture est fixée à juillet 2016, et l'élection présidentielle à novembre 2016.

 

Lire aussi
Pour Obama et pour l'Amérique, une semaine qui fera date

L'exercice d'équilibriste d'Obama sur les questions raciales

Malgré les avancées de l'EI, Obama maintient le cap

À la fin des années 1980, le politologue Samuel P. Huntington publiait « Les États-Unis : déclin ou renouvellement? » dans Foreign Affairs, article dans lequel l'auteur développe la théorie selon laquelle une puissance n'en est réellement une que lorsqu'elle a la capacité de se relever. L'histoire des États-Unis étant marquée de déclins suivis de régénérescences et ainsi de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut