Gharbieh... Charkieh... Ouest... Est... Chez nous... Chez eux !
Il est consternant de voir que, 25 ans après la fin de la guerre libanaise, on entend encore ces propos. Prononcés avec peur, conviction ou dédain, souvent accompagnés d'un geste de la main comme pour mieux marquer la frontière entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, ils montrent le profond fossé qui sépare les Libanais, musulmans et chrétiens, dans leur inconscient collectif.
Un fossé infranchissable pour certains, qui refusent de passer le cap les séparant de l'autre région. Ils se sentent si bien dans leur petit ghetto, avec ces gens qui pensent comme eux, qui vivent comme eux, qui s'habillent comme eux. Habités par cette même méfiance de l'autre qu'ils regardent d'un mauvais œil dès lors qu'il ose s'aventurer dans « leur région ». Et si jamais ils franchissent le pas à leur tour, pour une raison ou pour une autre, ils ne tiennent pas en place, envahis par un indescriptible malaise, jusqu'au moment de retrouver la frontière de leur « chez nous ».
Le temps n'a décidément pas guéri les blessures de la guerre civile. Il n'a toujours pas effacé les souvenirs des massacres commis au nom de la religion. Il n'a pas non plus exorcisé les peurs ni calmé les appréhensions. Pas plus qu'il n'a poussé les citoyens de différentes communautés à se rencontrer, pour se découvrir des points communs, des affinités pourquoi pas. La génération de la guerre a pourtant pris de l'âge, et la jeune génération n'a heureusement pas vécu les affres du conflit baptisé « guerre civile », qui a éclaté il y a plus de 40 ans. Mais les peurs ont la vie dure. Les mauvaises habitudes aussi. Elles se transmettent d'une génération à l'autre, comme une damnation.
Ne voilà-t-il pas que des politiciens jettent de l'huile sur le feu et agitent le spectre du fédéralisme, de la cantonisation, comme un vieil épouvantail. Aussitôt rejoints par ceux qui considèrent le vivre en commun comme une aberration, et s'accrochent à d'absurdes classifications genre Charkieh ou Gharbieh. Et c'est bien dommage.
Liban - Citoyen grognon
Gharbieh... Charkieh
OLJ / Par Anne-Marie El-HAGE, le 04 juillet 2015 à 00h00
commentaires (3)
Qui agite le spectre du fédéralisme et du cantonisation ? C'est le partenaire du Hezbollah, Michel Aoun. Il rêve d'être un président de quelque chose, serait-ce un président d'un poulailler.
Un Libanais
15 h 19, le 04 juillet 2015